Projet de village de vacances Costamare à Casabianda

De la réhabilitation à la supercherie !

On croyait ce temps et ce culot révolus, du moins le Padduc aurait dû y mettre un coup d’arrêt. Que nenni ! Il se trouve encore des promoteurs, des holdings et autres groupes pour réfléchir, à des échelles démesurées, des projets bafouant les lois et règlements. Un camp de vacances privé cinq étoiles destiné à accueillir jusqu’à 2500 personnes sur une douzaine d’hectares à Casabianda… Chjìbba ! C’est U Levante qui alerte sur son site. L’info a été relayée sur les réseaux sociaux, et est reprise cette semaine dans un communiqué détaillé du parti Ecologia Sulidaria. Explications.

 

 

Rappelons brièvement la genèse : depuis une dizaine d’années, le système des eaux usées du centre pénitentiaire de Casabianda en haute-Corse, sur la commune d’Aleria, ne fonctionnait plus.

 

Un chantier de réhabilitation est lancé en 2016, mais le projet évolue en 2019 vers… la réalisation d’un camp de vacances et une étude de faisabilité est commandée ! Sur le site du centre de vacances en ruines datant des années 80 est alors programmée une réhabilitation pour la réalisation d’un centre de vacances communal. Mais, nouvelle évolution, le 10 avril 2017, la commune cède la location des terrains à une holding, la Victoria Corp, par bail emphytéotique de 99 ans pour la réalisation d’un camping cinq étoiles sur quelques 12,4 hectares, pour un loyer de 300.000 €. La nouvelle station d’épuration initialement prévue pour 250 personnes doit alors supporter des pics de 2500 personnes, charges à répartir entre la commune et le centre pénitentiaire ! Colère du STC qui refuse que « la pénitentiaire participe au paiement d’installations pour un camping privé. »

En décembre 2019, nouvelle étape : « la SARL Victoria Corp dépose un permis d’aménager pour un village de vacances dénommé Costamare sur le site de l’ancien village en ruine de Casabianca » sur 9,39 hectares de superficie, échappant ainsi (en enlevant 10 ha de littoral où figurent pourtant des bâtiments à détruire) à l’obligation d’une étude d’impact. Ouf, la Dreal s’en aperçoit et oblige à corriger et à commander une étude d’impact avec « obtention préalable de dérogation », le projet en effet mord sur une partie de Znieff de type 1 abritant de nombreuses espèces protégées…

En août 2021, une consultation publique pour un défrichement est lancée en vue d’un « projet de restructuration de réhabilitation du village de vacances Costamare (anciennement Casabianda) ». Pour U Levante, c’est clair : « il s’agit de détruire les ruines d’un ancien camp de vacances hors d’usage depuis 30 ans puis de construire ex nihilo un camp de vacances de 2500 places, sur un terrain d’assiette bien plus étendu que le précédent. »

 

En l’espace de quelques années, on est donc passé de la nécessaire réhabilitation du traitement des eaux usées à un projet touristique des plus contestables ! « Il s’agit d’un projet masqué de construction nouvelle en zone naturelle en parfaite discontinuité d’urbanisation et, de ce fait, totalement prohibée par la loi Littoral comme par le Padduc. À cet égard, le zonage Uta du PLU de la commune d’Aleria est illégal ! », dénonce U Levante. Le site est en effet classé Znieff de type 1, Natura 2000 terrestre et marin, réservoir de biodiversité de la trame verte et bleue, Espace remarquable et caractéristique du Padduc ! Le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel de la Corse se dit « très surpris qu’un projet d’urbanisation de cette ampleur puisse concerner une zone dont l’intérêt écologique et la vulnérabilité sont aussi flagrants. Le secteur est situé au cœur de zones très naturelles composées de lagunes méditerranéennes (étang d’Urbinu), de nombreuses petites zones humides (le marais de Siglione en particulier), de boisements, de systèmes de dunes à genévriers et de plages, jouxtant en mer de grands herbiers de posidonies. »

Et U Levante de poursuivre : « Outre les lieux impactés, de la flore aux reptiles et nombre d’oiseaux, ce ne sont pas loin de vingt espèces protégées qui pourraient au final être menacées. Et pour lesquelles des autorisations s’imposent. Signalées comme préalable indispensable au dépôt du projet par la Dreal dès le 28 janvier 2020, les demandes de dérogation prévues ont-elles été déposées ? À la connaissance d’U Levante, le projet n’a pas reçu d’avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel pas plus qu’il n’a été transmis au Conseil national du patrimoine naturel (CNPN). Enfin, vient s’adjoindre à ce tableau le risque d’atteinte à la conservation d’une espèce protégée aux échelles nationale, européenne et internationale, inscrite comme espèce prioritaire : la tortue marine Caouanne, Caretta caretta, une des espèces pour lequel le site Natura 2000 “grand herbier de la côte orientale” a été désigné. » Rien que ça !

 

U Levante n’a pas manqué de faire savoir au Préfet que « toute future autorisation de défrichement, de permis d’aménager ou de permis de construire serait déférée au tribunal administratif de Bastia par l’association. »

« On est très loin d’une “réhabilitation”, puisque l’ancien village de vacances comportait 94 bâtiments, dont  “85 cabanes dédiées au logement et 9 bâtiments pour les services annexes (sanitaires, réfectoire, dortoir, poubelles, locaux techniques)”, aujourd’hui complètement délabrés », dénonce à son tour Ecologia Sulidaria pour qui « ce projet cumule les atteintes directes à l’environnement, piétine les règlementations françaises et européennes. »

« Au moment où la question de la gestion de l’eau et de sa rareté prévisible se pose avec acuité, on peut s’interroger aussi sur l’origine de l’eau nécessaire à l’alimentation d’une “ville nouvelle” et sur la concurrence possible avec l’eau agricole. Avec les mêmes interrogations sur l’énergie et de la gestion des déchets » dénonce encore Ecologia Sulidaria qui interpelle : « ce projet pose de façon évidente l’urgence de choisir le tourisme que nous souhaitons pour notre île : d’année en année, et de plus en plus, nous sommes confrontés aux difficultés liées à un tourisme mal équilibré dans le temps et l’espace. Le système actuel de “tourisme industriel” a montré ses limites (difficulté à gérer la ressource en eau, les déchets, l’énergie, explosion du trafic routier) et ses conséquences néfastes, notamment la pression sur les sites sensibles. Tant la population que les partenaires institutionnels, s’accordent sur une vision de tourisme “soutenable” (…) Ce projet est en complet décalage avec la vision d’un tourisme respectueux des sites et adapté à l’échelle de chaque territoire. » Ecologia Sulidaria demande au préfet de refuser l’autorisation de défrichement « qui vaudrait acceptation d’un projet illégal et destructeur ».

Pour U Levante : « Un permis de construire, s’il était accordé, serait la plus grave entorse à la loi Littoral depuis des décennies ! » À suivre. •

F.G.