par François Alfonsi
Les soutiens de Gilles Simeoni sont nombreux et forts dans la société corse. En témoignent aussi bien le succès de la rentrée politique de Femu a Corsica à Aleria le 3 septembre dernier que le déroulement de la visite préparatoire de Gérald Darmanin, prélude à celle annoncée pour la fin du mois du Président de la République Emmanuel Macron. Mais Gilles Simeoni est aussi la cible de nombreuses attaques, de plus en plus virulentes.
Devant les maires rassemblés, le ministre de l’Intérieur a pu constater à quel point ces élus, dans leur diversité, faisaient corps avec la démarche d’autonomie menée par l’Exécutif de Corse. D’aucuns espéraient que les voix discordantes seraient nombreuses, prenant appui sur l’opposition affichée du Sénateur de la Corse du Sud, Jean Jacques Panunzi, ou se laissant entraîner par les caciques de l’ancienne majorité, tels Paul Marie Bartoli à Prupià ou Ange Santini à Calvi.
Ces trois « ténors » de la politique insulaire ont été bien seuls à entonner le refrain du soutien à la position « ultra-light » défendue par le groupe de droite de l’Assemblée de Corse, qui voudrait réduire la réforme constitutionnelle annoncée au remake « d’une autonomie de façade », sous le contrôle direct du Parlement français, sans autre pouvoir que celui d’attendre le bon vouloir de Paris.
Cette position n’a visiblement fédéré personne, et son rejet massif par l’Assemblée de Corse n’a fait l’objet d’aucune sorte de réserve. S’il persistait à s’appuyer sur ces élus minoritaires, le gouvernement irait droit à l’échec. Mais les jeux ne sont pas faits et les tractations vont aller bon train.
Sur l’autre flanc de l’échiquier politique, parmi les nationalistes « radicaux », les positions se raidissent et expriment de plus en plus de critiques.
L’éditorial du dernier numéro paru du Ribombu dépasse même les bornes du « patriotiquement correct ». Appuyant son propos d’un montage photographique montrant Gilles Simeoni cinglé d’une écharpe tricolore, il l’accuse d’avoir amalgamé banditisme et clandestinité pour avoir déclaré au Monde, en réponse au journaliste Jacques Follorou, « l’installation sur l’île de voyous au début des années 80, ainsi que la clandestinité nationaliste, ont été des éléments de déstructuration ».
Le FLNC des affrontements fratricides des années 90 n’a-t-il pas été un « élément de déstructuration » de la société corse, au point qu’il a fallu aller jusqu’à la signature des accords de Migliacciaru pour les arrêter ? S’est-il cumulé avec le banditisme dont la Brise de Mer était alors l’expression principale ? Affirmer qu’ils ont été concomitants n’est pas les assimiler l’un et l’autre ! Mais la rédaction du Ribombu renchérit : « ce propos tend à criminaliser le mouvement national et la lutte armée » et il dénonce ensuite « un nouvel acte de reniement et d’alignement sur les lignes rouges (posées par l’État) ».
Dans le collimateur de cet édito au vitriol, il y a donc la perspective d’un accord avec l’État sur un statut d’autonomie. Quel qu’il soit, il sera négatif aux yeux de cette fraction du mouvement national, qui renoue ainsi avec la tradition de 1982 quand la première campagne électorale de l’Assemblée de Corse avait été dénoncée par le fameux slogan « a Tràppula ».
Sauf qu’aujourd’hui, la mise en place par François Mitterrand de la première Assemblée de Corse est unanimement saluée comme une victoire du mouvement national, dont les tenants de la lutte de libération nationale s’attribuent bien souvent le mérite principal, évoquant l’action des « patriotes qui ont payé le prix fort ».
Dans la négociation qui se joue avec l’État, certains semblent avoir d’ores et déjà décidé de jouer la carte de la surenchère. En fait, aucune attitude a priori ne doit se substituer à l’analyse qu’il faudra faire, texte en main, du résultat de la négociation en cours. Pour décider ensuite si, oui ou non, il représente une avancée pour le peuple corse. •