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Démocratie et nationalisme

Max Simeoni
Max Simeoni
Le 11 décembre 2014, à la veille de la prise de responsabilité historique des nationalistes à l’Assemblée de Corse, toujours les mêmes analyses que Max Simeoni rabâcherait sans doute encore aujourd’hui au vu d’un nationalisme divisé et prêt à retomber dans les mêmes travers.

 

Démocratie et nationalisme

par Max Simeoni

 

 

Le défi « natio » est d’amener l’État jacobin à reconnaître de juré le peuple corse et les droits qui en découlent pour qu’il maîtrise au mieux son destin. Un défi historique ardu qui dépasse les limites des enjeux politiciens du moment.

 

La voie de la clandestinité hégémonique armée est rejetée car elle s’inscrit dans l’escalade d’une logique de guerre des années durant, voire des décades.

Démographie faible du peuple corse, et liens tissés par certaines valeurs démocratiques non jacobines et par la diaspora, excluent cette voie même si des violences ponctuelles n’ont pas pu être évitées et sans doute ne pourront pas l’être suite à des manœuvres ou des provocations de l’État quand il cherche à annihiler les acquis de la lutte d’émancipation. Les « natios » peuvent être conduits à l’illégalité pour ne pas reculer et compromettre la suite. En cas d’affrontements la majorité des Corses devront avoir compris pour soutenir cette illégalité qui s’oppose à l’injustice. Aleria (en 1975) en est le cas d’école. À l’époque, les « natios » de l’ARC avaient largement dénoncé la politique de la Somivac et la collusion du pouvoir complice pour le non-respect des quotas des plantations en vigne et du sucrage industriel du vin « chimique » des trafiquants. Le soutien massif populaire a été immédiat. Les producteurs corses ou « honnêtes », le terrain spéculatif déblayé, ont pu refaire des vins de qualité de réputation.

Le dossier « vinasse » avec son épilogue « Cour de Sûreté de l’État » a fait croître une conscience du peuple chloroformée au-delà du seul enjeu économique. 40 ans après, elle n’est pas complète même si bon nombre d’acquis, mais insuffisants, ont été arrachés. Les trois statuts (Deferre, Joxe, Matignon) ont progressé tous les dix ans environ, mais restent en dessous du seuil d’efficacité, pour assurer la survie du peuple corse sur son territoire. Oui, survie.

 

Un quatrième statut est en gestation. Sa grande nouveauté est que le projet est par la CTC à la demande du Président de la République. Il a fallu quatre années de labeur sous la houlette ferme et habile de Maria Guidicelli et de Pierre Chaubon pour dégager un « consensus ». Un pas de plus mais encore du chemin pour atteindre une autonomie qui donne la reconnaissance du peuple corse et les moyens de maîtriser le plus possible sa destinée.

L’espace d’action pour les « natios » s’est agrandi. Présents dans les institutions, ils sont difficiles à « squizer » comme en 1992 quand « droite » et « gauche » s’étaient unis dans un « pacte républicain » pour leur barrer la route. Le statut issu du « consensus » va être recadré par le pouvoir avant ou après 2017. Le pouvoir « socialiste » refuse les positions minimales sans lesquelles les « natios » ne peuvent poursuivre le « consensus ». L’état de la politique insulaire leur est plutôt favorable. Une gauche Renucci à Aiacciu qui a du mal à se regrouper après avoir, tribunal aidant, obligé la droite Marcangeli à rejouer la partie des municipales (O m… a baretta « rossa » !) et qui n’avait qu’une poignée de bulletins d’avance. De l’élan offensif, à la guerre de tranchées.

Une gauche bastiaise éclatée par une dissidence du PRG soutenue par les « socialistes » locaux bastiais sans passeport parisien, une branche « héritière » qui doit éviter la marginalisation en collant autant que possible à l’Exécutif et flanquée des communistes qui enfourchent la défense de la Sncm dont personne ne veut plus par la lassitude des grèves même si le risque des emplois est un frein à un rejet catégorique définitif.

Quant à la droite bastiaise, elle s’enfonce dans un coma profond. Les structures clanistes sont déglinguées, soit. Dans ces conditions l’immobilier spéculatif prospère et avec lui avant la transition du clan clientéliste vers le clan plus ou moins mafieux….

 

L’action par la violence politique organisée est exclue, l’action électorale incertaine est obligatoire et pleine de pièges.

Problème du choix des alliances au 2e et 3e tours, concession à faire, garanties à détenir pour qu’elles ne soient pas un marché de dupes, équilibre entre organisations « natios », gestion des égos en interne de chacune d’entre elles pour la course aux places éligibles. Et évidemment vigilance pour neutraliser les manœuvres du pouvoir central jouant sur ces contradictions sans risque.

Ce pouvoir central dans une situation de « crise » ne pouvant que se raidir ou tergiverser plutôt que de saisir le « problème corse » à bras le corps. Il ne résout rien sur le fond mais nous avons beaucoup à perdre s’il nous fait traîner en longueur. Si nous disposions d’une force politique populaire suffisante, ce serait exactement le contraire.

Les élections territoriales vont définir nos actions possibles pour six ans. Y aura-t-il une majorité pour la réforme ? Des regroupements positifs pour le 2e et 3e tours ? Au premier tour, la course est individuelle pour les partis politiques. Discours dosés pour rassurer les militants et pour gagner au-delà. Discours à interprétation à choix multiples possibles pour séduire. Le chiffre d’électeurs pour légitimer l’idée tout en augmentant le poids de la liste pour assurer la suite des parts de pouvoir. Des promesses pour plus d’emplois ? Convaincre de sa « sincère » solidarité pour le nombre des précaires qui croit ?

 

Les « natios » ne peuvent faire mieux que dans la transparence, ils n’ont pas de solutions immédiates. Elles passent par un développement durable qui a comme préalable absolu de changer de système, le système des jacobins, pour une autonomie pour le peuple corse reconnu dans ses droits.

Le combat pour cette idée d’autonomie ne peut se percevoir que si la démocratie gagne. Elle précède pour ouvrir le chemin. Elle se réalise à chaque instant. Un contre poison et un carburant efficaces. •