Départ du préfet Lelarge

La grande offensive contre la Corse

Refus de réattribuer le bénéfice des annonces légales à Arritti, mandatement d’office de 10 millions d’euros aux dépens de la Collectivité de Corse et au profit de la Corsica Ferries, remise de l’ordre le plus élevé de la légion d’honneur à Pierre Bertolini, barbouze notoire commanditaire de multiples attentats en Corse comme principal dirigeant de l’officine Francia, et maintien du statut de DPS, synonyme d’impossibilité de tout aménagement de peine, pour Alain Ferrandi, Pierre Alessandri et Yvan Colonna, chaque décision prise séparément est inacceptable. Leur accumulation, en l’espace d’une semaine, est effarante. La volonté politique qu’elles expriment est claire : ils veulent notre peau !

 

 

Ils veulent la peau d’Arritti ! En lui retirant le bénéfice de la publication des annonces légales pour la Corse-du-Sud, le représentant de l’État en préfecture d’Aiacciu sait pertinemment quelles en seront les conséquences. En amputant le chiffre d’affaires du journal de 25.000 euros annuels, plus de 15 %, on menace sa survie économique, et on espère ainsi tirer un trait sur les cinquante-cinq années durant lesquelles il a accompagné la lutte du peuple corse. Arritti exprime, depuis sa création par Max Simeoni, la volonté d’émancipation du peuple corse. C’est cette voix, qui participe à la liberté d’expression sur l’île, que cette décision veut faire taire.

Pierre Bertolini avait lui aussi, en son temps, voulu la peau d’Arritti. Après les événements d’Aleria, il était venu en Corse prendre en charge la création de l’officine barbouzarde Francia voulue par l’État pour écraser la rébellion autonomiste. Un de ses principaux faits d’armes avait été la destruction en 1977 de l’imprimerie d’Arritti à Toga. Aujourd’hui quasi-centenaire, il a été ressorti de la naphtaline pour se voir attribuer la décoration la plus prestigieuse existant en France, celle de Grand-Croix de la légion d’honneur, dont le nombre de détenteurs encore vivants ne peut dépasser 75. Au nom de ses engagements militaires, y compris une citation « pour son engagement dans la lutte contre le terrorisme en Corse », le voilà propulsé au Panthéon français !

 

Le mandatement d’office de dix millions d’euros depuis les comptes de la Collectivité de Corse à Corsica Ferries au nom du paiement des intérêts courus, paiement qui était suspendu à une négociation encore en cours, est un nouveau méfait du préfet au moment où il a – era ora ! – été exfiltré hors de l’île. Cela ne s’était jamais vu, pas même du temps de Bernard Bonnet, et cela démontre que, derrière ce croisé de l’anti-Corse, il existe encore toute une armée de la haute fonction publique qui partage son aversion pour la Corse. Ce qui explique tout à la fois sa nomination, alors que les élections en Corse avaient infligé une sévère défaite aux inconditionnels de la « Corse française et républicaine », et la résistance opposée pour le maintenir en poste alors que les résultats encore plus éclatants de l’élection de juin 2021 auraient dû signifier son départ immédiat dans toute démocratie.

Au cœur de cette logique de l’État profond, il y a le lobbying incessant autour du sort de Pierre Alessandri, Alain Ferrandi et Yvan Colonna. Un quarteron de hauts fonctionnaires en a fait une « cause sacrée », reprenant à leur compte l’expression formulée alors par Jean-Pierre Chevènement. Alors que les prises de position se multiplient pour que soit appliqué le droit, et rien que le droit, à leur égard, ils ont inventé le subterfuge du statut de Détenus Particulièrement Signalés pour les en priver. Un « grain de sable » est cependant venu contrarier leurs plans quand la commission qui au sein de l’administration pénitentiaire, trois années d’affilée, a estimé que ce statut ne devait plus s’appliquer à ces trois détenus compte tenu de leur très bonne conduite en prison. La hiérarchie a méprisé trois fois de suite cet avis et maintenu ce statut de DPS sans autre motif qu’une répression politique. Depuis la pression est montée et a rendu impossible l’escamotage de l’avis de cette commission technique. Qu’ont-ils fait alors ? Ils ont commencé par annuler sa réunion de décembre, puis ils ont travaillé d’arrache-pied à ce qu’elle change d’avis, ce qui, vu leur pouvoir immense sur les carrières de tous ses membres, était possible. Deux mois plus tard, c’est chose faite : la commission a changé d’avis, et les trois prisonniers corses sont maintenus sous statut DPS.

Ce feu d’artifice est-il un bouquet final ? Ou bien la manifestation d’une volonté brutale d’en finir avec tout projet d’autonomie de la Corse ?

De toutes façons le peuple corse n’a pas le choix : résister ou disparaître. Arritti a fait pour sa part le choix de la résistance, et il continuera sa parution. •