Une dynamique ascendante et régulière depuis maintenant 10 ans, Femu a Corsica, principale force composant la majorité territoriale, mûrit depuis toutes ces années. 10 ans que les uns et les autres travaillent et agissent ensemble sur différents terrains de luttes et, bien sûr, sur la scène électorale. Se regrouper dans une seule et même structure est donc un cheminement logique et naturel qui était attendu et inéluctable.
Cela a d’ailleurs été rappelé par les leaders des trois composantes ce 29 juillet à Corti. Voici un bref rappel de ce parcours commun.
Au début des années 2000, au moment des accords de Matignon, les indépendantistes de Corsica Nazione, seuls représentés à l’Assemblée de Corse avec huit élus, ont le leadership au sein du nationalisme.
La coalition électorale qui regroupait en 1992, l’UPC, la Cuncolta Naziunalista, I Verdi Corsi et Per u Paese avait volé en éclat durant l’affrontement fratricide entre nationalistes opposant les clandestinités. Le sigle a été conservé par la Cuncolta qui change donc de nom et profitera de la division du nationalisme dit «démocratique» pour emporter les élections territoriales en 1998-1999.
La crise terrible durant les années 1993 à 1996, rythmées par les enterrements, a entraîné des recompositions sur le plan politique. MPA et Canal Habituel se sont dissous. Certains de ses militants fondent Mossa Naziunale, dont Marc Papi, et rejettent désormais la lutte armée avec d’autres militants de l’ex- LLN (Lutte de Libération Nationale) qui avaient fondé Corsica Viva, dont Jean Félix Acquaviva. De leurs côtés, les autonomistes de l’UPC de Max Simeoni et François Alfonsi, qui ont inlassablement plaidé pour l’arrêt de la violence, convergent avec le mouvement Scelta Nova, créé par Jean Christophe Angelini et Achille Martinetti, qui se revendiquent de la LLN, mais rejettent aussi la violence.
En 2002, le PNC se crée avec tous ces militants : ex-UPC, ex-MPA, ex- CorsicaViva, ex-SceltaNova. Il annonce vouloir lutter sur un terrain « strictement politique et démocratique», et appelle au « saut qualitatif » qui permettra aux nationalistes d’accéder aux responsabilités.
Certains d’entre eux ne suivent pas, et créent en 2003 A Chjama Naziunale, regroupés derrière Edmond Simeoni, Jean Biancucci et des militants de l’ex- LLN.
Gilles Simeoni ne s’engage pas et observe, se vouant à la défense des prisonniers politiques et notamment de Yvan Colonna, interpellé en juillet 2003.
Après la signature, le 3 juillet 1999, des « accords de Migliacciaru » qui mettent fin à l’affrontement entre nationalistes, les tensions s’aplanissent. 5 ans plus tard, lors des élections territoriales de 2004, les deux grandes familles
nationalistes se retrouvent dans la coalition Unione Naziunale qui regroupe le PNC, Chjama Naziunale et Corsica Nazione. La liste sur laquelle chacun fonde beaucoup d’espoir stagne cependant avec l’hypothèque de la violence qui plane toujours sur l’action publique.
Avec 17,34 % des suffrages, huit élus accèdent à l’Assemblée de Corse, autant qu’avait réalisé Corsica Nazione, seule, lors des élections précédentes, du fait d’un mouvement dit « démocratique » ou «modéré » complètement morcelé.
L’union encore fragile entre les «modérés » et Corsica Nazione qui soutient toujours le FLNC, ne tient donc pas la mandature. Les actions violentes reprennent et, en 2008, Corsica Nazione, qui change entre temps de nom pour Corsica Nazione Indipendente, puis Corsica Lìbera, entérine la fin de l’union en ces termes :
«Unione Naziunale n’a pas permis de récolter les fruits que nous attendions, aussi pour nous, l’heure est à la refondation du courant indépendantiste. »
Il se tourne vers U Rinnovu Naziunale. Le groupe à l’Assemblée se scinde en trois (Chjama Naziunale, Corsica Nazione et PNC). Quant au mouvement «modéré », il entame enfin son long et patient travail de rapprochement.
En 2007, lors des élections législatives, les nationalistes tentent à nouveau d’unir leurs forces sous le slogan « Unione per una suluzione pulìtica ».
Ensemble, PNC, Chjama, Corsica Lìbera et I Verdi Corsi réalisent au total, sur les 4 circonscriptions, 13,22% des voix.
Là encore, un score trop insuffisant pour convaincre de la force de l’union entre les deux grandes familles du nationalisme, indépendantistes et «modérés ».
