Scola Corsa

Sprichji di u dibàttitu di u 21 d’aprile

De g. à dr. : Peio Jorajuria, Paul Molac et Jean Louis Blenet (tribune) ainsi que Ghjiseppu Turchini (debout) et Anna Catalina Santucci.
Présentation du modèle des écoles associatives d’enseignement immersif Eskolim, présentation de la loi Molac et du débat qu’elle a provoqué au niveau constitutionnel avec les entraves mis par l’État quant à l’usage des langues régionales, problématique de la formation… Arritti reviendra plus en détail sur ce débat dans de prochaines éditions. En attendant, voici quelques morceaux choisis.

 

« Le Pays basque français est une référence pour nous car les repères de base sont les mêmes : 300 000 habitants, les mêmes problèmes démographiques avec des néo-arrivants, la spéculation foncière, le tourisme, etc. Mais déjà un tiers des enfants du primaire sont scolarisés dans l’immersif associatif mais aussi dans le public. Ce qui prouve bien que l’associatif aiguillonne même l’enseignement public. Nous avons beaucoup à apprendre de ces exemples dont certains ont cinq décennies d’avance. De notre côté, nous préparons la troisième rentrée, avec nos trois écoles, une quatrième à Corti ouvrira cette année et nous allons commencer avec les premiers CP, l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Nous avançons, l’association innove, se renforce, se structure et les résultats sont à la hauteur de nos espoirs. » Ghjiseppu Turchini.

 

« L’année dernière, le lycée de Seaska a été élu par un journal parisien meilleur lycée de France. Il y a quelques années, c’est le lycée Diwan de Carhaix qui avait eu la même distinction. Même si notre objectif est linguistique, on est quand même des écoles et, au niveau pédagogie aussi, on arrive à avoir des résultats. Ces classements sont significatifs : nos élèves n’ont aucun retard sur les matières scolaires, au contraire ! On est même classé parmi les meilleurs. C’est dû à notre système, et à l’implication des parents évidemment. Au lycée on n’a que des enfants qui ont été accompagnés par leurs parents depuis tous petits… c’est une clé de la réussite scolaire. » Peio Jorajuria, président de Seaska.

 

« La France s’exonère de tout simplement honorer les droits de l’Homme sur son territoire. Au pays de la langue unique, c’est paradoxal puisque dans le concert européen, c’est sans doute la France qui est certainement le pays où il y a le plus de langues différentes, et c’est celui qui les refuse toutes, sauf une, celle de l’État ! Avec une norme d’État qui voudrait même qu’on oublie nos propres langues ! C’est évidemment une vision politique tout à fait insupportable. Et donc, le problème ne sera pas réglé par les autres, il sera réglé par nous-mêmes, lorsque nous serons capables de contrer cette politique et d’en proposer une autre. C’est la conclusion à laquelle je suis arrivé. C’est pour ça que dès que je suis arrivé député en 2012, j’ai commencé à travailler sur une loi sur les langues régionales. » Paul Molac, député, auteur de la loi Molac.

 

« La France, c’est les droits de l’Homme, moins un ! On fait des publicités chaque année au moment de la journée des droits de l’enfant, le 20 novembre, et ce sont des publicités mensongères. On réduit toute la convention des droits de l’enfant en 10 articles et ils osent écrire que les enfants de France ont droit à la diversité culturelle. C’est faux ! Parce qu’ils ont refusé de signer l’article 30 de cette convention qui dit qu’on ne peut pas interdire à un enfant autochtone de parler sa langue avec son entourage et d’avoir une vie culturelle et un enseignement !… Bravo la civilisation ! Idem pour les droits de l’Homme et du citoyen. » Jean Louis Blenet, président de l’ISLRF.

 

« Si ça n’est pas l’Office de la langue bretonne qui s’organise, il ne faut pas compter sur l’Éducation nationale. Vous êtes sûr qu’il n’y aura rien du tout. Elle ne s’organise qu’à partir du moment où vous la poussez. Si vous n’êtes pas l’aiguillon, ce n’est pas eux qui le seront. » Paul Molac.

