Ce 2 mars était le triste anniversaire de l’ignoble agression qui a coûté la vie à Yvan Colonna en prison. Il s’est éteint 19 jours plus tard après une cruelle agonie où pendant que certains, complices directs ou indirects, se réjouissaient, les siens et la Corse souffraient sa disparition dans des révoltes de rues qui ont conduit à l’ouverture du processus de Beauvau. Ironie du sort pour celui qui quelques temps auparavant avait déclaré confiant « on va se réveiller »… convaincu de l’obtention d’une autonomie et même de l’indépendance « un jour oui, on l’aura tu verras » avait-il dit à un ami détenu basque. Lui qui aurait dû rentrer en Corse depuis longtemps, pour y être détenu à Borgu dans l’attente de sa libération au terme de trop longues années de prison à clamer son innocence…
Deux ans plus tard, nous restons avec nos questions. Pourquoi son assassin, Franck Elong Abé avait-il été maintenu en détention classique, malgré les nombreuses agressions et alertes qui auraient dû entraîner un traitement carcéral drastique ? Pourquoi a-t-il obtenu un travail rémunéré lui permettant de circuler plus librement en prison alors qu’il aurait dû être placé en isolement ? Pourquoi n’a-t-il pas été soumis au Quartier d’évaluation de la radicalisation afin de mieux traiter son cas ? Pourquoi s’est-il retrouvé seul en présence d’Yvan Colonna le 2 mars 2022 dans cette maudite salle de sport de la prison d’Arles, alors que le nettoyage est interdit en présence d’un détenu ? Comment deux détenus particulièrement signalés (DPS), qui plus est aux profils si opposés, pouvaient-ils se côtoyer dans la prison la plus surveillée de France ? Comment des caméras de surveillance dans la prison qui accueille les détenus les plus dangereux de France peuvent-elles être défectueuses, mal paramétrées, et les agents non formés à leur utilisation ? Pourquoi l’agent affecté à la surveillance dans l’aile où se situe la salle de sport s’est-il absenté ? Pourquoi ne sait-on pas où il est allé ? Comment les vidéos qui aurait pu le dévoiler ont-elles pu être détruites selon le syndicat du surveillant ? Pourquoi la surveillance d’Elong Abé n’a-t-elle pas été renforcée après qu’une surveillante l’ait entendu la veille de l’agression prononcer la phrase « je vais le tuer » à propos vraisemblablement d’Yvan Colonna ? Pourquoi cela n’a-t-il pas été consigné, tout comme le fait qu’il s’était employé à nettoyer sa cellule comme s’il s’attendait à un transfert après probablement son méfait ? Y a-t-il eu effacement de données sur le fichier Genesis de contrôle quotidien des détenus ? Comment accepter que Franck Elong Abé ait pu s’acharner sur sa victime durant 9 longues minutes sans aucune intervention de la prison, alors que des cris étaient perceptibles dans la salle commune voisine ?
Franck Elong Abé a-t-il bénéficié d’une complicité de fait lui permettant d’agir ? N’y a-t-il pas aussi une responsabilité politique dans l’assassinat du fait du refus obstiné de lever son statut DPS qui lui aurait permis d’échapper à son agresseur ? Où en est l’enquête de la police ? Comment rester sans réponse claire à toutes ces interrogations ?
Vulemu Ghjustizia è Verità. •
F.G.
* À propos du rapport d’enquête de la Commission parlementaire sur l’assassinat d’Yvan Colonna :
https://arritti.corsica/pulitica-2/amnistia/les-recommandations/