Sguardu di giuventù

Florian Riolacci : « Arritti, c’est l’ancrage, c’est l’histoire ! »

Hè frà i più giòvani di a nostra nova squadra di a reddazzione. Florian Riolacci hà 21 anni, travaglia digià è s’impegna ancu di più in a vita di u so paese. Militente culturale, militente pulìticu, si prova ancu à u rolu d’elettu à u senu di l’Assemblea di a Giuventù. Compiemu cù ellu a nostra serìa di « Sguardu di giuventù ». Ci dà un parè bellu assinnatu di a Corsica d’oghje.

 

 

Présente-toi à nos lecteurs…

J’ai 21 ans. Je vis à Aiacciu mais je suis originaire de Matra dans la pieve di a Sarra. Je travaille dans le milieu de l’hydraulique, comme agent de réseau d’eau potable dans une entreprise privée dans la région ajaccienne. Je suis aussi militant Femu a Corsica depuis fin 2019, encarté depuis 2021, et conseiller à l’Assemblée des Jeunes de la Collectivité de Corse, dans le groupe Solcu naziunalistu.

 

Quel type d’études as-tu faites ?

J’ai un bac pro Technicien des installations énergétiques et climatiques et j’ai continué dans la voie d’un BTS Maintenance des systèmes énergétiques et fluidiques. Après une alternance, je suis actuellement en CDD. J’espère évoluer par la suite sur quelque chose de plus cohérent par rapport à mon BTS, un emploi qui me permette l’étude de réseau, pour essayer d’imaginer une meilleure gestion de la ressource en eau potable et pallier les problèmes de sècheresse et de perte d’eau.

Agent de réseau, ça veut dire de la maintenance sur les conduites d’eau potable quand il y a des fuites, de la modification de réseau, de la bascule d’un réseau à un autre, et tout ce qui est branchement neuf pour des particuliers ou des copropriétés.

 

L’eau est selon toi une problématique de développement à enfourcher ?

Oui c’est clair. Pour l’instant on est surtout sur de l’instantané, des problèmes de type on casse on répare, plutôt qu’une véritable vue d’ensemble d’un réseau d’eau potable et de sa gestion. Il y a des technologies qui commencent à être mises en place, notamment avec le système de la télérelève qui permet de suivre la consommation des usagers, et s’il y a une consommation anormale de détecter plus rapidement une fuite chez les usagers. C’est en place en Corse, mais il y a d’autres technologies par la fibre qui permettent à chaque fois qu’on installe une conduite d’eau potable d’avoir en temps réel tout un tas de données et de savoir plus précisément l’état du réseau.

 

Comment es-tu venu à la politique ?

Mon engagement militant commence au collège avec la conscience d’un peuple pas reconnu, l’apprentissage aussi de l’histoire qui est la nôtre, les évènements d’Aleria, les frères Simeoni… Donc petit à petit un éveil, avec très jeune le sentiment qu’il faut s’impliquer. En 2015, quand les nationalistes arrivent au pouvoir, j’ai 13 ans. Je me construis en tant que futur adulte dans cette atmosphère-là de la victoire, de l’euphorie. Même si c’est de loin parce que je ne m’intéressais pas à la politique à ce moment-là. Donc une implication militante non structurée, mais déjà avec l’idée de plus tard militer dans les milieux associatifs ou politiques. Et puis c’est des rencontres, par le biais de connaissances. Je suis rentré au conseil municipal des jeunes d’Aiacciu, même si ce n’est pas un mandat qui m’a marqué.

Je venais de rentrer au lycée, en seconde-première. C’était un mandat de 2 ans. Mais pour avoir plus tard connu l’Assemblée des jeunes, ça n’a rien à voir. Il n’y avait pas assez d’écoute de la part des élus.

 

Vous faisiez des propositions ?

Oui beaucoup. Par exemple faire venir Praticalingua. Ça existait sur Bastia et nous voulions que la commune fasse en sorte que l’association s’implante à Aiacciu. Ça n’a pas récolté grand intérêt de la part de la municipalité. Il y a eu aussi la proposition d’essayer de réimplanter la fête de la Sant’Andrìa dans une logique de tradition et de culture. Nous n’avons pas été suivi non plus. J’avais proposé la création d’un festival à la fois de musique et de débats, sous la forme un peu des TedX, c’était la mode. Même chose, ça n’a pas abouti. Donc une expérience plutôt décevante. L’aspect positif a été de rencontrer des jeunes qui pensaient comme moi. C’est ainsi que de fil en aiguille, j’ai rencontré des militants qui sont devenus des amis et que j’ai fini par m’impliquer à leur côté au sein de Femu a Corsica.

