PLU, Padduc

Les enjeux des nouveaux documents d’urbanisme

Lotissements « les pieds dans l’eau » à Santa-Maria-Poghju.

Il y avait dans la plupart des communes les POS, et a fortiori les cartes communales, des documents d’urbanisme conçus il y a vingt ou trente ans avec deux schémas qui sont toujours dans toutes les têtes, celui du lotissement «maison Phénix » dans les zones périurbaines, et celui du lotissement « vue sur la mer » dans les zones touristiques. Au 27 mars 2017, tous ces documents deviennent obsolètes.

 

Car ces schémas urbanistiques du passé ont conduit à des situations «non soutenables » pour la société.

Lotissement après lotissement, les plus belles terres agricoles disparaissent. La ville au sens large est devenue ingérable avec une démultiplication des kilomètres de voirie, de tout à l’égout, de circuits de collecte des OM, avec des maisons éloignées sous la menace des incendies ou des cambriolages, avec le recours systématique à la voiture pour tous les déplacements urbains, synonyme de pollution et d’embouteillages.

Dans les zones touristiques, le mitage du paysage par des villas pieds dans l’eau ou perchées sur les collines a fini par menacer l’essentiel, la beauté des espaces remarquables qui font la renommée, et donc l’attractivité des sites. Ainsi, la spéculation vient tuer la « poule aux œufs d’or », et l’économie touristique elle-même finit par fuir la bétonisation. Le spéculateur s’est enrichi, mais le territoire a fini par ruiner son potentiel économique.

Pour en finir avec ces dérives, il fallait changer les principes d’urbanisme, revenir à une conception de la ville dont la croissance se fait par densification de l’espace urbanisé, en bloquant son extension démesurée, en revitalisant ses centres villes.

Même objectif dans les zones à potentiel de développement touristique : bloquer le mitage, et densifier l’espace urbanisé.

 

Pour réaliser cette transition qui s’annonce brutale pour beaucoup de propriétaires et d’élus habitués à des documents d’urbanisme permissifs, la loi a annulé les POS existants à compter de mars 2017. Chacun est renvoyé désormais au Règlement National d’Urbanisme (RNU) qui est tenu par un principe : n’est constructible que ce qui est en zone déjà construite. Pour sortir du RNU et obtenir la constructibilité de nouveaux espaces, il faudra produire un nouveau PLU. Mais le Plan Local d’Urbanisme, contrairement aux documents d’urbanisme anciens, devra proposer une planification « fonctionnelle » où la constructibilité n’est pas un droit abstrait, mais une réalité prévisible.

Leur durée sera courte (moins de dix ans entre deux révisions), et de nouveaux espaces ne pourront être ouverts à l’urbanisation que s’ils répondent à des besoins identifiés, définis le plus souvent par extrapolation des tendances observées durant les années qui ont précédé. Pour aller plus loin que ce que l’évolution démographique demande, il faudra le justifier de façon argumentée.

D’autre part, durant trois années encore pour les communes qui ont délibéré dans ce sens, le PLU reste une compétence communale. À partir de 2020, quand auront eu lieu les élections des nouveaux conseils municipaux, ce sont les intercommunalités qui réaliseront les PLU. Or la plupart de ces intercommunalités sont balbutiantes, notamment dans le rural, avec des territoires immenses, et leur aptitude à en appréhender l’aménagement prendra souvent des années. Pour beaucoup de communes, le challenge c’est un PLU approuvé avant trois ans, ou le RNU comme seule perspective pendant dix ans, ou même davantage.

Dans le cas de la Corse, la transition est facilitée par l’existence du Padduc. Ce document, approuvé désormais, donne un cadre précis aux documents d’urbanisme, selon les principes de préservation des espaces agricoles et de protection des sites, avec une cartographie générale dans laquelle les PLU de chaque commune devront s’inscrire.

La compatibilité avec le Padduc est donc le seul chemin pour arriver à doter les communes corses de documents d’urbanisme cohérents dans le délai de trois années qui court désormais.

 

Pour beaucoup d’élus, soumis aux pressions et demandes « à l’ancienne » d’administrés qui veulent obtenir des constructibilités désormais inaccessibles, la tentation est grande de verser dans la surenchère. Ils y sont même encouragés par des manœuvres politiciennes comme celle de l’Association des Maires de Corse du Sud qui veut clouer le Padduc, et l’Agence de l’Aménagement durable, de l’Urbanisme et de l’Energie (AUE) qui a la responsabilité de sa mise en œuvrer, au pilori.

Mais cette démagogie mène en fait à l’immobilisme: les maires qui auront bâti leur projets de PLU en suivant de tels conseils finiront devant les tribunaux administratifs et les PLU ainsi conçus seront annulés. Ensuite ce sera l’attente d’un PLU intercommunal… et, pendant ce temps, le RNU comme seul cadre pour les permis de construire. À vouloir suivre les tenants de la surenchère, ils auront fini par se bloquer eux-mêmes.

François Alfonsi, Maire d’Osani.

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