Sguardu di giuventù

Pauline Boutet-Santelli : « Il y a de nombreux défis pour une Corse autonome »

Cuntinuemu a prisentazione di e nostre squadre… Face un pezzu chì parechji giòvani s’impègnanu à a reddazzione d’Arritti è à l’animazione di i retali suciali, lampendu una bella è simpàtica dinàmica. Pauline Boutet-Santelli hà 25 anni, si rivendicheghja naziunalista è brama di partecipà à una Corsica autònoma.

 

 

Raconte-nous un peu ton parcours…

J’ai 25 ans, je suis originaire de Casinca et du Fium’Orbu et j’ai grandi à Bastia. Je suis partie faire mes études à Paris en 2016 où j’ai étudié l’économie, les sciences sociales, les sciences politiques, pour obtenir ensuite une spécialité en urbanisme et aménagement du territoire. Aujourd’hui j’occupe un poste en aménagement du territoire au sein d’une administration d’État.

 

Comment es-tu venue au nationalisme ?

J’ai toujours été nationaliste mais au départ sans être militante. Puis j’ai découvert le monde politique en réalisant deux stages pendant mes études. Le premier à l’Assemblée nationale avec Michel Castellani, où j’ai découvert le métier de collaborateur parlementaire. C’est un métier qui m’a énormément plu. Puis j’ai fait mon second stage au Parlement européen avec François Alfonsi où j’ai découvert les mêmes idées régionalistes mais transposées au niveau international et européen. J’ai eu envie de m’engager plus concrètement et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à militer au sein de Femu a Corsica, et en écrivant pour le journal Arritti.

 

Comment s’est faite cette rencontre avec Arritti ?

J’ai toujours aimé écrire, c’est un exercice qui me plait. J’ai rencontré les équipes et on m’a proposé d’écrire un premier article. Je me suis dit que je pouvais aider sur plein de sujets qui me plaisaient, l’environnement, l’urbanisme, la politique. Ça me permet également de parler de sujets qui recoupent mes passions comme le foot, surtout le SCB dont je suis fan. Je suis Socios depuis le début, fière de mon équipe et de la façon dont elle a été sauvée par les dirigeants actuels. Tout a été mis en œuvre aussi bien par les supporters que par les acteurs économiques du territoire pour sauver notre équipe. C’est une fierté !

 

En quoi consiste ton travail actuellement ?

Je m’occupe de la territorialisation des politiques du ministère de la Transition écologique et énergétique, en adaptant les politiques environnementales aux spécificités de la Corse. La Corse est une île qui nécessite des politiques environnementales bien particulières, soumises à des documents qui ne sont pas les mêmes que sur le Continent. Par exemple, on dispose du Padduc, qui est un outil légal et urbanistique révolutionnaire. Je suis en train de travailler sur la planification écologique qui est un gros chantier au niveau national, et donc de réfléchir aux actions qui peuvent être faites sur l’île pour réussir pleinement notre transition environnementale et énergétique.

 

Que penses-tu des discussions sur le processus Beauvau ?

C’est l’aboutissement de 50 ans de luttes et la suite naturelle après l’arrivée des nationalistes à l’Assemblée de Corse. J’espère que cela aboutira. Moi je crois en l’existence d’un peuple corse et de ses droits à s’autodéterminer, comme pour tous les peuples d’Europe, qu’ils soient petits ou grands. Et s’autodéterminer, c’est légiférer, créer ses propres normes, ses propres règles. Après l’interview de Gérald Darmanin dans le Corse-Matin la semaine dernière, la question est de savoir si la capacité législative contrôlée en amont et en aval par le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel, est une vraie capacité de légiférer. C’est là toute la subtilité.

 

Quel est ton avis ?

Je suis assez d’accord pour dire qu’il nous faut des garde-fous. Aujourd’hui on a des lanceurs d’alerte, comme le collectif A Maffia Nò, qui alertent sur des situations de dérives mafieuses. Obtenir la compétence législative et normative doit impliquer la création de mécanismes de protection pour lutter contre ces dérives selon moi.

 

Que t’a apportée ton expérience de stage au Parlement européen ?

Je suis restée six mois et j’ai eu le temps de connaître le fonctionnement des institutions européennes. Voir tout simplement comment se construisent les politiques européennes, quels sont les rapports entre les différents groupes et partis européens. J’ai eu la chance de travailler sur différents dossiers qu’a porté François Alfonsi. C’était très intéressant de voir comment au niveau européen on peut mettre en place des politiques très ciblées, très micro sur des territoires comme la Corse ou les îles en général.