 

Et ton implication dans l’Assemblea di a Giuventù ?

Je me suis beaucoup investi dans la campagne des territoriales en 2021, j’allais aux réunions, je partageais des choses sur les réseaux. Et comme je suis proche par ailleurs d’un militant de la CFDT, Frédéric Pellegrin, qui a vu mes postes, il m’a proposé de m’impliquer à l’assemblée des jeunes pour y représenter son syndicat. J’y suis donc rentré et j’ai partagé un mandat avec un autre jeune. J’ai donc fait un an.

Contrairement au conseil municipal des jeunes, il y a une approche totalement différente. L’Assemblea di a giuventù c’est une assemblée délibérante comme peut l’être l’Assemblée de Corse. Questions orales, motions, structuration, méthode de travail, on est mis dans une vraie ambiance d’élus. C’est stimulant, parce qu’on se sent écouté, respecté. Et en plus, c’est formateur. On prend vraiment conscience du travail d’un élu même si c’est avec moins d’enjeux.

 

Quelle a été ton implication ?

J’ai essayé à chaque session et à chaque commission d’apporter quelque chose. Par exemple, j’ai proposé une motion à l’époque contre la réforme des lycées professionnels, j’ai posé une question orale sur les intempéries qui avaient eu lieu dans la Restònica, je me suis impliqué pour les jeunes qui ont reçu des amendes lourdes suite aux manifestations pour Yvan Colonna. J’essaie de défendre ce qui me touche en portant la voix aussi de ceux qui ne sont pas entendus.

 

Pourquoi t’investir à Femu a Corsica ?

Déjà un attachement nationaliste. Je pense qu’il y a un peuple corse qui doit être reconnu. J’ai toujours eu ce sentiment d’appartenance, je vis cette identité corse mais jamais dans le rejet d’autres nations, d’autres peuples, je veux simplement que mon peuple soit reconnu au même titre que tous les autres et qu’il puisse vivre dans le respect et dans la dignité.

Pourquoi Femu a Corsica ? Parce que parmi tous les autres partis nationalistes, dans la stratégie, l’atmosphère globale que dégage Femu, c’est un nationalisme humaniste qui rassemble des personnes qui viennent de tout horizon nationaliste, régionalistes, autonomistes, indépendantistes. Femu c’est ce point de rencontre dans l’idée des intérêts de la nation, avec un fort engagement social, dans la solidarité etc. C’est des questions qui me touchent. Dans la façon de faire de la politique aussi. Je me reconnais dans ce courant.

 

Ce courant, il vient de loin, et toi tu es tout jeune, comment vient cette rencontre ?

Pour l’anecdote, sur la route du village, on passe devant la cave d’Aleria. J’ai toujours été intrigué par l’histoire de ce lieu, j’en ai toujours entendu parlé, jusqu’au jours où j’ai eu envie de connaître en profondeur son histoire. De plus je suis quelqu’un de très curieux, tout le temps en train de lire, ou de vouloir découvrir. En tant que militant, on se dit qu’on a de la chance. Parce qu’être nationaliste en 2024, ça n’a rien à voir avec le fait d’être nationaliste dans les années 60 ou 70. Aujourd’hui, c’est banal. C’est ancré dans les consciences. C’est déjà une victoire idéologique. On est reconnu comme un mouvement légitime à porter une voie démocratique. À l’époque, ils étaient stigmatisés, plus que minoritaires, dans les villages, la testa mora n’était pas connue. Aujourd’hui c’est ancré en nous, et on n’a pas toujours conscience que derrière il y a tout un chemin pour arriver jusqu’ici.

 

Dans l’avenir, tu penses que cette « identité » que tu définis ne sera plus remise en cause ?

