Nos lecteurs se souviennent de notre article il y a quelques mois concernant la petite Wissal, trois ans, que sa maman d’adoption, Latifa, qui réside dans la région de Viscuvatu, voulait ramener chez elle… Wissal grandissait depuis sa naissance en orphelinat. Gentille petite fille aux grands yeux tristes dont Latifa, en quête d’une enfant depuis six ans, était tombée amoureuse lorsqu’elle lui avait été présentée à l’âge d’un an, après autorisation de sa kafala.
La kafala est une mise sous tutelle d’un enfant lui permettant de s’épanouir au sein d’une famille jusqu’à sa majorité, c’est un peu l’équivalent de l’adoption en France, même si après la majorité l’enfant n’est (en théorie) plus lié à ses parents d’adoption. En réalité, des liens d’amour très forts se créent pour perdurer toute la vie. Et c’est bien l’amour qui a uni immédiatement, comme dans un coup de foudre, cette enfant et Latifa. Quel bonheur de les savoir ensemble aujourd’hui !
Wissal est transfigurée ! Aujourd’hui, pour ceux comme Arritti qui ont suivi le parcours de l’enfant, on voit dans les photos et vidéos qui nous parviennent une petite fille joueuse qui rit aux éclats aux moindres choses qu’elle découvre, heureuse de vivre : Wissal a un foyer ! Cette sécurité et l’amour qu’elle lui a offert, Latifa en a tout le mérite. Elle s’est battue comme une lionne pour sauver cette enfant du malheur de l’abandon et elle a dû pour cela surmonter bien des épreuves. Un vrai parcours du combattant ! Heureusement, soutenue jusqu’à se déplacer avec elle au Maroc pour assister aux audiences judiciaires, par des associations de défense des enfants et des femmes, Latifa a gagné son combat pour le bonheur de Wissal !
Le 9 mai dernier, le juge marocain qui suivait l’affaire depuis deux ans, a accordé la kafala définitive à Latifa qui est désormais la maman d’adoption de Wissal ! La demande de passeport et de visa a été déposée immédiatement. Enfin obtenu ce dernier graal, Wissal est sur le point d’arriver en Corse avec sa maman, pour commencer sa nouvelle vie !
Bravo à tous celles et ceux qui sont intervenus dans ce dossier !
Particulièrement à Enfance Famille Adoption de Corse et son avocate Maître Céline Boyard, Avà Basta, la Ligue corse des Droits de l’Homme, Donne Surelle, Orphelin’Aide, le Collectif corse pour l’adoption sans racisme institutionnel, le député européen François Alfonsi, le maire de Viscuvatu, Benoît Bruzi, le Docteur Pernin du Collectif de Lutte contre l’Exclusion, les services de la Consule du Maroc, Najoua El Berrak, le Sénateur de Haute-Corse Paulu Santu Parigi, l’ancien député François Pupponi, et bien d’autres encore, comme Laetitia Maroccu, élue à Aiacciu, ou Ibrahim Messoud le traducteur qui s’est mobilisé au pied levé pour permettre de déposer des dossiers en bonne et due forme auprès de la justice marocaine ! Reste qu’il a fallu se battre contre les lourdeurs administratives des services de l’aide sociale à l’enfance de la Collectivité de Corse pour obtenir le droit de donner un avenir à cette enfant.
Wissal aura passé plus de 10 mois supplémentaires en orphelinat du fait d’un comportement obtus de l’administration, transformant un dossier validé auparavant par le même service et qui refusait de manière incompréhensible tout examen correctif. Il est pourtant un principe intangible qui commande le droit : l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce principe doit conduire, quelles que soient les règles et procédures en vigueur, à rendre prioritaire cet intérêt.
Rappelons les faits. Latifa reçoit un avis favorable en 2017, confirmé en 2018, pour sa demande de kafala, lui permettant de poursuivre la procédure au Maroc. L’enfant, née en 2020, lui est présentée en 2021, Latifa est prioritaire sur son adoption et peut la visiter. Mais avant une kafala définitive, le juge réclame une nouvelle enquête sociale en août 2022, demande logique puisque deux ans se sont écoulés depuis les précédents avis. Or ce qui devait être une simple formalité cumule des informations erronées et des appréciations abusives de la part des services de la CdC, pour se conclure par un avis défavorable, au prétexte d’un « projet non abouti ». Latifa, désespérée, fait alors appel aux associations qui réclament une entrevue avec les services, en vain. Il a fallu médiatiser par des articles de presse (Arritti, Corse Net Infos) et de nombreuses interventions au forum de RCFM pour qu’une réunion soit accordée par l’Aide Sociale à l’Enfance.
Démonstration est faite des erreurs manifestes du dossier, une nouvelle enquête sociale est diligentée… par le ministère ! Heureusement, le juge marocain se rend compte de l’injustice de la situation. Et puis, surtout, l’enfant joue sa part. Elle n’a plus revu Latifa dont la kafala a été suspendue, mais elle ne l’a pas oubliée, et elle ressent bien que quelque chose ne va pas… À l’orphelinat, d’autres parents potentiels lui sont présentés. La petite entre dans une grosse crise de larmes, et refuse de s’alimenter. Le juge s’inquiète et comprend qu’il faut concéder de nouveaux délais à Latifa. De longues semaines s’écoulent encore pour in fine se conclure, par les corrections du dossier et un avis favorable de l’ASE, puis du ministère : le 9 mai 2023, le jugement définitif de kafala est prononcé !
Le même jour, la maman et sa fille se revoient, enfin ! « Je n’avais jamais vu ça en 30 ans » a déclaré le juge marocain. C’est dire à quel point le combat a été rude et le blocage incompréhensible.
Si nous sommes entrés dans le détail de cette affaire, c’est pour faire prendre conscience à quel point une décision administrative peut être parfois préjudiciable à l’avenir d’un enfant. S’il existe des voies de recours c’est pour corriger des erreurs humaines et ces voies de recours ne devraient pas avoir besoin de l’exercice du rapport de forces pour s’appliquer. S’il existe des associations en tout domaine c’est pour apporter une vision de terrain souvent déterminante à l’examen juste des dossiers. Et s’il existe surtout en matière de droit, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est pour que chacun s’en imprègne de manière prioritaire.
Arritti se réjouit que Wissal, qui, en langue berbère, signifie « union de deux êtres », ait trouvé un foyer auprès d’une maman qui l’aimera toute sa vie. Merci à tous ceux qui ont œuvré pour cette issue heureuse. •