La dernière prévision du GIEC et des experts du climat, dont les modèles scientifiques se renforcent au rythme des observations météorologiques constatées, a donné son verdict : au rythme actuel des politiques de lutte contre le réchauffement climatique, la température moyenne du globe terrestre aura grimpé de 2,8°C à la fin du XXIe siècle en comparaison de ce qu’elle était au milieu du XIXe siècle, avant que la révolution industrielle ne commence à saturer l’atmosphère de gaz à effet de serre produits par l’Homme.
Pour se faire un tableau de ce que cette prévision sous-tend, rappelons-nous que le réchauffement aujourd’hui constaté est de 1,1°C, et que déjà il nous est donné de constater des effets tangibles : un mois d’octobre le plus chaud de tous les temps, une mer Méditerranée plus chaude qu’elle ne l’a jamais été, 30°C des jours durant sur les côtes de Corse cet été, et une tempête cyclonique qui a balayé les côtes d’Ouest-Corse avec une soudaineté et une violence qui n’avaient jamais été connues auparavant.
Tous les scientifiques ont prévenu : au-delà de 1,5°C de réchauffement climatique, les effets ne pourront être sans conséquences graves pour l’Humanité et pour tout le vivant sur la planète. Les accords de Paris ont malgré tout retenu l’objectif de 2°C en adoptant des engagements État par État pour y parvenir. Les scientifiques ont affiné leurs prévisions : s’ils sont tenus, ces engagements ne parviendraient pas à limiter le réchauffement en deçà de 2,4°C. Et comme ils ne sont pas tenus, ce sera 2,8°C.
Face à ça, la sagesse voudrait de refaire un sommet et de réévaluer toutes ces politiques dans le sens d’un nouveau tour de vis contre les activités pollueuses génératrices de CO2 et des autres gaz à effet de serre. Or on est bien loin d’en prendre le chemin, et, dans la période actuelle, on voit venir une série de ruptures politiques qui font peur.
Une série de ruptures politiques
La première est en cours en Amérique du Sud avec l’élection présidentielle brésilienne. Le verdict des urnes sera connu après que ces lignes aient été écrites, mais le risque d’une réélection de Jair Bolsonaro est très grand*. Un seul chiffre pour mesurer l’enjeu de ce pays qui gère l’essentiel de la forêt amazonienne, poumon de l’Humanité dont la capacité d’absorption du CO2 par photosynthèse débarrasse l’atmosphère d’une grande partie de ce que le monde y déverse : sous son seul mandat de quatre ans, la déforestation y a progressé de 75 %, alors que sous les huit ans des deux mandats de Lula, elle avait diminué de 70 %. Avec ces chiffres on comprend mieux à quel point il est important que Lula gagne comme les sondages le laissent encore entendre malgré un écart qui se resserre !
Autre élection à venir qui fait froid dans le dos, aux États-Unis, où la faible majorité de Joe Biden de 2020 contre Donald Trump est menacée lors des élections au Sénat et au Congrès qui auront lieu le mois prochain. Que les États-Unis, premier émetteur mondial, soient ou non dans les accords de la COP dont la 21e édition avait débouché sur les accords de Paris en 2015 est évidemment capital. La 27e édition va s’ouvrir au Caire ces jours-ci et toutes les négociations sont suspendues à ces élections dont l’issue pourraient conduire au retour au pouvoir de Donald Trump, ou de son clone, dans deux ans à Washington.
Quant à l’Europe, sa stabilité dans ses engagements climatiques est plus précaire que jamais. D’abord la volonté politique fait encore défaut, ce qui s’est vu notamment lors de la discussion de la Politique agricole commune. Mais le pire est à venir tant les élections successives confortent ceux qui sont tentés par les discours climato-sceptiques, notamment l’extrême droite. Élections gagnées pour elle en Suède et en Italie, succès assuré semble-t-il au Danemark demain, en Espagne après-demain, sans compter la Pologne et la Hongrie où ils sont déjà bien installés.
Tout ça se déroule avec en toile de fond la guerre qui s’est installée en Ukraine. Nul ne peut prévoir avec certitude quels seront les effets délétères de ce conflit sur l’Europe. Les économies vont souffrir, les populations aussi, notamment les plus pauvres. La France ou l’Allemagne ont les moyens économiques d’un bouclier tarifaire qui en modèrera les effets, moyens que n’ont pas l’Italie, l’Irlande ou même la Belgique où la hausse des prix pour se chauffer cet hiver est colossale. Malgré les mécanismes de solidarité mis en place avec succès lors de la crise du Covid, les institutions européennes n’ont pas réussi cette fois à réagir de façon solidaire et coordonnée. Les effets politiques risquent d’être dévastateurs.
L’Europe obligée d’accélérer sa transition énergétique
Seule éclaircie dans ce tableau bien sombre : l’Europe est obligée d’accélérer sa transition énergétique pour échapper au chantage au gaz de la Russie. Un État a montré la voie, l’Espagne dont 47 % de l’énergie consommée provient déjà des énergies renouvelables (en France, à peine 20 %), ce qui lui permet de limiter les hausses des prix de l’énergie de façon vertueuse. L’accélération vers cette indépendance énergétique est inspirante pour l’Europe entière, et elle pourrait, par effet induit, débrancher l’Europe de la transfusion au gaz russe par laquelle, un gazoduc après l’autre, elle avait pris l’habitude d’une confortable dépendance. Certains espèrent même que cet évènement d’importance planétaire va renverser le cours des émissions de CO2.
Fussi ella puru ! •
* Ouf ! 51 % ! Lula est élu de justesse (lire par ailleurs).