Max, comme son frère Edmond Simeoni, disait préférer la démocratie à l’autonomie, s’il avait à faire un choix. Car une réelle approche démocratique amènerait de toutes façons à un vrai statut d’autonomie. Ne simu sempre quì. Cet éditorial du 23 juin 1993 est d’une acuité stupéfiante. Le vœu d’Arritti est que chaque Corse, particulièrement chaque nationaliste, puisse s’en inspirer et ne jamais s’en défaire.
De Pasquale Paoli à aujourd’hui, un seul impératif : la démocratie !
par Max Simeoni
Nous savons tous que la solution du problème corse ne viendra pas d’un seul coup, livrée comme une usine « clefs en main ».
Il reste impérieux de contenir et si possible de faire reculer le système clan/colonialisme qui tue le peuple corse. Lui opposer résistance permet de gagner du temps sans rien résoudre et fléchir amène une reprise du processus mortel. Cet effort statique contre le système n’empêche pas la détérioration qui continue au ralenti, mais qui continue. Il faut un basculement un jour.
Autre évidence : l’alternative salvatrice ne peut venir que du peuple corse, lui seul détient la force de l’Histoire.
La conjugaison de ces évidences permet de dégager un principe d’action stratégique : résister, bien résister certes, mais encore plus aider à la prise de conscience claire de la menace, convaincre que les solutions sont celles proposées par les nationalistes.
La résistance ne doit jamais gêner la prise de conscience, la troubler.
Le choix de l’opportunité des moyens, la pédagogie des actions sont primordiales. L’effort en ce sens doit être considérable, compte tenu aussi de la désinformation ambiante qu’il ne faut pas commencer par aider.
De bonnes solutions logiques, justes, techniquement au point, et attendre sans résister revient à se bercer d’illusion, à attendre que le système cynique et injuste s’auto-réforme. Le rapport de forces – encore faut-il s’entendre sur ce terme qui n’est pas uniquement synonyme de violence – est obligatoire. Quelle que soit la prudence, résister aux lois établies par le système, revient à prendre le risque de se mettre plus ou moins « hors la loi », un jour ou l’autre.
Improviser, faire n’importe quoi, des formes de résistance incomprises, qui ne sont pas en rapport avec la prise de conscience du moment, avec son degré qui varie suivant les secteurs, les âges, les lieux, a pour effet de retarder cette prise de conscience, de provoquer le rejet et d’entraver la lutte d’émancipation elle-même.
Se dire qu’on lutte contre l’injustice, contre l’intolérable et qu’il suffit de préparer la foudre et d’en faire usage à tort et à travers, est une vue simpliste de celui qui n’a pas compris que seul un peuple a la capacité historique de changer son destin.
Une avant-garde élitiste, révolutionnaire ou non, n’y peut rien.
Elle ne peut qu’aider sans se substituer au peuple. Pour être en étant de le faire, elle doit obtenir sa confiance. La confiance ne peut pas exister en dehors d’une conscience claire des enjeux et des objectifs. Aussi, il est évident que le combat pour la démocratie réelle est le combat primordial, central. Dire que puisque la démocratie n’existe pas en Corse, il faut abattre le système et elle sera instaurée après est faux ! on ne peut pas y parvenir. L’Histoire en témoigne. Il convient de créer et d’agrandir des espaces de liberté, de conscience et de démocratie. Il faut avoir le souci de transformer tous les acquis arrachés par la lutte en plus-values démocratiques pour en augmenter le potentiel au point d’atteindre le seuil critique où la réaction en chaîne démocratique déflagre et détruise ce qui reste de l’édifice colonial.
Pour les acteurs, la perception de ce seuil fait le problème.
Certains considèreront qu’il est atteint et d’autres qu’on en est bien loin. D’où les divergences stratégiques et tactiques.
Tout pesé, pour ma part, je veux privilégier l’action démocratique. Je pense qu’il faut au moins éliminer dans l’action et la présentation tout ce qui de près ou de loin porte le moindre ombrage.
Je considère l’action démocratique comme nécessaire à l’efficacité ou plutôt, qu’il ne peut y avoir d’efficacité sans elle.
Je la considère comme la seule garantie d’avenir de notre cause.
Elle est aux antipodes de la facilité et du confort. Elle nécessite intelligence, transparence, vigilance, rigueur, ténacité et… modestie. Elle est le but et le moyen de la révolution corse comme elle l’a été sous Pasquale Paoli. Elle a besoin de sacrifices et n’admet pas le gâchis.
Est-elle compatible avec une démarche à petit pas, avec une négociation réaliste avec le pouvoir central ? Peu importe ! Car là n’est pas le problème central. C’est tout au plus une question tactique.
Le problème est qu’il faut faire battre le cœur des Corses à l’unisson pour que le peuple corse continue d’exister et puisse vivre. •