Don Joseph Luccioni

Jeune et responsable !

Don Joseph a 25 ans. Il a milité dès le collège, continué au lycée et à 18 ans, bac en poche, il a rejoint Femu a Corsica. Il a fait partie des jeunes qui ont été intégrés par Gilles Simeoni à la liste qu’il a conduite en 2021, et il est un élu de l’actuelle Assemblée de Corse. Il en était, à 21 ans, le benjamin. Depuis il a aussi rejoint l’Exécutif du parti, dirigé par François Martinetti, et, chemin faisant, il a gagné en expérience et en responsabilité, devenant un des principaux cadres de Femu a Corsica. Ayant terminé ses études de droit, il veut poursuivre et devenir avocat. Sans rien abandonner bien sûr de son investissement militant. Arritti a voulu bénéficier de son regard sur la question de la jeunesse corse.

 

 

Quels ont été les ressorts de ton engagement alors que tu n’étais encore qu’un collégien ?

Très jeune j’ai pris conscience qu’il existait un peuple corse, et qu’il était en danger. J’ai aussi bénéficié d’un environnement familial très impliqué, et il y a eu toutes les rencontres que j’ai pu faire durant ma scolarité.

Puis à 18 ans, une fois le bac en poche, j’ai adhéré à Femu a Corsica dont la démarche m’a semblé positive, adaptée aux enjeux et guidée par le principe de réalité. Et aussi dirigée par une équipe sincère, fiable et crédible, à l’exemple de son leader Gilles Simeoni.

Quand on m’a proposé d’intégrer la liste de Femu a Corsica en position éligible, je n’ai pas hésité à m’engager. J’avais 21 ans.

 

Au début de ton engagement, il y a eu ta participation à l’Assemblea di a Giuventù. Comment as-tu vécu cette expérience ?

Cette Assemblea di a Giuventù a été promue par Jean Guy Talamoni quand il présidait l’Assemblée de Corse. C’était une vraie bonne idée ! À travers elle, la jeunesse corse peut se sentir au cœur du processus décisionnel même si son rôle n’est que consultatif. Elle y exprime ses attentes et ses angoisses, elle débat des dossiers stratégiques, sur saisine de l’Exécutif, ou par auto saisine, elle procède à des votes de motions, et aux questions orales auxquelles l’Exécutif doit répondre. Ça rapproche les jeunes des institutions, c’est très formateur. En trois mandatures consécutives ce sont déjà près de 200 jeunes qui y ont siégé. Au moins la moitié ont continué leur engagement politique après l’avoir quittée. C’est très positif.

 

Ce qui frappe au prime abord c’est le fait que tu es parfaitement corsophone, ce qui est plutôt rare désormais parmi les jeunes de ta génération.

C’est d’abord le résultat d’un milieu familial où mon père, particulièrement, a eu à cœur de me parler systématiquement en corse à la maison.

Ensuite, il ne faut pas sous-estimer l’importance de la scolarité que j’ai suivie, toute en filière bilingue, avec des professeurs passionnés qui m’ont beaucoup apporté. Au bac j’ai passé l’épreuve d’histoire géographie en langue corse.

Je dois y ajouter l’apprentissage acquis au sein de a Scola di Cantu di Natale Luciani que j’ai fréquentée assidument.

J’ai une passion personnelle pour la langue corse, et j’ai acquis la conviction que c’est un outil d’intégration et de cohésion au service de la construction de la société corse de demain.

 

Quelle regard portes-tu sur la jeunesse de ta génération ?

La jeunesse corse n’est pas un bloc monolithique. Elle est fortement nationaliste, mais il y a aussi des jeunes de différentes sensibilités, de droite ou de gauche.

Au-delà des étiquettes, je ressens une angoisse de l’avenir. Quelle société future ? Jusqu’où ira le phénomène de spéculation immobilière ? Comment faire reculer l’emprise mafieuse, qui inquiète tous ceux qui s’investissent dans la vie économique et sont exposés au racket ?

Il ne faut surtout pas que ces angoisses nous conduisent à l’immobilisme. Il faut créer une dynamique positive en mettant en avant les jeunes qui s’inscrivent dans des parcours vertueux, et surtout, faire en sorte que ceux dont les comportements sont marginaux soient véritablement, et définitivement renvoyés dans la marge de la société.

Ce qui est nouveau enfin c’est que la jeunesse d’aujourd’hui évolue dans une société globalisée, si bien que les préoccupations des jeunes Corses s’alignent souvent sur celles des jeunes continentaux et des jeunes européens. La jeunesse corse n’est pas un isolat. Elle reçoit les influences venues de France, d’Europe, et de l’Occident en général.

 

Comment éviter que ce phénomène n’éloigne la jeunesse corse des enjeux de la Corse  ?

Il y a d’abord des fondamentaux à remplir, notamment dans l’Éducation. Comment admettre que l’enseignement de l’Histoire de la Corse, et celui de la langue corse, soient aussi faiblement assurés ? C’est un grand problème. On rencontre des jeunes non corses, pourtant scolarisés en Corse, qui ignorent tout de ce passé, de notre langue, jusqu’à en ignorer l’existence même. L’école devrait être un moule intégrateur, elle en est très loin !

La jeunesse corse a montré, notamment lors de la mobilisation après l’assassinat d’Yvan Colonna, qu’elle savait avoir des réflexes de défense, et répondre aux enjeux de survie.

Mais, pour construire un mouvement d’avenir, on ne peut s’en contenter. Il faut aussi proposer une « utopie mobilisatrice » comme cela avait été fait dans les années 70/80 avec le combat pour la réouverture de l’Université de Corse, puis son développement.

Cela pourrait peut-être se construire autour d’un projet « d’autonomie de fait », qui ne soit pas seulement un statut, mais surtout un état d’esprit. La Corse de 2024 doit se remettre autour de la table, débattre, produire des idées, de la matière intellectuelle nouvelle. Il y a par exemple ce projet de Centre Hospitalier Universitaire (CHU) qui est mobilisateur. Nous devons transformer notre réflexe de défense en une « utopie mobilisatrice ». Tout le monde pourra alors être entraîné, même ceux qui ne sont pas des Corses d’origine.

 

Autour du mouvement Palatinu, un courant d’opinion conteste le concept de « communauté de destin » que le mouvement nationaliste a adopté dans les années 80.

Je l’ai dit, la Corse n’est pas isolée en France, en Europe et en Occident. Elle ressent elle aussi la poussée d’un national-populisme qui se propage à travers l’écosystème digital. Palatinu procède de ce mouvement général en Europe.

Mais il pose aussi une vraie question démographique à propos d’une croissance de 5.000 personnes par an venues de l’extérieur, sans aucune politique pour en maîtriser l’impact.

Il faut voir la réalité en face, celle d’un communautarisme qu’il faut combattre, qu’il se manifeste par le radicalisme religieux, ou par un « communautarisme continental » qui s’est je pense exprimé par le vote Rassemblement national très fort dans les zones pavillonnaires récentes. Jusqu’à présent on assistait de leur part à un comportement abstentionniste. L’abstention a été beaucoup plus faible aux dernières élections, et le vote RN n’a jamais été aussi haut. Ce n’est pas la seule explication, mais c’en est une partie. En fait, il ne suffit pas de vivre en Corse pour être corse ! •

Interview réalisée par François Alfonsi.