L’image a fait le tour du monde : depuis le bureau ovale de la Maison-Blanche, Donald Trump, accompagné de JD Vance, invectivent Volodymyr Zelensky dans une scène qui marquera l’Histoire. L’Ukraine, est vilipendée, son président qualifié de « dictateur », se doit d’être plus respectueux envers l’Amérique.
Faut-il y voir un simple excès de langage du président américain ? Un de ces coups de sang dont il est coutumier ? Non. Derrière l’apparente improvisation, Trump suit un plan. Un plan qui repose sur le chaos et la confusion, une stratégie où les déclarations choc s’enchaînent, sidèrent l’opinion et prennent de court les adversaires. C’est le mode opératoire des ingénieurs du chaos, ceux qui, en politique, jettent en permanence des bombes verbales, obligeant les autres à réagir en urgence, toujours en retard, toujours sous pression.
Mais cette fois-ci, Trump a peut-être commis sa première erreur.
Une scène qui bouscule l’ordre mondial
Depuis son retour au pouvoir, l’ex-président américain enchaîne les propos ahurissants : une riviera à Gaza, l’annexion du Groenland, la création d’un 51e État, le Golfe d’Amérique, le remodelage de l’Otan… Ce qui pouvait sembler absurde en 2016 ne l’est plus aujourd’hui. Car derrière les outrances, il y a une logique. Trump, dans sa vision nationaliste et transactionnelle du monde, ne croit pas en l’équilibre subtil de la diplomatie. Il croit aux rapports de force bruts, aux négociations entre chefs, aux alliances redessinées au gré des intérêts immédiats des États-Unis. Dans ce cadre, son positionnement face à la Russie et à l’Ukraine n’a rien d’étonnant. Trump a toujours affiché un certain respect pour Vladimir Poutine. Alors que l’Ukraine coûte cher aux USA.
En qualifiant le président ukrainien de « dictateur », Trump a voulu inverser le récit dominant : faire de l’Ukraine un poids pour l’Occident, une source de conflits et non une cause légitime à défendre. Un message destiné autant à son électorat qu’à ses homologues européens, priés de prendre leurs responsabilités dans ce conflit.
Un effet boomerang inattendu
Seulement, cette déclaration a provoqué un réflexe de solidarité immédiat au sein du monde occidental. Là où Trump pensait affaiblir l’Ukraine, il l’a paradoxalement renforcée. En quelques heures, une déferlante de soutien est venue de Berlin, Paris, Londres, Bruxelles et même Ottawa. Jusque-là engluée dans des débats internes sur la poursuite de l’aide militaire, l’Europe s’est trouvée une raison de serrer les rangs. Les hésitants se réveillent, les ambiguïtés s’effacent.
La question se pose alors : cette bourde, cette première faille dans la machine Trump, peut-elle réveiller un sursaut européen ? Car depuis deux ans, l’Union européenne oscille entre engagement et prudence, entre soutien affirmé et crainte d’un engrenage militaire. Mais si les États-Unis de Trump choisissent de se retirer, alors l’Europe n’aura plus d’autre choix que de prendre son destin en main.
Oui, l’Europe est puissante lorsqu’elle est unie. Elle dispose des capacités militaires, économiques et stratégiques pour peser face à la Russie. Ce qui lui manque, c’est la volonté politique, ce sens de l’urgence que seuls les crises et les électrochocs lui apportent. Trump, paradoxalement, vient peut-être de lui offrir l’occasion de se réveiller.
Comme l’Europe face aux États-Unis, la Corse a longtemps été dans une posture d’attente, dépendante de décisions prises ailleurs, de fonds octroyés par des instances supérieures, d’arbitrages politiques qui ne lui laissaient que peu de marge de manœuvre. Comme les européens face à Trump, l’autonomie est le réveil face à la puissance qui décide pour nous. L’histoire est une succession de réveils tardifs.
L’autonomie est celui de la Corse, et celui de l’Europe est peut-être en train de se produire. •