Lorsque le premier numéro d’Arritti est diffusé le 8 décembre 1966, jour di a Festa di a Nazione (tout un symbole !), la Corse est exangue. Nous ne sommes pas encore pleinement dans la dynamique du « riacquistu », l’expression « peuple corse » est bien loin d’être répandue, la langue est considérée comme un « dialecte », elle n’a même pas droit à l’enseignement facultatif que permet la loi Deixonne, il faudra se battre presque 10 années encore pour obtenir cette modeste reconnaissance, le drapeau à a testa mora n’est connu que de quelques initiés, les chants polyphoniques sont pris pour des chants d’ailleurs et la Corse n’a pas d’économie. Sa population stagne après avoir été la seule île de Méditerranée à perdre ses habitants. Le secteur primaire est mourant avec un intérieur totalement désertifié, il n’y a quasiment plus d’industrie et l’économie repose essentiellement sur le secteur tertiaire par les emplois dans l’administration française, poste, douane, police, éducation nationale… Seul avenir pour sa jeunesse : l’exil.
Le titre en témoigne, il est poussé comme un cri, un appel à la révolte, au sursaut. Et il contribuera ainsi au réveil de la conscience nationale corse. C’est donc d’abord un journal militant, et parce qu’il a cette force, il a toujours été dans le collimateur de l’État en Corse.
Attentat barbouze en 1977 contre son imprimerie. Refus de l’autoriser à faire paraître les annonces légales et judiciaires (déjà !) dans les années 80. Il a fallu des années de procédures judiciaires pour obtenir enfin cette autorisation. Mêmes difficultés dans l’obtention, ou le renouvellement du numéro de commission paritaire, qui est obligatoire pour être reconnu comme presse avec les avantages qui y sont liés, notamment un tarif dégressif pour l’envoi chaque semaine de l’hebdomadaire à ses abonnés.
Malgré ces attaques incessantes, Arritti a traversé les décennies à la force et au prix des sacrifices de l’investissement militant. Il a élargi son lectorat, toujours en étant la voix de l’autonomisme corse, en ouvrant sa ligne éditoriale aux grands défis de la planète, la défense de l’environnement et la défense des droits de l’homme et des droits des peuples.
Il s’est modernisé et a opéré aussi au fil des années de nombreuses améliorations techniques et commerciales : une société d’exploitation du titre, la SARL Prumuzione Nustrale, créée en 1996 pour gérer de façon professionnelle tous les aspects commerciaux, l’appel à une entreprise, la SARL Mediaterra, pour réaliser sa maquette toutes les semaines, aujourd’hui réalisée par Vanina Bellini Cumunicazione. Le passage à la couleur en 2010, la création d’un site internet en 2016. Aujourd’hui, le titre travaille sur la numérisation de ses archives et sur la modernisation de son site internet.
L’impression d’Arritti raconte aussi son histoire, de l’imprimerie Costa à Bastia de 1966 à 1975, à son imprimerie militante à Toga détruite par l’incendie criminel revendiqué par l’officine Francia le 14 mai 1977, à l’imprimerie Sammarcelli qui a repris la suite. Arritti compte un lectorat de plusieurs milliers de personnes chaque semaine. Il vit sur trois piliers de recettes : les abonnements, les recettes publicitaires et les parutions d’annonces légales ou judiciaires. Un de ces piliers est touché, et c’est toute la construction qui est ébranlée. L’État le sait. Ses attaques sont mesquines et témoignent du mépris et de la hargne qui l’animent après ces 60 années de luttes du peuple corse et tant de sacrifices concédés pour rester debout.
C’est donc encore et toujours par la solidarité et par l’entêtement à survivre que nous le resteront.
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