En Martinique, ce sont des violences graves qui ont eu lieu pour dénoncer le coût de la vie et la pauvreté qui frappe une grande partie de la population. En Nouvelle Calédonie, les barrages des indépendantistes se poursuivent depuis plusieurs mois après que l’Etat a voulu modifier la loi électorale pour favoriser les populations de nouveaux colons arrivés après les accords de Nouméa de 1998. Dans un cas comme dans l’autre le gouvernement ne connaît aucune autre perspective que la répression. Les fossés se creusent inexorablement.
La situation sociale de la Martinique résonne aussi en Corse où les deux mêmes problèmes sont présents : un coût de la vie bien plus élevé que sur le continent, et une population frappée par un taux de pauvreté élevé.
Mais la situation en Martinique est beaucoup plus dégradée. Selon l’INSEE, le coût des produits alimentaires sur l’île située au cœur de la mer Caraïbe est 40 % plus élevé qu’en métropole. En Corse le coût de la vie est 14 % plus cher que sur le continent. 27 % de la population martiniquaise vit sous le seuil de pauvreté, alors que le taux pour la France entière est 14 %. En Corse, il est de 18 %.
Ces chiffres donnent un aperçu de l’ampleur de la crise sociale qui touche la population martiniquaise, et leur simple énoncé suffit à expliquer pourquoi la colère y est si forte.
Depuis deux semaines un mouvement a été lancé pour protester contre la vie chère, et les manifestations se succèdent les unes aux autres. Puis elles dégénèrent en émeutes. Les forces de l’ordre ont même été visées par des tirs d’armes à feux.
Dans l’île la plus inégalitaire de tout l’outre-mer, où la population béké (1 % de la population totale) détient l’essentiel de la richesse économique, notamment les enseignes de la grande distribution, cette structure monopolistique de l’économie locale est une bonne partie de l’explication du problème de la vie chère. Autre raison : les normes du marché qui s’appliquent là-bas sont les mêmes qu’en Europe, si bien que l’essentiel des aliments consommés doivent être « européens » et transportés sur 8.000 km depuis la France, bien qu’ils soient disponibles en abondance beaucoup plus près, aux USA par exemple. Pour un produit frais comme la viande, le seul transport possible sur 8.000 km est l’avion. À l’arrivée, son coût en rayon est deux fois et demi plus élevé qu’en métropole.
Ces aberrations sont dénoncées depuis des décennies, mais rien n’y fait. Déjà en 1959, les CRS avaient tiré sur la foule. Depuis, ils avaient été écartés systématiquement de toute mission en Martinique. En ce mois de septembre 2024, la CRS 8, spécialisée dans la répression des situations d’émeute, y a été envoyée. Tout un symbole de l’impasse politique de l’Etat dans ce département d’Outre Mer.
Nouvelle Calédonie
Les événements de Nouvelle Calédonie sont de nature plus politique. Le peuple kanak s’est révolté contre la prétention de l’État de décider de son avenir après la tenue d’un referendum auquel, alors qu’ils sont le peuple autochtone du territoire, ils n’ont pas participé. Depuis trois mois et des émeutes qui ont duré tout le mois de mai, la situation est toujours aussi tendue. Les indépendantistes kanak opèrent des barrages routiers que les forces de l’ordre cherchent à démanteler. Puis ils se reforment aussitôt.
Principale tribu dans le viseur du Haut-Commissaire de Nouméa, celle de Saint Louis dont les terres sont situées sur l’axe névralgique qui relie Nouméa à son aéroport. Deux militants de cette tribu ont été tués la semaine dernière sur un barrage par des tirs des gendarmes, dont les manifestants affirment qu’ils n’étaient en rien des tirs de riposte.
Au total ce sont 13 personnes qui ont laissé la vie dans les affrontements, dont, au début des heurts, des gendarmes et plusieurs civils kanak tués par des milices venant des populations caldoches. Depuis les victimes sont toutes des Kanak tués sur les barrages érigés pour paralyser le territoire.
Le bilan politique de l’action de l’État en Nouvelle Calédonie depuis 2021 est catastrophique. Les éliminations ciblées dont sont victimes les activistes kanak, en dehors de toute procédure judiciaire, montrent jusqu’où la politique répressive de l’État peut aller.
Il y a urgence à dénoncer la répression du peuple Kanak pour s’opposer à cette mécanique infernale. •