 

« Calendreta démarre en 1979 avec un principe double : d’un côté l’immersif et, de l’autre côté, on est structuré en pédagogie active de type Freinet qui est cohérente avec l’objectif de l’immersion. Parce que dans une pédagogie classique les enfants sont des entonnoirs, et un entonnoir ça ne parle pas beaucoup. Pour nous, il faut que les enfants parlent. Et plus ils sont en pédagogie active, plus ils travaillent en coopération, plus ils vont parler entre eux… Le vrai, ce qu’on cherche, fondamentalement, c’est que les enfants parlent aux autres enfants, et là le combat est gagné ! » Jean Louis Blenet.

 

« Nous, ça fait 50 ans qu’on est illégal ! On a inventé des mots, certaines activités on les considère a-légales. Les juridiques nous disent que ça n’existe pas, mais c’est à peu près 80 % de notre activité qui est a-légale, après on a 10 % qui est vraiment légal, et 10 % où on sait très bien que c’est anticonstitutionnel, mais on le fait quand même ! » Peio Jorajuria.

 

De g. à dr. : Peio Jorajuria, Paul Molac et Jean Louis Blenet.

 

« Le pays légal et le pays réel, ce n’est pas forcément la même chose. On a le problème avec la réforme des retraites par exemple qui n’a pas de majorité dans le pays, les syndicats sont contre, et si elle avait été mise au vote à l’Assemblée nationale, elle aurait été battue. Là vous avez la même chose. Il y a un certain nombre de règles qui sont des règles internationales. La petite fenêtre que nous laisse l’État français pour regarder ce que nous sommes, ce n’est pas la fenêtre qu’il y a dans le monde. Il nous enferme dans une norme d’État. Quand cette norme est franchement contre les droits de l’Homme, quand il y a une longue suite d’usurpations, moralement, vous devez ne plus vous soumettre à la loi… Ce que la France fait, c’est contraire aux droits de l’Homme, et ça, ce n’est pas supportable… Donc ne vous souciez pas trop de la légalité et allez-y. Il faut bousculer l’administration. Ne demandez jamais l’autorisation, faites-le ! » Paul Molac.

 

« L’enjeu de formation était pour nous majeur… Pourquoi ? Parce qu’il faut former les maîtres dans les langues qu’ils vont utiliser… Il faut que le maître ait appris à formuler sa pensée dans la langue, il faut qu’il ait travaillé les maths en oc ou en breton, s’il doit chercher son dictionnaire, rien ne marche ! Et ça, c’est la grande bataille que nous menons actuellement avec les INSPE, qui sont la suite des IUFM… On a créé l’ISLRF de surcroit comme établissement d’enseignement supérieur. Il est de droit privé, ce qui est normal puisque nous sommes privés de droits !… Et on est passé comme cela de préparer un concours à faire des Master… » Jean Louis Blenet.

 

« Il y a une pratique dans le public qui consiste à dire que tout ce qui est lecture, littérature jeunesse, doit se faire obligatoirement en français. C’est une immersion qui va permettre un temps d’exposition à la langue mais qui en elle-même porte ce fait que la langue corse est une langue secondaire, pas assez importante pour pouvoir faire de la lecture en langue corse. C’est un point qu’il va falloir combattre. Je défends également l’enseignement public, l’enseignement bilingue par immersion. On a besoin de tous ces outils-là. Scola Corsa ne va pas sauver à elle seule la langue corse. Vous avez besoin de développer Scola Corsa, mais vous avez besoin aussi de l’école publique et d’une école publique qui va elle-aussi former des locuteurs. Mais on ne le fait pas en institutionnalisant le fait que la lecture ne peut pas se faire en langue corse. Tous ces discours qu’il n’est pas possible de faire du 100 % en langue corse, ce sont des bêtises. Nous ça fait des années qu’on fait du 100 % en langue basque à l’école publique. » Peio Jorajuria.

 

« Il est très intéressant ce Conseil constitutionnel, puisque c’est lui qui donne la norme pédagogique pour les langues en France ! Il rejette l’immersion puisque ses réseaux ne se bornent pas à enseigner les langues, mais les emploie ! Vous voyez leur projet pédagogique : les langues doivent être enseignées, mais jamais utilisées ! Or les langues c’est comme la bicyclette, si tu n’as pas la pratique, tu ne sais pas faire ! Tu peux faire 15 années à apprendre la bicyclette, le pédalier, les rayons, les pneus, si jamais tu montes dessus, jamais tu sauras… Donc c’est vraiment la question de l’usage, dans la vie de l’établissement, la mécanique pour qu’un enfant s’empare de la langue et en fasse sa langue d’usage. » Jean Louis Blenet.