Couvent de l’Annunziata à Mursiglia

Un patrimoine tristement bradé

Nos villages abritent un patrimoine précieux, trop souvent à l’abandon, ou dans le collimateur de projets privés. C’est le cas à Mursiglia, où Arritti a été convié le 13 août dernier à assister à la réouverture de l’église de l’Annunziata pour la rendre à sa vocation cultuelle et culturelle. Un combat de plusieurs années menée par un groupe d’amis attachés à leur patrimoine et leurs traditions. Mais la bataille commence à peine.

 

 

Le couvent de l’Annunziata, composé d’un monastère et d’une église, édifiés en 1479, a été inscrit à l’inventaire des monuments historiques par arrêté du 24 janvier 1995 de par son église, aux dimensions de cathédrale et d’une architecture exceptionnelle* qui lui confère une acoustique remarquable. L’église abrite des caveaux où reposent plusieurs défunts. Jusqu’à il y a quelques années, les fidèles y célébraient des messes et organisaient processions et évènements de la vie des villages de Centuri et Mursiglia dont les populations ont participé à son édification par des maîtres florentins. Parmi les fêtes importantes, la célébration de l’Assomption Marie le 15 août, ou de celle de Notre-Dame des Sept-Douleurs le troisième dimanche de septembre, et on y venait de tout le Capicorsu.

 

Le couvent est cependant sous l’emprise depuis quelques années d’un projet privé au grand dam de nombre de villageois qui se battent pour lui préserver sa vocation au culte et aux traditions. Ils ont été au bout semble-t-il de leur bataille pour le monastère promis à se transformer en un hôtel de luxe… La commune a en effet cédé à une société privée ce patrimoine, sans procéder au moindre appel à projet donc en l’absence de toute mise en concurrence. De même, la société PRVP, à l’initiative du projet avec la volonté de créer de l’événementiel, envisageait de transformer l’église en une salle de restaurant pour y organiser des manifestations, mariages et autres soirées dansantes, évènements commerciaux non compatibles avec le culte. Ceci dit, ces villageois non constitués en association afin de demeurer une collégial et de préserver des relations non polémiques avec la commune, espérent trouver des terrains d’entente pour faire que l’église retrouve sa destination première vouée au culte et à des animations culturelles valorisant ce patrimoine.

Faisant fi de son classement aux monuments historiques, la commune a pourtant délivré des baux commerciaux puis, après une décision de justice interdisant l’occupation commerciale de l’église, elle a délivré tout aussi abusivement des AOT (autorisations d’occupation temporaire) pour l’organisation de fêtes durant la saison 2019…

 

Arritti souligne le non-respect des règles urbanistiques, puisque l’ensemble du projet immobilier – situé en discontinuité totale – prévoirait la construction de lotissements « sur des terrains en partie non constructibles », d’une piscine et autres agréments nécessaires à l’exploitation commerciale du site. « Pourquoi ne pas tenter avant toute chose de lui conserver sa destination de domanialité publique, c’est-à-dire au service de tous ? » se désespéraient dans un tract les habitants en 2019, appelant plutôt à la mise en œuvre d’« un projet à destination publique ».

Toujours est-il que le monastère a été cédé par bail emphytéotique pour devenir un hôtel.

Par contre, le combat pour préserver sa vocation religieuse à l’église s’est poursuivi. La maire de la commune, Honorine Nigaglioni, délibération du conseil municipal à l’appui sollicitant sa « désaffectation » (le 14 juin 2016), avançait qu’elle avait été désacralisée, et de ce fait avait confisqué les clés aux villageois qui voulaient y célébrer la messe.

Heureusement, au terme d’une bataille juridique, et de l’intervention de l’évêché (Monseigneur de Germay), la vocation de l’église a pu être confirmée par une décision du tribunal administratif le 21 mars 2019, non frappée d’appel et donc notifiée à la commune. « L’église ne peut être louée, elle est inaliénable et le principe de sa domanialité publique est acquise » se satisfont les villageois qui souhaitent seulement que l’église reste ce lieu de rendez-vous et de partage qui a marqué l’histoire du village.

 

Lesquels   clés restituées, ce 13 août une émouvante cérémonie s’est tenue dans une nef pleine de monde. C’est dire l’attente pour y voir se dérouler à nouveau ces rendez-vous religieux.

A Cunfraternità San Martinu di Patrimoniu, emmenée par Christian Andreani, avait fait le déplacement pour des louanges vespérales et des chants sacrés, et c’est le père Marcello Serpa, de Luri, qui a célébré l’office dans une église plusieurs fois pillée au cours de son histoire de son mobilier (notamment à l’époque barbaresque, mais aussi durant les deux guerres mondiales) mais où demeure la statue de la Vierge Marie que sont venus saluer l’ensemble des fidèles et les confrères à la fin de la messe.

Une renaissance au culte donc, mais surtout au rassemblement de Mursiglia et des villages alentours, le dernier office s’était tenu en 2012 pour la messe d’adieu à l’ancien maire, u nostru amicu Yves Stella, très apprécié et lui-même fortement attaché à ce patrimoine. Saluons le combat de ces villageois autour de leur église. Reste que l’action doit se poursuivre pour une remise en état au moins des embellissements et de son mobilier (une rénovation a eu lieu il y a 30 ans, notamment du toit).

De même qu’un combat reste à mener contre tout projet de construction sur site, non autorisé par les règles d’urbanisme. On n’a donc pas fini de parler du couvent de l’Annunziata de Mursiglia. •

F.G.

 

* Avec notamment un vaste espace intérieur, des travées rythmiques, des chapelles secondaires de style baroque ou néo-classique, un autel de style baroque en marbres polychromes, des dalles de sépulture armoriées, sculptées en marbre de Carrara.