Il y a plus de 60 ans, était adoptée la loi Debré qui lie l’État aux établissements d’enseignement privés. Le 23 décembre 1959, Michel Debré défend son projet en parlant d’« une liberté essentielle », et d’une nécessaire « collaboration à la mission d’éducation nationale qui le fait ainsi participer au service public ».
Au nom du devoir d’éducation, l’État consent donc à un « contrat d’association » qui, du côté de ces établissements oblige au respect des règles et programmes de l’enseignement public, du côté de l’État permet la prise en charge du traitement des enseignants et le versement du forfait scolaire pour les communes qui souhaitent soutenir ces établissements.
À l’époque, sont essentiellement concernées les établissements d’enseignement confessionnel (catholique ou protestant) définissant ainsi une nouvelle conception de la laïcité française.
Un établissement privé d’enseignement peut donc demander à l’État une « contractualisation ». Et les écoles associatives d’enseignement immersif étant des établissements privés, elles ont bien sûr revendiqué haut et fort ce droit. Il a fallu cependant batailler durant plusieurs années au réseau Eskolim* pour l’arracher. Désormais, toutes les écoles Eskolim en bénéficie. Mais avec le temps, des conditions ont été fixées sans être vraiment écrites, comme cette question d’une période probatoire qui de 3 ans est passée à 5 ans à l’usage.
Scola Corsa, dernière née d’Eskolim, réclame la possibilité de cette prise en charge des salaires de ses enseignantes. Il est clair que c’est le gros de ses dépenses budgétaires, et que la contractualisation lui permettrait très vite de répondre à ses besoins d’extension.
Il existe, dans le statut de la Corse, une disposition ramenant la période probatoire à 1 an sous simple accord du préfet de région. De même, une dérogation autorise aussi ce contrat à condition qu’il existe au moins 300 logements neufs sur la commune concernée et les communes limitrophes. Or, le préfet de Haute-Corse sollicité a rejeté la demande de contractualisation de Scola Corsa en rappelant la question des 5 ans de probation comme celle des logements neufs. Scola Corsa répond à cet autre critère puisqu’elle accueille des parents de Bastia, Biguglia, mais aussi de Borgu actuellement et s’ouvre à toutes les communes voisines de l’école qui ne disposent pas de cette offre d’enseignement immersif et voudrait en bénéficier. Le nombre de logements neufs exigés est donc largement atteint !
En fait, il s’agit bel et bien d’un problème politique, Scola Corsa remplit tous les critères techniques exigés. Et ce, d’autant plus que l’Assemblée de Corse vient d’adopter à l’unanimité une motion présentée par Nadine Nivaggioni du groupe Fà Pòpulu Inseme réclamant cette contractualisation. C’est une volonté politique forte de la Corse à laquelle l’État doit répondre. En novembre 2021, une motion déposée par Petr’Antone Tomasi pour le groupe Fà Pòpulu Inseme avait été également adoptée à l’unanimité en soutien à la demande de contractualisation des écoles immersives.
L’enjeu est crucial pour Scola Corsa, avec cet aspect financier se joue la généralisation de ses écoles associatives car la demande est pressante, en Balagne, dans le Sud, ou dans le centre Corse pour ouvrir des scole corse. C’est une revendication qui, techniquement et financièrement, n’offre pas de contrainte supplémentaire pour l’État : que ces enfants relèvent du public ou de l’associatif, il faudra bien répondre à cette exigence d’éducation. Il n’y a donc aucun cadeau fait à la Corse. Il y a juste cette question à mettre sur la table des négociations avec Paris : le gouvernement veut-il réellement aider à l’épanouissement de la langue corse ? •
F.G.
* Lire en p3.