Du côté de ces derniers, l’AG du PNC « donne mandat à ses instances pour mener à bien des objectifs de rapprochement et de convergence avec […] Chjama Naziunale. »
Les deux mouvements envisagent d’affronter ensemble les élections municipales de 2008. Une réunion se tient à Lucciana, à l’hôtel La Madrague pour œuvrer à ce rapprochement. Ils adoptent une charte d’engagement en vue des élections municipales à venir et décident d’initier un peu partout des démarches communes. La stratégie se révèlera payante.
En 2008, à Bastia, de nombreux militants, notamment du PNC, pressent Gilles Simeoni de s’investir. La dynamique prend immédiatement et marque un premier tournant dans la progression du nationalisme démocratique. La liste porte le nom de « Inseme per Bastia ». Elle réalise 25% des suffrages et 5 élus. Le clan Zuccarelli est ébranlé. À Portivechju aussi, la dynamique est en marche avec Portivechju Altrimenti conduite par Jean Christophe Angelini qui remporte 7 sièges avec 44,6% des voix. Dans la foulée des municipales se créé le mouvement « Inseme per Bastia », dirigé par Gilles Simeoni. Les militants bastiais du PNC s’y investissent. La démarche conduit un mandat dynamique qui prépare la victoire de 2014.
Pour la première fois, l’AG du PNC appelle à la fusion PNC-Chjama.
2009, élections européennes. Malgré quelques hésitations dans la famille modérée pour afficher un soutien total, du fait de la présence de la candidature de Alain Mosconi, portée par Corsica Lìbera sur la liste du NPA, François Alfonsi, est élu député européen au mois de juin. C’est le premier scrutin à l’échelle de toute la Corse qui inverse le leadership entre les deux grandes familles du nationalisme. Il était candidat sur la liste Europe Ecologie en poste d’ouverture faite à l’Alliance Libre Européenne*. Il exerce un mandat dynamique qui renforce la légitimité des nationalistes à gouverner.
L’AG du PNC, réunie à Corti le 18 janvier, appelle une nouvelle fois à « la fusion PNC-Chjama. » Pour 2010, le PNC prône « la constitution d’une liste de large rassemblement de notre courant d’opinion. » « L’objectif, dit encore le PNC, est la constitution d’une alternative progressiste autour d’un contrat de mandature et l’accession des nationalistes aux responsabilités. »
De son côté, s’appuyant sur la dynamique enclenchée à Bastia, Gilles Simeoni appelle à la création de « Inseme pè a Corsica » : « espace politique de rassemblement et de convergence permettant à toutes celles et ceux qui se reconnaissent dans la stratégie mise en oeuvre en mars 2008 de travailler ensemble à l’échelle non plus seulement municipale, mais de la Corse toute entière. Cet espace de rassemblement doit créer les conditions d’une nouvelle situation politique en 2010. »
8 mois plus tard, Inseme pè a Corsica se créé et lance un appel à l’ensemble des forces politiques pour que ces élections soient historiques et porteuses d’une alternative.
Gilles Simeoni souligne « de façon évidente, il y a un axe stratégique qui unit Chjama, Inseme, PNC. »
2010, élections territoriales. Après moult péripéties, PNC, Chjama et Inseme trouvent leurs points de convergence et créent la démarche Femu a Corsica, coalition électorale qui leur permet d’entrer en force à l’Assemblée de Corse : 11 élus et 26% des voix. Corsica Lìbera entre de son côté 4 élus avec 9,85 % des voix et en agrégeant le Rinnovu Naziunale. Le courant modéré prend le leadership de la représentation nationaliste.
L’AG du PNC qui suit, le 28 novembre affirme : «Notre courant doit désormais se structurer davantage et consacrer réellement cette union comme un espace stratégique et prioritaire. En conséquence, le PNC veut construire Femu a Corsica et l’ériger en démarche politique, au-delà de la seule Assemblée de Corse et de la stricte présence électorale, sur tous les terrains de lutte du peuple corse. »
2011, victoire aux Cantonales de Portivechju. Jean Christophe Angelini porte un coup sérieux à Camille de Rocca Serra. C’est la première fois que les nationalistes percent dans un scrutin cantonal qui jusqu’ici ne leur a jamais été favorable.
2012, avancée aux élections législatives.
Une autre « première fois » : la présence de deux nationalistes au second tour d’un scrutin législatif jusqu’ici réservé aux seuls appareils clanistes ouvre de nouvelles perspectives.
Gilles Simeoni réalise 31,22% des voix et manque de peu la victoire dans le cadre d’une triangulaire serrée. Même chose pour Jean Christophe Angelini avec 46,91% en duel face à Camille de Rocca Serra.