 

On constate pourtant peu d’intérêt pour l’Europe malgré le contexte pré-électoral…

Je pense que ne pas avoir de député européen régionaliste pour la Corse, convaincu de la défense de notre peuple en tant que minorité linguistique et culturelle va changer quelque chose. Parce que le travail de François Alfonsi, j’ai pu le constater, c’était un travail très dense, de lobbying, dans le bon sens du terme. Il a fait connaître la Corse dans d’autres régions du monde, et il a participé au renforcement des liens entre les corses et d’autres peuples.

Avoir un député européen, par exemple du Rassemblement National, ça n’a pas de commune mesure avec avoir un député de tendance régionaliste. Les députés d’extrême droite sont fondamentalement anti-européens, et se soucient très peu des petits peuples. On ne se rend pas toujours compte de ce qu’apporte l’Union européenne en termes de financement pour la Corse avec des financements comme le FEDER, le FSE, le FEADER. Ça vaudrait le coup de faire des réunions publiques pour montrer quelles ont été les réalisations financées par l’Europe. Un exemple parlant pour les Bastiais ce serait le financement de l’Aldilonda à 60 % par le FEDER.

 

La dérive d’une idéologie d’extrême-droite, particulièrement chez les jeunes, comment l’expliques-tu ?

Il y a une augmentation de la frustration relative sur laquelle s’appuie l’extrême droite. Les jeunes sont persuadés qu’ils ne pourront pas atteindre le niveau de vie de leurs parents, parce que depuis les années 80, il y a un décrochage entre les salaires et les prix, plus particulièrement avec les prix de l’immobilier, alors que la productivité a fortement augmenté. Un jeune de la classe moyenne aujourd’hui a l’impression qu’il a moins de perspectives d’avenir et qu’il vivra moins confortablement que ses parents qui ont pu profiter de conditions de vie aisées et d’une ascension sociale. De plus, les partis d’extrêmes droite font une très bonne utilisation des nouveaux moyens de communication. Aujourd’hui, Jordan Bardella est l’une des personnes les plus suivies sur les réseaux sociaux comme TikTok, ça compte beaucoup pour les jeunes.

 

Y compris au sein du nationalisme corse ?

L’arrivée d’un groupuscule d’extrême-droite en Corse répond à la vacance d’une tendance politique sur l’île. Un nationalisme corse reprenant les codes et les références du nationalisme français.  Après il faut en relativiser l’importance. On les voit dans différents médias, ça fait le buzz, mais je ne suis pas convaincue de leur influence réelle. Je pense que c’est un groupe qui parle beaucoup à des Corses de la diaspora, qui idéalisent une Corse qui n’existe plus. Il n’y a pas vraiment de fond. J’ai écouté et lu les interviews, ce n’est pas en fustigeant la majorité territoriale qu’on crée un programme, c’est le tout-idéologie mais il n’y a pas d’idées pour la Corse.

 

Comment vois-tu ton avenir ?

Je vais continuer à militer, c’est une certitude pour moi. J’espère continuer dans le domaine de l’aménagement du territoire. Il va y avoir beaucoup de travail dans les domaines de l’environnement et de l’urbanisme si la Corse obtient son statut d’autonomie, les défis seront importants. Par exemple avec le réseau des urbanistes et des géographes aménageurs de Corse dont je fais partie, on milite pour qu’il y ait une formation en urbanisme à Corti. Dans une Corse autonome ce serait quelque chose de très important de créer des forces vives de l’île dans ce domaine. Parmi les nombreux défis, il y a celui de la ruralité. La Corse reste un territoire profondément rural. On a un important pôle de développement autour de Bastia surtout sur les communes de Lucciana-Borgu. Même chose dans la région d’Aiacciu qui concentre un tiers de la population. Il y a un gros défi de rééquilibrage, de développement du Centre-Corse. On a aussi le défi de la transition écologique et énergétique, les actions recensées seront très intéressantes dans une Corse autonome.

 

Je sais que tu te soucis aussi fortement du développement économique…

Oui, le développement économique de la Corse est un défi majeur pour de multiples raisons, mais dans le cadre de son autonomie tout particulièrement pour contrer le phénomène de « fuite des cerveaux » qui a toujours touché l’île. Il faut créer les conditions économiques et d’emplois pour favoriser le retour de jeunes corses qui sont partis étudier ou travailler sur le Continent.  Il y a des initiatives corses qui sont d’une très grande utilité comme la fondation de Femu Quì, qui est un fonds d’investissement solidaire pour aider des entreprises à s’implanter en Corse et à se développer. J’ai la chance d’être petite actionnaire à Femu Quì, je suis très fière d’en faire partie. Avec d’autres initiatives comme l’incubateur Inizià je crois que la Corse peut aussi être une terre d’entreprenariat. •