En 2017, Emmanuel Macron a été élu, en partie, sur un programme volontairement pro-européen, pourtant il ne souhaite pas la démocratiser…
Qu’on n’aime ou pas Emmanuel Macron, force est de constater qu’il a une vision pro-européenne, favorable à plus d’intégration et qu’il a assumée pendant sa campagne présidentielle, mise en avant le jour de son élection et qu’il a déclinée lors d’un long discours à la Sorbonne, le 26 septembre dernier.
Sa victoire au second tour de l’élection présidentielle de 2017 a été, à tort ou à raison, principalement interprétée, ailleurs en Europe, comme la victoire du camp « européen » face au camp du « repli ». Cette élection, couplée au Brexit et à la victoire de Trump, a convaincu de nombreux chefs de gouvernement européens, à commencer par Angela Merkel, qu’il fallait travailler autour des propositions du Président français, notamment sur l’idée d’un budget d’investissement pour la zone euro.
Malgré l’accueil plutôt positif reçu par Paris, Emmanuel Macron est esseulé sur la scène européenne. En effet, il a refusé que La République En Marche rejoigne l’un des partis politiques européens. S’il semblait difficile pour lui de rejoindre le parti majoritaire, le Parti Populaire Européen (le PPE, celui de Juncker et de Merkel), car il y a déjà Les Républicains de Wauquiez ou le second groupe, les Socialistes et Démocrates (S&D), et il y a aussi les socialistes français, sa place était toute trouvée dans l’ADLE, l’Alliance des Démocrates et des Libéraux où siège le MODEM, son partenaire au gouvernement, et son seul député européen LREM, Jean Arthuis.
Cette stratégie de l’isolement est, en réalité, voulue et assumée car il souhaite faire lors des élections européennes de l’an prochain, ce qu’il a réalisé en France 2017 : redistribuer les cartes et s’imposer comme le centre du jeu. Pari loin d’être gagné tant les élections européennes sont une somme de 27 élections différentes (voire plus), que le coup de poker de l’an dernier ne pourra pas être réédité sur une élection législative dans un système parlementaire et vu le peu d’entrain de certains gouvernements européens à l’égard de sa vision et de ses propositions.
Sacrifier la démocratie européenne
Pour arriver à ses fins et mettre en place son programme européen, Emmanuel Macron a décidé de sacrifier la démocratie européenne, alors que c’est l’une des critiques principales dont elle souffre, à juste titre !
D’une part, il a décidé de revenir, pour les élections européennes en France, à un scrutin avec une circonscription unique, entendez dans toute la France. Loin de moi, l’idée de défendre l’absurdité des 8 circonscriptions électorales qui existaient depuis 2004 et qui n’avait aucun sens. La Corse, par exemple, était avec la PACA et le Rhône Alpes mais revenir à une circonscription unique, c’est l’assurance de s’éloigner des territoires, de recaser les apparatchiks des partis parisiens et d’avoir des débats franco-français, alors que l’enjeu des prochaines élections devrait être, au contraire, d’expliquer comment rapprocher le pouvoir des citoyens, des nations sans État, des peuples et des minorités tout en renforçant et en approfondissant la construction européenne.
D’autre part, le Président français s’est totalement opposé au principe des spitzenkandidaten (les candidats têtes de liste). Ce système, mis en place pour la première fois en 2014, avait conduit chaque parti politique européen a désigné son « spitzenkandidat », son candidat à la Présidence de la Commission européenne, l’Exécutif européen.
En effet, tout comme dans une élection municipale, régionale, territoriale ou législative, le citoyen européen a le droit de savoir qui va prendre la tête de l’Exécutif, en cas de victoire d’un parti ou d’une liste. De plus, ce système a permis de mettre fin aux négociations de couloirs et aux magouilles dans l’ombre. En 2014, le PPE ayant gagné les élections, son candidat, Jean-Claude Juncker, a été désigné par le Conseil européen, réunion des chefs d’état et de gouvernement, puis élu par une majorité au Parlement européen.
Pourtant, Emmanuel Macron ne veut pas de ce système. Et la raison en est simple ! Étant esseulé à Bruxelles, son candidat, ou plutôt sa candidate, (on parle de Margrethe Vestager), libérale danoise, actuelle Commissaire européenne en charge de la Concurrence, n’a aucune chance d’être élue. Pour faire avancer ses pions, Macron ne veut pas d’une élection transparente, il préfère les négociations de couloirs.
Il a beau jeu, pour essayer de se rattraper, de défendre, l’excellente idée des listes transnationales (chaque parti européen présente une liste dans toute l’Europe ainsi chaque électeur vote 2 fois, une fois pour un élu de terrain et une deuxième fois pour une liste transnationale). Il sait, depuis le début, que cette idée, torpillée récemment au Parlement européen par le PPE, n’a aucune chance de voir le jour pour 2019, tant les oppositions politiques sont fortes, les contraintes légales lourdes et les barrières techniques nombreuses. Bref, pour faire avancer son programme, il sacrifie la démocratisation de l’Europe !
Non seulement cette idée est fausse mais elle est extrêmement dangereuse, surtout quand l’Union Européenne, est critiquée, d’abord et avant tout, et à juste titre, pour son déficit démocratique, entretenu principalement par les États, comme cet exemple ci-dessus nous le montre.
L’an prochain, l’élection européenne sera particulièrement importante pour l’avenir de l’Europe évidemment, mais aussi pour les nations sans État, leurs peuples et les minorités. La démocratisation de l’Europe ne peut être la cinquième roue du carrosse, celle qui viendrait quand tout sera réglé sur le front économique ou social. Non, la démocratisation doit être, au contraire, le point de départ de toute refondation de l’Europe.
Roccu Garoby.