Lors de sa rentrée politique, le 16 septembre, les trois composantes qui organisent ensemble un débat avec leurs militants mesurent l’attente forte de leurs bases, pressés qu’ils sont pour réaliser la structuration de Femu a Corsica. « Il y a un décalage entre notre degré d’organisation et la tâche qui nous attend. Nous avons l’ambition collective de jouer un rôle moteur dans le processus d’émancipation nationale de notre peuple, nous avons un pays à construire » déclare Gilles Simeoni.
«Appel est lancé aujourd’hui, faisons de Femu a Corsica l’outil majeur de l’émancipation nationale des Corses » surenchérit Jean Christophe Angelini.
2014, victoire aux municipales de Bastia ! Le clan Zuccarelli s’effondre.
Gilles Simeoni est élu maire de Bastia avec 55,40 % des voix à la tête d’une liste qu’il a largement ouverte.
À Portivechju, Altrimenti manque de peu l’exploit avec 46,17%. Il conserve ses 7 sièges. Les démarches soutenues par Femu a Corsica réalisent des scores importants partout dans l’île, les nationalistes démontrent qu’ils sont crédibles dans la gestion communale.
Au même moment, à Bastia, Inseme per Bastia élit trois conseillers départementaux.
Plus aucune citadelle ne semble imprenable. Tout est question de temps.
« Sta sera avemu vintu più ch’un elezzioni, déclare Gilles Simeoni, avemu vintu u dirittu di custruisce ssu paese. »
En juin, le FLNC intègre toutes ces avancées et annonce la fin de la lutte clandestine.
Un fait politique majeur à la veille des élections territoriales.
2015, tremblement de terre. Femu a Corsica marque encore une forte avancée électorale, avec 17,62 % des voix au premier tour et crée la surprise en s’unissant pour le second tour à la liste Corsica Lìbera qui réalise 7,72 % des suffrages. La démarche « Pè a Corsica » est créée et fait un bond en avant de plus de 10.000 voix dans l’entre-deux tours.
Elle remporte ainsi la prime majoritaire avec un total de 35,34% et 24 sièges. Les nationalistes, seuls, accèdent aux responsabilités de la Collectivité Territoriale.
« Pè a Corsica » séduit immédiatement bien au-delà de la sphère nationaliste: la cérémonie du ghjuramentu, les premières avancées politiques : assainissement de la gestion, création de la compagnie régionale maritime, Comité de Massif, riaquistu ecunòmicu, langue, énergie… la majorité territoriale se déploie dans tous les domaines.
2016 marque les 50 ans d’Arritti, et avec lui, 50 années de luttes du peuple corse. À cette occasion, le 10 décembre, le journal organise un débat sur l’avenir de Femu a Corsica. Arritti est alors le théâtre d’une annonce majeure, même si tout le monde s’y attendait un peu, tant elle était espérée : Gilles Simeoni et Jean Christophe Angelini confirment s’engager vers la constitution de Femu a Corsica en parti politique.
Auparavant, le 24 juillet, l’Assemblée Générale d’Inseme pè a Corsica avait réitéré son objectif « de passer d’une logique et d’un mouvement d’opposition à une logique et un parti de gouvernement. » Le 30 juillet, l’AG du PNC lui emboîtait le pas en votant à l’unanimité une motion intitulée « Femu a Corsica sùbitu ! »
« L’Exécutif et le Cunsigliu du PNC, dans le droit fil de nos motions d’AG, ont décidé de s’inscrire plus activement encore dans le processus devant conduire à la fusion de l’ensemble des composantes de Femu a Corsica en vue de créer un grand parti commun » dit la motion finale.
2017, trois députés au Palais Bourbon ! En juin, « Pè a Corsica » élit trois députés sur quatre aux élections législatives, avec des scores sans équivoque traduisant la large adhésion du peuple corse au travail réalisé depuis 20 mois par la majorité territoriale. Jean Félix Acquaviva, Michel Castellani et Paul André Colombani sont désormais nos voix à Paris.
Un an après les AG du PNC et d’Inseme pè a Corsica, le 16 juillet, Gilles Simeoni appelle à la constitution d’un « parti de gouvernement ». Le 29 juillet, les trois composantes se retrouvent à Corti devant un amphithéâtre comble pour poser la première pierre lors d’une « réunion constitutive» de Femu a Corsica en parti de gouvernement. Le congrès qui actera la naissance effective du nouveau parti avec l’adoption de ses statuts, de ses valeurs et de ses responsables, est fixé au mois de septembre prochain. S’ouvre une nouvelle page de notre histoire commune.