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Je suis nationaliste corse

Max Simeoni
Max Simeoni
Parmi les éditoriaux de Max Simeoni, celui signé Arritti pour éviter des poursuites, le 19 août 1973, est le plus célèbre. Le titre, illustré de l’image de Pasquale Paoli, l’affirmation nationaliste, la référence à Ponte Novu et à l’indispensable besoin de réparation, feront date. Son analyse est même prémonitoire deux ans avant les événements d’Aleria, lorsqu’il interroge dans son appel à l’ouverture : « L’État français sera-t-il assez lucide pour faire l’effort nécessaire ou, d’hésitations en erreurs et en calculs de mauvaise foi, sera-t-il tenté par les solutions de force ? »
L’ensemble du texte est d’une grande pertinence encore aujourd’hui, dans le contexte d’une reconnaissance que l’État ne semble toujours pas prêt à accorder…

 

 

Je suis nationaliste corse

par Max Simeoni

 

Je suis nationaliste corse. J’ai le sentiment d’appartenir à un peuple qui a un territoire, une histoire, une langue. Je suis en alerte, mobilisé parce que mon peuple est en danger. Il est menacé de disparition à brève échéance. L’agonie qui le guette est sans gloire et sans phrases. Je cherche à recruter pour sa défense tous ceux qui portent en eux, consciemment ou non, les mêmes et profondes aspirations.

Mon peuple est un petit peuple qui ne menace personne d’impérialisme. Il ne peut que se défendre. De nature hospitalière, il est prêt à recevoir toute aide d’où qu’elle vienne pourvu qu’elle soit amicale et désintéressée. Il a toujours su faire face, lorsque les dangers se sont manifestés, au cours des âges, d’une façon claire. Il a plié quand il ne pouvait faire autrement mais il a ressurgi plein de rage dès que l’occasion le permettait au cours des siècles. Sa tragique histoire est bien la mienne et j’en revis les épisodes comme autant de souvenirs personnels.

Aujourd’hui, le destin a placé mon peuple dans une situation pernicieuse. Point d’ennemis casqués, bardés de fer, plein de morgue. Des sourires mielleux, des conseils, des admonestations, des plans, des technocrates, toute une armée de faux-amis prudents et cauteleux qui lui demandent d’accepter la morphine, de « se laisser faire ».

Tout se passe comme si la Force Brutale et cynique qui a voulu constamment l’asservir ou le faire disparaître avait échoué dans ses milliers de tentatives au cours des millénaires et que les puissances du mal, qui s’acharnaient à sa perte, tentaient la dernière phase par une approche sournoise.

Ultime et terrible épisode mais qui fera la preuve, s’il en réchappe, que le peuple corse est digne d’être immortel.

Comme un être vivant, il a des qualités, des défauts, des erreurs, des contradictions. Mais comme tout ce qui vit il a droit au respect et à la vie. Chacun de nous qui sommes ses descendants naturels ou spirituels, se doit de l’assumer tout entier. Tel qu’il est, il est à prendre ou à laisser. L’héritage est indivisible. Il ne peut pas être morcelé même si certaines choses déplaisent à nos goûts personnels. Mais, héritiers légitimes et fiers que nous sommes, nous avons le droit de rêver pour lui à un certain avenir. Chacun d’entre nous est le peuple corse d’aujourd’hui et si cela commence par cet héritage, nous contribuons à faire et nous faisons souvent sans le savoir, l’histoire du peuple corse de demain. Nous sommes un maillon. Notre principale raison d’être est que la chaîne continue. C’est une mission.

– Ce petit peuple pour son droit à la vie, ne peut compter que sur ses propres enfants éparpillés qui doivent se retrouver et se regrouper. La grande quête a commencé.

– Ce petit peuple doit demander au peuple français de disculper le sanglant malentendu de Ponte Novu dont il a été la victime agressée. Le peuple français lui doit réparation. Il sait que ce qui est en cause dans ce différend ce n’est pas le peuple français en tant que tel mais ses institutions qui l’ignorent délibérément et ne peuvent le considérer que sous l’aspect injurieux du folklore.

Mais le résultat est le même que celui vers lequel ont toujours tendu tous les envahisseurs. Il le place en situation coloniale dégradante et mortelle à terme. Ce terme s’approche rapidement.

– L’ÉTAT-NATION FRANCE doit donc réparer Ponte Novu, reconnaître le peuple corse et lui donner des garanties pour son avenir.

– L’ARC vient de choisir l’Autonomie Interne avec d’autres mouvements. Cette formule lui apparaît comme la moins mauvaise pour poser le problème dans le cadre français. L’autonomie ne résoudra pas tous les problèmes. Pour les peuples rien n’est résolu définitivement. L’histoire d’un peuple ne peut pas s’arrêter si ce n’est par la mort. L’Autonomie doit permettre d’inverser le sens de la direction fatale et de reprendre celle de la vie du peuple corse.

Ce peuple se réveille et commence à se dresser. Il est de plus en plus sensible et attentif à la bonne parole : celle qui insuffle la foi et l’espérance. L’État français sera-t-il assez lucide pour faire l’effort nécessaire ou, d’hésitations en erreurs et en calculs de mauvaise foi, sera-t-il tenté par les solutions de force ?

Les choses sont telles que cette épreuve de force ne pourra jamais être camouflée. Si elle s’engage un jour, elle apparaîtra en pleine lumière malgré tous les alibis fabriqués. Les temps de Choiseul sont révolus.

L’ARC est prête à toutes les ouvertures, mais aussi à toutes les fermetures et à tous les combats même les plus sauvages, consciente qu’elle est que l’enjeu est la dignité, l’honneur et la survie du peuple corse. •