Le 29 juillet à Corti, les militants et les sympathisants ont exprimé avec force la volonté d’une fusion. Puis le 9 septembre les 3 composantes se sont penchées sur la méthode pour définir les principes, les statuts et les problèmes juridiques qui vont se poser. Le tout à boucler en un mois par des ateliers hebdomadaires. Les échanges devront recueillir toutes les opinions, rassurer, donner des garanties de transparence et de démocratie à tous.
Si la demande est forte, la concrétisation en si peu de temps est délicate. L’AG du PNC est prévue le 24 septembre, quelques jours avant le congrès fondateur du nouveau «parti » (le 8 octobre), avec la campagne pour l’élection de l’Assemblée unique où seule la Corse votera.
La sauce électorale est toujours plus ou moins aigre dans chaque organisation qui existera jusqu’au congrès constituant. Des élus qui n’ont pas démérité devront pour équilibrer au mieux les listes, laisser passer des candidats pour l’ouverture et la parité. Faire tout en même temps : liquidation, nouvelle organisation, élection inédite… à première vue ce ne serait que la suite logique de devoir passer d’une coalition électorale gagnante à une organisation politique plus performante.
Mais pourquoi avoir tant tergiversé ? Tout n’a pas été dit ?
Tout sera mis à plat d’ici le congrès, et la dynamique renforcée pour les élections de l’Assemblée unique et la force d’impact sur Paris ? Peut-on se rassurer de trop en pensant qu’on est près d’une majorité absolue avec une opposition à droite et à gauche en marmelade.
Reconduire dès le premier tour la liste sortante avec Corsica Lìbera ne pose pas de problème du fait du retrait du FLNC sur le fond. Mais « l’ouverture » au-delà des militants dont le principe semble acquis va devoir se concrétiser sur la liste de décembre. La glu électorale entre autres ne gênera-t-elle pas le renforcement de la dynamique que la fusion est censée accroître ?
Le degré de maturité des militants élus ou non peut permettre de franchir ce qui n’est qu’une étape sur la route historique de l’émancipation de leur Peuple, il faut lever la tête du guidon et ne pas perdre de vue les sommets tenus par les jacobins.
Les natios sont passés d’un seul coup du statut d’opposants farouches à celui de dirigeants d’une institution insuffisante pour leur but historique la reconnaissance du Peuple corse et de ses droits avec les moyens d’assurer sa survie et son développement.
Ils sont loin d’avoir la force politique capable d’amener l’État central à accepter. Leur succès surprise a jailli des urnes dans des circonstances favorables que personne n’a pu prévoir, l’effondrement des clans lié à celui des partis alternants à la tête de la Ve République. Les électeurs ont rejeté ces partis et leurs relais locaux en votant Le Pen et Macron dans l’hexagone et Le Pen et natios dans l’île.
Macron relèvera-t-il la France ? En ce cas la revendication des natios devra être assez forte pour s’imposer à lui. Si l’État reste affaibli, dans ce cas il n’est guère en capacité de traiter des problèmes pendants depuis des lustres. Il les laisse pourrir pour qu’ils pourrissent de concert.
L’État français faible ou non est et reste jacobin à tous les étages de sa pyramide élective ou administrative.
Le défi natio est de renforcer leur cohérence et l’élan d’émancipation quoiqu’il advienne par ailleurs (crises diverses, terrorisme de Daesh…) les succès électoraux pour des institutions foireuses, dans un contexte général tout autant n’offrent aucune garantie. Ils peuvent un peu ralentir le déclin près de la fin. Cette garantie ne peut exister que dans la tête et les tripes des Corses de l’île et de la diaspora.
La Corse des autochtones est vieille incapable d’accueillir et d’intégrer. Elle est noyée.
La loi douanière a étouffé la production locale agro-pastorale et elle n’a pas pu se moderniser.
L’exode a vidé l’île pour les besoins des guerres et de l’Empire colonial. Actuellement le tourisme non contrôlé devient une catastrophe : afflux d’allogènes passagers dans les résidences secondaires, d’employés saisonniers… les jeunes au chômage, plus de 60.000 pauvres et des précaires en abondance…
L’enveloppe de continuité territoriale instituée pour diminuer le coût du transport ne freine pas « la vie chère » mais facilite l’importation de toutes les productions extérieures. La loi douanière a été un garrot, la continuité territoriale est une prime pour faciliter l’emprise extérieure.
Quant à la culture, la langue coupée de toute production économique locale, elle est sans avenir, condamnée (rapport de l’Unesco de 2002-2003 sur les langues régionales). Pour que sa transmission soit assurée il faut qu’elle soit faite dès le sein maternel. Donc par des moyens et une politique déterminée sur le long terme. Un simple bilinguisme à la merci de l’État est un mensonge ou une ignorance totale de l’évolution des langues minoritaires.
Et le sol insulaire offre bien des espaces à la spéculation financière et son cortège de dérives mafieuses. Comment donner un toit dans ces conditions aux plus pauvres, corses ou émigrés, pour leurs enfants ?
La fusion doit être une réussite malgré les gaz délétères de l’électoralisme pour une montée en force du mouvement historique d’émancipation qui passe par la prise de conscience du danger à écarter, l’œuvre colossale de la reconstruction à faire avec une ténacité à toute épreuve. S’il s’agit surtout de mandats et d’égos l’Etat à tout le temps de voir venir et d’amuser la galerie avec des promesses de bilinguisme « renforcé », de « lois » ordinaires pour empêcher la spéculation immobilière, d’arrangements fiscaux selon Bercy…
Le temps d’accompagner à peu de frais le Peuple corse inconscient jusqu’à sa fin.
Max Simeoni.