La journée de mobilisation syndicale du 7 mars 2023 a été à la hauteur des attentes des opposants à la réforme des retraites, et donc, a contrario, à la hauteur des craintes de ses promoteurs, à commencer par Emmanuel Macron lui-même. Simple feu de paille ou tsunami qui pourrait tout emporter sur son passage ? Les semaines à venir seront décisives.
La France à l’arrêt : le mot d’ordre de la mobilisation pour ce 7 mars a été mis en œuvre avec succès. D’ores et déjà, on sait que le blocage va continuer le jour d’après et l’hypothèse est là d’un mouvement social qui s’installe dans la durée, avec un blocage plus ou moins larvé du pays durant des semaines.
De son côté, le Sénat continue son parcours parlementaire en confirmant l’alliance de la droite avec le gouvernement, préparant un vote final positif à l’Assemblée nationale, au besoin par le recours au 49-3. Les opposants espèrent que la mobilisation massive des Français contre cette réforme finira par faire fléchir le Président de la République. Mais, pour cela, il leur faudra « mettre le paquet » !
Macron a déjà prévenu : il n’hésitera pas devant une dissolution de l’Assemblée nationale. C’est son arme ultime si le mouvement social évoluait vers une sorte de « mai 68 ». Et on sent que son principal opposant à gauche, Jean Luc Mélenchon, veut lui aussi faire monter les enchères. Quant à l’extrême-droite, elle bat déjà la campagne autour de sa stratégie de « notabilisation » en vue des échéances à venir, qu’elles soient éloignées ou rapprochées.
Nous entrons dans une période d’instabilité politique. Elle sera de courte durée si la mobilisation s’essouffle progressivement. Mais le contraire, après la démonstration de force du mardi 7 mars, est tout autant possible.
Pourquoi une telle crise ? En retenant la mesure de report de l’âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans, Emmanuel Macron a choisi l’option la plus risquée face au front syndical que cette décision a dressé contre lui, expression du refus des classes sociales les plus modestes qui supporteront l’essentiel de l’impact de cette mesure d’âge. Au-delà des scénarios chiffrés plus ou moins fiables, cette option est celle de l’opération financière la plus basique : en travaillant deux années supplémentaires, les français cotiseront davantage tout au long de leur vie, et, comme ils seront retraités deux ans de moins, ils coûteront moins cher au final. D’où la perspective d’une manne financière nouvelle pour l’État, que Macron veut mobiliser dès le début de son mandat.
Pourquoi ? Sans aucun doute l’explication est, elle aussi, très basique : les besoins de financement de l’État sont colossaux.
Plusieurs dossiers l’expriment clairement. Celui des hôpitaux par exemple, révélé par la crise sanitaire du Covid 19, où une nécrose a été générée par les restrictions budgétaires successives, année après année. L’asphyxie du système est patente et il n’y aura pas de solution sans argent nouveau.
La guerre en Ukraine, où la France peine à envoyer armes et munitions tant les stocks sont dégarnis, tout comme les évolutions en Afrique dans le pré carré de l’influence française, témoignent de la difficulté financière des armées à l’heure où la menace d’une guerre mondiale se fait plus grande, et pas seulement sur le front Est de l’Europe.
Autre dossier significatif, la débâcle financière et technologique de la filière nucléaire d’EDF. Elle a provoqué sa renationalisation en catastrophe pour éviter la faillite, tout en promettant des programmes d’investissements nucléaires pharaoniques à l’heure où on n’en finit pas d’accumuler les pertes sur le parc existant, rongé par la corrosion, comme à Flamanville, Hincley Point au Royaume Uni ou en Finlande où les premières centrales de nouvelle génération se révèlent hors de prix. L’hypothèse du ministère des Finances a même été de mobiliser l’épargne du livret A pour soutenir EDF, alors qu’elle est traditionnellement consacrée aux politiques sociales comme le logement.
Ces trois exemples, et d’autres (justice, école, universités, transports urbains, réseau ferroviaire, etc.) sont le signe de besoins pressants de financements long terme. Parmi les choix ouverts (rétablir l’impôts sur la fortune par exemple, ou taxer davantage les superprofits des majors de l’économie française, etc.) Macron a fait un choix : celui d’une politique parmi les plus libérales que la France ait connue depuis des décennies. Il a réveillé le mouvement social qui végétait. Il commence à mesurer les conséquences de son choix. •