La langue, la démocratie, la terre : ce sont les trois piliers pour construire l’avenir du peuple corse. A l’heure des choix de la prochaine élection territoriale, ils sont la priorité.
Le combat pour la langue se relance à travers la mise en place de la filière d’enseignement par immersion, telle que la développe enfin Scola Corsa, hélas avec plusieurs décennies de retard sur ses homologues basques et bretons. À côté de Scola Corsa qui engage une structuration de long terme en milieu scolaire, d’autres initiatives foisonnent. Currilingua, l’équivalent corse de Ar Redadeg en Bretagne ou de la Korrika au Pays Basque, aura lieu pour la première fois le 4 juillet prochain. Elle permettra chaque année de recueillir des fonds pour toutes les associations impliquées dans la sauvegarde de la langue. Une nouvelle dynamique se fait jour, tournée vers la jeunesse et appelant à l’implication active de tous, parents, acteurs culturels, étudiants, enfants, enseignants, etc.
Il était temps d’impulser un second souffle à ce combat qui s’était laissé endormir dans les faux semblants d’un « bilinguisme » de façade dont les représentants de l’État vantaient impunément les mérites, alors que nous assistions impuissants à l’effondrement du nombre des locuteurs dans les nouvelles générations. « Ce n’est pas l’Éducation Nationale qui sauvera la langue corse » titrait Arritti quand il a pris l’initiative du lancement des premières écoles immersives en Corse. Il était temps que l’on en prenne conscience. C’est chose faite, enfin.
Une observation simple témoigne du retard pris. Nous étions 300 à Bastia contre la censure par le Conseil Constitutionnel de la loi Molac, ce qui est déjà satisfaisant car cela faisait bien longtemps qu’une telle mobilisation n’avait pas eu lieu. Mais ils étaient vingt fois plus nombreux à Guingamp et à Bayonne. L’explication est simple : la manifestation de Guingamp a coïncidé avec l’arrivée de la Redadeg qui a mobilisé des centaines de personnes tout le long de son parcours pendant une semaine, et le réseau Seaska, qui pratique la mobilisation permanente, est une « machine de guerre » impressionnante au service du combat pour la langue basque.
J’étais avec une délégation « Scola Corsa » durant 48h au Pays Basque pour parfaire la connaissance de leur modèle éducatif en immersion qui, de la maternelle à la terminale, scolarise 4.000 enfants, plus de 12 % des effectifs scolaires basques, et qui progresse chaque année en effectifs. Et on a pu les voir à l’œuvre, et, dès lors, on comprend mieux la saisine à l’arrache du Conseil Constitutionnel depuis la « coupole » du Ministère de l’Éducation Nationale dirigé par Jean Michel Blanquer : il fallait coûte que coûte empêcher la loi Molac de favoriser ce modèle éducatif qui permet la régénération des langues régionales à travers les plus jeunes, et qui fait émerger une alternative à la mort lente voulue par les Rectorats, en Corse comme ailleurs.
La formidable mobilisation du 29 mai à travers tous les territoires a opposé une belle résistance à cette agression calculée de l’État contre les langues régionales. Il faudra la continuer et l’amplifier, et le vote du 20 juin prochain sera une première occasion pour cela : sus aux listes du parti de M. Blanquer pour qu’elles soient sanctionnées sévèrement en Corse, en Alsace, en Bretagne, en Occitanie et ailleurs. Et il faudra continuer jusqu’à obtenir la modification constitutionnelle qui sécurisera les acquis de l’immersion sur tous les territoires.
Le terrain corse appelle aussi deux autres combats essentiels, celui de la démocratie et celui de la terre. Les deux se confondent : la spéculation immobilière est au cœur des dérives mafieuses qui gangrènent la Corse, et la perversion claniste n’hésite pas à utiliser les relais de la pression mafieuse pour arriver à ses fins. Cela ne date pas d’hier, et cela n’existe pas qu’en Corse. Mais cela existe encore, aujourd’hui, en Corse !
Chacun doit y être attentif à l’heure où il faut faire des choix fondamentaux pour l’avenir de la Corse. Durant sa Présidence, Gilles Simeoni a posé des actes clairs pour empêcher une emprise mafieuse sur l’île de Cavallu comme pour régler dans le meilleur esprit
la redistribution des terres du domaine Casabianca de Linguizzetta au profit de l’installation de 25 jeunes agriculteurs.
Ce n’est qu’un début, mais c’est dans cette direction qu’il faut poursuivre. •