Alors que le Premier Ministre Jean Castex a annoncé un voyage officiel en Corse, les dossiers s’accumulent qui appellent des réponses rapides. Parmi eux, il y a celui, démesuré, de la dette à la Corsica Ferries, dette générée par la volonté de l’État à l’époque seul actionnaire de la SNCM qui était le bénéficiaire du dispositif délictueux. Mais le dispositif a été activé par la Collectivité de Corse à partir de la dotation de continuité territoriale intégrée à son budget, six années durant, alors qu’elle était présidée par Ange Santini puis Paul Giacobbi. Ce qui explique sa condamnation par la Justice après plusieurs années de procédure.
La Collectivité de Corse, désormais présidée par Gilles Simeoni, a donc été condamnée par les tribunaux à payer pour le préjudice que cette politique de subventions indues versées à la compagnie d’État avait alors causé à sa concurrente aux bateaux jaunes.
S’agissant d’une décision de justice définitive, il revient donc théoriquement à la Collectivité condamnée d’inscrire la somme correspondante lors du premier des votes budgétaires à suivre le jugement. Fin novembre, comme chaque fin d’année, la Collectivité de Corse doit voter son budget supplémentaire. En conférence de presse ce lundi, Gilles Simeoni a expliqué pourquoi il avait décidé de ne pas proposer d’inscrire cette somme au budget.
En effet, si la Collectivité de Corse d’alors a bel et bien effectué les paiements reprochés sur la dotation de continuité territoriale, elle l’a fait sur instruction et pour les intérêts d’un commanditaire dûment identifié, l’État français, responsable de la difficulté extrême de la compagnie d’État après lui avoir fait acquérir le Napoléon Bonaparte aux chantiers navals de Saint Nazaire, ce qui a entraîné le recrutement de centaines de salariés supplémentaires alors que le trafic ne pouvait le justifier. D’où la décision de faire allouer sur l’enveloppe de continuité territoriale des sommes importantes pour un « service complémentaire » qui faussait la concurrence, et dont la Corsica Ferries a obtenu qu’il soit déclaré illégal par la Commission Européenne.
Le commanditaire peut-il décharger toute sa responsabilité de cette décision sur l’exécutant ? C’est ce que l’administration du ministère des Finances a probablement l’intention de faire, et il faudra une âpre négociation politique pour qu’il en soit autrement.
En décidant de ne pas obtempérer à l’injonction d’inscrire la dépense au budget supplémentaire de la Collectivité de Corse, Gilles Simeoni engage le bras de fer, et il oblige l’État à réagir.
D’abord à travers sa compétence du contrôle de légalité : le Préfet rejettera-t-il le budget supplémentaire tel que voté par l’Assemblée ? Décidera-t-il une inscription d’office ? De toutes façons, la balle sera dans son camp, et ses choix seront politiques ! Et lors de sa venue en Corse, Jean Castex devra apporter une réponse concrète.
Dans la négociation globale à venir, ce sujet va prendre une place déterminante. Les sommes sont bien trop élevées pour être honorées par la seule Assemblée de Corse, et la chaîne des responsabilités dans ce dossier implique bien évidemment les services de l’État qui doit donc assumer ses responsabilités. •