Par un hasard de calendrier, ce 13 mars 2017, Écosse et Catalogne ont occupé à nouveau le devant de la scène européenne.
Le lancement de la procédure de Brexit par le gouvernement conservateur britannique de Teresa May, sans qu’aucune mesure conservatoire pour maintenir les liens entre l’Écosse et l’Europe ne soit envisagée, alors que 62% des Écossais avaient voté contre le Brexit, a amené la dirigeante écossaise Nicola Sturgeon à annoncer officiellement ce 13 mars 2017 son intention de provoquer un nouveau referendum sur l’indépendance de l’Écosse fin 2018 ou début 2019, c’est à dire avant que la Grande Bretagne ne quitte l’Union Européenne.
Le même jour le Tribunal Constitutionnel espagnol a décidé de condamner à deux années d’interdiction de droits civiques Artur Mas, qui était Président de la Generalitat de Catalunya quand avait été organisé un referendum consultatif qui avait vu 2,3 millions de catalans se rendre dans des bureaux de vote « parallèles » soutenir le « droit de décider » du peuple catalan. Plus de 80% avaient choisi de soutenir l’indépendance.
Cette condamnation, pour laquelle Artur Mas a décidé de faire appel, et de poursuivre la procédure jusque devant la Cour de justice européenne, marque un tournant. En effet, en condamnant un dirigeant élu pour avoir organisé une consultation électorale, l’Espagne franchit un nouveau pas dans le déni démocratique. Cela provoquera en retour une nouvelle étape de la marche vers l’indépendance enclenchée par la majorité nationaliste du Parlement catalan il y a 18 mois. Cette majorité, confortée lors du vote du budget, a ainsi annoncé un referendum d’autodétermination pour l’automne prochain.
Dans un cas comme dans l’autre que peut-il se passer ? En Écosse, l’Union Européenne sera bien obligée de reconnaître les siens, c’est à dire le peuple écossais qui a voté à 62% en faveur de l’Europe.
En Catalogne, l’indépendance catalane fait son chemin. Une force comme Podemos, dont la mairesse de Barcelona Ada Colau, a fait connaître sa totale opposition à la décision du Tribunal Constitutionnel espagnol, et déclaré que nul ne saurait renier le choix démocratique du peuple catalan s’il est valablement effectué. La position officielle du parti de gauche en faveur du « droit de décider » pour la Catalogne fissure le front anti-catalan à Madrid. A Barcelone, la majorité nationaliste met en place des institutions parallèles à celles de l’État, pour collecter l’impôt, ou pour la sécurité sociale, qui seront actionnées dès l’instant que le résultat du referendum sera acquis. En septembre 2017, si le oui l’emporte, la Catalogne entamera de facto sa séparation avec Madrid.
A Édimbourg, en positionnant le referendum juste avant que le Brexit n’entre dans les faits, l’Écosse veut anticiper la sortie du Royaume Uni et rester européenne. Après s’être heurtée à un « mur d’intransigeance » du côté de Londres, Édimbourg a choisi d’enclencher cette procédure de rupture qui, si le oui l’emporte, conduira à une indépendance de l’Écosse et à son maintien dans l’Union Européenne quand le Royaume Uni va la quitter.
Les deux processus n’iront pas sans tension, Madrid et Londres ayant annoncé leur volonté de s’opposer à ces consultations. Et se pose bien sûr la question de l’issue du vote. En Écosse le « no » l’avait emporté en 2014, et la remontée du «yes » dans les sondages n’est pas encore suffisante. En Catalogne, les partis nationalistes ont obtenu une majorité de sièges au Parlement, avec un total de voix de 48%.
Mais la campagne est lancée, et le peuple catalan comme le peuple écossais sont désormais placés face à l’Histoire.
François ALFONSI