Administration pénitentiaire à Casabianda

Toujours des discriminations pour des agents en situation de handicap

L’agent est déclaré apte au travail en milieu ouvert. Casabianda est tout indiqué !
Les agents de l’État qui travaillent dans la pénitentiaire ne sont pas forcément les mieux considérés, notamment dans les milieux nationalistes… et pourtant, autonomistes, indépendantistes, et plus généralement tout Corse conscient des difficultés économiques de l’île, savent qu’il est impossible de faire l’impasse sur les agents pénitentiaires. Une île émancipée a besoin d’une administration solide en tous domaines, et particulièrement en ce qui concerne la police, la justice et les prisons ! Une chose est sûre, la Corse a surtout besoin de paix, et notamment de paix sociale.

 

 

L’agression mortelle contre Yvan Colonna a montré à quel point les dérives de toute nature peuvent intervenir en prison. D’ailleurs, on aimerait bien savoir ce qu’a fait l’État des conclusions du rapport d’enquête parlementaire présidé par Jean Félix Acquaviva, non seulement pour la mémoire d’Yvan, pour sa famille et pour la Corse, mais aussi pour l’état exécrable des prisons en France et les milliers de détenus et de gardiens qui en souffrent.

Une prison bien administrée, où les agents sont correctement traités d’un point de vue social, est une prison où les détenus ont une chance de réinsertion. Or, force est de constater, qu’en prison aussi, c’est la désorganisation, les passe-droits, les dérives, les trafics. Pas partout, mais quand même. Et sur ce point, des informations démontrent que trop de situations anormales perdurent, même les plus simples à régler !

 

Il y a un an, le 29 septembre 2023, Arritti titrait « Tensions dans la pénitentiaire ». « Les Corses n’arrivent pas à rentrer, quand les continentaux fraichement arrivés et dans la même situation, obtiennent leur mutation ! » se lamentait le responsable STC que nous avions interrogé. Philippe Franchini soulevait le cas de deux agentes maltraitées par leur administration. Mutées aux Baumettes après l’école pénitentiaire, elles avaient toutes deux des enfants en RQTH* et ont dû vivre un éloignement forcé très préjudiciable à leur famille.

Parmi elle, sa compagne Christelle Escamilla, qui dispose elle-même d’une RQTH ne lui permettant pas les trajets longs en voiture, remplissait toutes les conditions de mutation à Casabianda, lieu de son domicile où la situation de son fils nécessite la présence de sa mère, de même que son compagnon également malade. Elle s’est vue systématiquement refuser sa mutation, pendant que des postes sont vacants et que d’autres agents sont appelés du continent pour combler le manque d’effectifs local… À force d’insistance, elle a été rapprochée le 1er septembre 2023, mais à Borgu, au prétexte que l’établissement serait seul habilité à former les stagiaires. « Ce qui est faux » explique Philippe Franchini, « le centre de détention où je suis depuis 30 ans dispose d’un formateur où nous avons reçu à plusieurs reprises des stagiaires de tout corps ».

M. Franchini, en congé de longue maladie, et qui a subi plusieurs hospitalisations, continue à plaider le bon droit de sa compagne. En vain. Plus rien ne se passe depuis un an, malgré des demandes répétées de mise à disposition au centre pénitentiaire de Casabianda, les certificats médicaux fournis et les soutiens syndicaux et politiques apportés.

 

Le 8 novembre dernier, Philippe Franchini, qui depuis se retrouve en fauteuil roulant car son état s’est dégradé, a interpellé Didier Migaud, actuel garde des Sceaux, ministre de la Justice.

« Ces trois dernières années des élèves surveillants stagiaires ont obtenu des mises à disposition au bout de six mois de stage pour des motifs beaucoup moins graves que les nôtres » se plaint Philippe Franchini, « il y a quatre mois un surveillant du CP Borgu a été mis à disposition au CD Casabianca ».

Pire, « le centre de détention de Casabianda emploie depuis des mois trois surveillants retraités à 120 € par jour, trois jours par semaine », alors que « des postes sont vacants » et que les médecins du Conseil médical et le médecin du travail attestent de l’aptitude au travail de Christelle Escamilla, mais de sa nécessité de « travailler dans un établissement pénitentiaire ouvert » (Borgu est un établissement fermé au contraire de Casabianda). Cette aptitude en milieu ouvert vient de nouveau d’être confirmée par le Conseil médical du 19 novembre.

Alors, que se passe-t-il ?

« Dans ce métier, on nous rappelle en permanence que nous devons avoir une structure familiale garante d’un équilibre psychoaffectif et social » se désole à raison Philippe Franchini. En Corse, les droits des personnes en situation de handicap et plus généralement leurs droits sociaux sont-ils respectés ? Cherche-t-on à pousser Madame Escamilla à partir d’elle-même ? À la licencier ? Une chose est sûre, cette famille est à bout, elle a utilisé toutes les voies de recours possibles. Désormais, avec tous ses soutiens (élus, syndicats, associations), Philippe Franchini s’apprête à une action de terrain pour se faire entendre. Les députés Michel Castellani, Paul André Colombani et Laurent Marcangeli ont tous fait une demande d’audience auprès du ministère pour évoquer son cas. Le syndicat FO relance la direction, les partis nationalistes se préparent à intervenir…

 

Cette affaire soulève la façon dont l’administration pénitentiaire, et plus largement notre société, traite les personnes en situation de handicap. On a vu de belles images pendant les Jeux Olympiques en France, il s’agirait de mettre en application les bonnes résolutions que cela supposait : la reconnaissance du handicap passe par la reconnaissance des droits sociaux de ces personnes, et particulièrement de leur droit au travail. •

Fabiana Giovannini.

 

* Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.