Plus de 50 ans après la création du comité Anti-Vaziu pour protester contre l’utilisation du fuel lourd comme source d’énergie pour la centrale de production électrique du Vaziu et une première victoire en 2017 avec l’abandon de ce même fuel lourd à la centrale de Lucciana, voilà que la première pierre de la future centrale du Ricantu devant remplacer celle du Vaziu et fonctionnant quant à elle au biocarburant a été posée ce vendredi 22 novembre. Preuve que le militantisme politique sur le temps long finit toujours par porter ses fruits, d’autant plus lorsque l’on porte la voix de la raison et de la justice.
On aura pu compter sur la détermination et le travail de nombres de femmes et d’hommes qui n’ont voué leur engagement qu’à l’intérêt général de ce peuple, on pense d’abord légitimement à François Alfonsi et à Norbert Laredo, trop tôt disparu, qui ont notamment été à l’initiative, avec d’autres du comité Anti-Vaziu et de l’action menée, en novembre 1983, qui avait détourné un convoi transportant un élément nécessaire au fonctionnement d’un moteur de la centrale. Le rotor avait fini son trajet dans le port d’Aiacciu au lieu de terminer à « bon port » au Vaziu… Une action jamais revendiquée.
Sur le plan associatif, nombreux ont été d’un appui important pour l’avènement d’une politique plus vertueuse de la puissance publique en matière de production énergétique, on pourrait citer de façon non exhaustive les associations Aria Linda, Sintinella et d’autres, comme U Levante ou Le Garde quant à l’impact sur l’environnement et la santé des populations, qui ont tous œuvré à la situation actuelle, ou encore le collectif des résidents de la Marana, porté par Michè Angeli, qui aura conduit à l’abandon du fioul lourd à la centrale de Lucciana et par effet papillon à favoriser l’avènement de cette nouvelle centrale du Ricantu.
Important de souligner aussi l’implication d’un certain nombre d’élus qui par leurs action ont permis d’alerter l’opinion publique et de faire avancer ce dossier institutionnellement, je pense à Nadine Nivaggioni, à Fabiana Giovannini, et à l’ensemble du groupe Femu a Corsica, avec des actions de sensibilisation « coup d’éclats » à l’Assemblée de Corse (notre photo ci-contre), mais aussi sur le terrain aux côtés des associations, et qui ont travaillé avec abnégation sur ce sujet sans jamais se détacher de la priorité : le développement des énergies renouvelables. Le renouvellement des centrales au gaz hier, aujourd’hui aux biocarburants, s’inscrit en effet dans une phase transitoire pour aider à la montée en charge justement de ces énergies renouvelables dont la Corse regorge pour son alimentation énergétique et qui signera véritablement son indépendance énergétique.
Enfin n’oublions pas le coup de pouce de personnalités extérieures comme Michèle Rivasi, aujourd’hui hélas disparue.
Cette nouvelle étape de la pose de la première pierre de la centrale du Ricantu, en présence du président du Conseil exécutif Gilles Simeoni, et de la ministre déléguée aux territoires et à la décentralisation, Catherine Vautrin, est une avancée majeure ! Elle concrétise un peu plus encore la volonté politique ferme de la majorité territoriale en matière de transition énergétique et de défense de la qualité de vie de la population qui était jusqu’à présent gravement impactée par les rejets de la centrale actuelle au fioul lourd.
C’est un nouveau pas franchi sur le chemin de l’autonomie énergétique défendu par l’Exécutif de Corse et actuellement porté par le Conseiller exécutif et président de l’Agence de l’urbanisme et d’énergie Julien Paolini, pierre angulaire de la programmation pluriannuelle d’énergie (PPE) révisée en avril 2023.
L’objectif de cette PPE est de garantir une fourniture en électricité stable à la population sur l’ensemble du territoire, des grands ensembles urbains au petits villages de l’intérieur les plus reculés, par la diversification des sources de production, dont 75 % doivent être issues des énergies renouvelables en 2030, ce qui permettra de viser sérieusement l’autonomie énergétique à l’horizon 2050. •
Florian Riolacci.
Utilisé comme combustible ou carburant, le fioul lourd est très polluant. C’est pourquoi son utilisation en Europe est en baisse constante depuis 50 ans. C’est, avec le charbon, l’énergie fossile la plus polluante, et ses effets sur la santé sont très nocifs, du fait de fortes teneurs en dioxyde de soufre, en carbone, en oxyde d’azote, en particules fines… Aussi le gaz, bien qu’énergie fossile également, a longtemps été imaginé comme énergie transitoire pour fermer définitivement les centrales thermiques au fioul lourd du Vaziu et de Lucciana, tout en travaillant au développement des énergies renouvelables qui sont par nature des énergies aléatoires.
Malheureusement, l’approvisionnement en gaz dépend du contexte international. C’est d’ailleurs aujourd’hui une énergie chère avec notamment la guerre en Ukraine. Lucciana a opéré une première conversion au fioul léger, mais le Vaziu restait un problème. Nombre d’associations n’ont cessé de dénoncer la pollution de l’air dans le bassin ajaccien et son effet « cuvette » retenant la pollution sur la région avec le constat de maladies cardio-vasculaires en hausse.
Il a fallu 50 ans pour opérer cette transition, non encore totalement effective, et il reste encore à négocier l’arrêt du fioul lourd dans le transport maritime. Ùn avemu ancu finitu di scumbatte ! •