La perspective que 2024 soit l’année de l’autonomie pour la Corse a été tracée par Gilles Simeoni lors de la traditionnelle cérémonie des vœux, le soir du Nouvel An : « Initié en mars 2022, au lendemain de l’assassinat d’Yvan Colonna, le processus entre la Corse et l’État doit déboucher sur une réforme constitutionnelle avant la fin de l’année ; (il) doit permettre la mise en œuvre d’un statut d’autonomie et d’une solution politique globale ».
Le propos du président du Conseil Exécutif de la Corse a ainsi levé le voile sur les dernières évolutions des discussions en cours qui permettent « d’espérer de nombreux points de convergence et un accord politique très large, aussi bien sur le projet de titre ou d’article consacré à la Corse dans la Constitution, que sur l’armature de la future loi organique ».
Puis il a tracé le calendrier de cette réforme : délibérations séparées du Sénat et de l’Assemblée Nationale avant l’été 2024, réunion du Congrès à l’automne, puis referendum en Corse avant la fin de l’année.
On peut penser que ses propos ont été pesés, et qu’ils résultent d’engagements explicitement reçus même s’ils ne sont pas encore finalisés par des décisions formalisées.
L’année 2024 sera donc, potentiellement, l’année de l’autonomie de la Corse.
Car, cette perspective étant tracée, il restera le chemin à parcourir et son lot d’incertitudes. Quand et comment sera fixé le texte précis de la réforme constitutionnelle ? S’agira-t-il d’un titre spécifique à la Corse, comme cela existe pour la Nouvelle Calédonie, et comme l’a demandé l’Assemblée de Corse ? Ou plus vraisemblablement d’un article de la Constitution comme le laisse supposer la formulation du discours de Gilles Simeoni ? Et quelles réactions cette forme finale provoquera-t-elle ?
Côté nationaliste, la délibération du 5 juillet 2023 a été votée par tous les nationalistes, à l’exception de Corsica Lìbera. Cette mise en retrait ostensible dès le commencement de la négociation laisse présager une éventuelle opposition au texte final. Mais une fois l’autonomie de la Corse votée par le Parlement français en Congrès puis approuvée par referendum en Corse, les choses pourront évoluer, d’autant que le programme de Pè a Corsica en 2017, dont Corsica Lìbera a été signataire, admet explicitement l’objectif d’une autonomie pour la Corse. Probablement, comme après 1982 et le vote du premier statut particulier, passées les premières réticences, le mouvement nationaliste corse dans son ensemble finira par considérer l’accord final comme une avancée, tout en poursuivant ses objectifs de long terme.
Les opposants à l’autonomie de la Corse dans l’autre partie de l’échiquier politique insulaire ne pourront pas eux non plus se radicaliser à l’infini, et les rodomontades du sénateur Jean Jacques Panunzi auront beaucoup moins de force que celles formulées dans les années 80 par les Zuccarelli/Rocca Serra. Le « train de l’Histoire », celui de l’évolution institutionnelle de la Corse, n’a jamais fait marche arrière ! N’en déplaise à nos adversaires historiques les plus acharnés.
En fait l’avenir du processus ne dépendra pas vraiment de ses opposants, d’un bord ou d’un autre, mais de son ambition. Si elle est suffisante, il sera soutenu, et le peuple corse fera un grand pas pour son avenir. Deux dossiers vont éclairer ce niveau d’ambition : celui de la langue corse, et celui de la Terre et de la lutte contre la spéculation. L’État doit impérativement les prendre en considération, particulièrement celui de la langue qui reste bloqué par un archaïsme constitutionnel français qui n’a cours nulle part ailleurs en Europe.
En plaçant l’avenir du processus d’autonomie au cœur de son discours de vœux pour 2024, Gilles Simeoni a exprimé sa confiance dans le dialogue engagé, et dans le peuple corse pour faire preuve de lucidité au moment décisif.
Nos vœux pour 2024 l’accompagnent : Pace, Salute è Autunumìa ! •