Déjà pour avoir fait le tour des villages dans le cadre des Cuntrasti di l’autunumìa et des Scontri citatini è paisani initiés par Femu a Corsica, on se rend compte que l’autonomie ne fait plus débat. Les gens se demandent comment leurs problèmes du quotidien vont se régler, mais l’autonomie est acquise dans les consciences. En soi c’est une victoire. Ensuite, je suis d’un naturel optimiste. Je pense que le processus va aboutir à quelque chose de positif. Le pas qui a été franchi à Beauvau il y a quelques semaines est extraordinaire. Avoir réussi à trouver un accord avec des gens qui ont été historiquement les héritiers du jacobinisme en Corse, ou même en France à travers Darmanin, un accord qui acte le fait de l’autonomie, qui – même si elle contourne l’idée de peuple – apporte une définition au « peuple corse » et permet sa reconnaissance juridique, accorde un pouvoir législatif, un pouvoir d’adaptation concret, permet d’avancer sur les problèmes du foncier et de la langue, c’est déjà énorme ! Demain il va falloir convaincre les sénateurs et les députés, mais je pense qu’il y a une dynamique qui fait que c’est possible.

 

Pourtant ça reste contesté chez certains nationalistes ?

J’ai du mal à comprendre. Dans le sens où aujourd’hui on n’a rien et on peut faire un pas énorme vers l’émancipation du peuple corse. J’ai l’impression qu’ils cherchent une plateforme pour exister, en opposition au processus. Je suis d’abord un militant nationaliste avant d’être un militant de Femu a Corsica. Je ferai toujours passer les intérêts du peuple corse et de son émancipation avant toute logique partisane ou existentielle. Faire passer les intérêts de son parti avant ceux du peuple corse, c’est grave.

 

Parlons d’Arritti, quelle vision as-tu de ce journal ?

Déjà c’est un honneur d’écrire dans Arritti et de pouvoir m’y impliquer. Pour moi, Arritti c’est le fil conducteur du courant dans lequel je me reconnais. Ça a été le journal de l’ARC, l’ARC a disparu, ça a été le journal de l’UPC, l’UPC a disparu, Arritti, en fait, c’est le lien entre tous ces partis, c’est ce qui subsiste et qui subsistera demain à Femu a Corsica s’il est amené à se renouveler. C’est l’ancrage, c’est l’Histoire.

J’ai eu l’occasion de m’y impliquer encore une fois par des rencontres, on sympathise, on discute et on s’implique !

 

Guerres, attentats, montée des extrémismes, comment on perçoit le monde quand on a 21 ans en Corse ?

Il n’y a pas de recettes miracles pour combattre la montée des extrêmes, mais je pense que le seul moyen d’action, c’est de prouver à la population qu’il y a un chemin autre que le rejet de l’autre. Il faut arriver à faire en sorte que la politique change la vie des gens pour éviter que demain les extrêmes arrivent au pouvoir. Les gens qui votent pour les extrêmes c’est qu’ils ont été déçus des courants politiques traditionnels. C’est en portant une politique qui change concrètement leur vie, qui prouve que la politique ce n’est pas tout noir, ce n’est pas que la corruption, la lutte du pouvoir, etc., que ça peut améliorer le quotidien et combattre les extrêmes naturellement.

 

Ce que tu exprimes-là nous amène à ton engagement au sein d’a Scola di Cantu di Natale Luciani. Raconte…

Être à la Scola di Cantu di Natale Luciani c’est partager une passion avec d’autres jeunes. Je commence à être un des plus âgés. C’est donc accompagner les plus jeunes et les aider à s’émanciper et à les pousser à s’impliquer dans cette école qui est un peu une famille. On évolue et on grandit tous ensemble. C’est aussi la bulle d’air de la semaine. Quand on va chanter, on laisse les soucis à la porte, on partage un moment. Il y a une forme de militantisme aussi, c’est un peu le moteur d’une culture. Ça apporte des valeurs, la Scola a toujours eu un engagement désintéressé, financièrement parlant. Elle a à cœur de se rendre dans les villages ou dans les quartiers populaires, pour rencontrer des gens qui n’ont pas accès directement à la culture, et notamment à la culture corse. C’est des moments conviviaux, de partage, le moyen pour un citoyen corse, au-delà de toute idéologie politique, de s’imbriquer dans cette culture et dans ce peuple. •