U 17 di maghju 2013, l’Assemblea di Corsica vutava à favore di a cuufficialità di a lingua corsa. « Pensu ch’avemu fattu qualcosa di bè » dicìa u presidente di l’Assemblea à l’épica, Dumènicu Bucchini. L’essenziale era fattu, cunvince i Corsi ! Màssimu Simeoni scrivìa st’edituriale nant’à Arritti u 23 di maghju. Ricunniscenza è mezi da mette in ballu sò indispensèvuli à a salvezza è à u spannamentu di a nostra lingua. « Lanternà, aspettà ch’ellu maturisci Parigi, hè culpèvule è un illusione » dicìa Max. À noi dinù di fà ciò chì ci vole soprapiazza invece di bramà pudè solu scambià Parigi.
La portée du vote pour la coofficialité
par Max Simeoni
Le vote pour la coofficialité est important. Il n’est que le début d’une marche longue et difficile. Il est l’aboutissement d’un large débat public entre élus et ceux qui sont concernés comme associatifs, enseignants, universitaires… On a déjà eu des votes un peu à l’emporte pièce pour la langue et le « peuple corse », sans lendemain. Le stade de l’inutilité de cette langue, de la confier au bon vouloir du milieu familial ou à une option facultative à l’école, est dépassé. Tous admettent qu’elle a besoin d’une prise en compte sérieuse pour éviter sa disparition.
À certains le « bilinguisme » paraît suffisant. Leurs arguments sont indirects : «… La coofficialité nécessite une révision de la Constitution, le gouvernement ne veut pas d’un Congrès à Versailles où d’ailleurs il n’a pas la majorité des 3/5e nécessaire… Elle peut être discriminatoire, elle peut nuire aux carrières… Il y a des problèmes plus graves comme l’emploi, le pouvoir d’achat, la précarité, la santé… », etc. Ils ont été 11 à ne pas participer au vote et 4 absents (volontaires ?).
Les « natios » ont dû accepter quelques amendements de certains élus de gauche. Les 36 voix pour la coofficialité acquises, applaudissements et embrassades ont marqué la fin du suspens et ont signé une volonté commune, même si beaucoup « d’heureux » étaient conscients que la 2e phase décisive, la révision de la Constitution, était l’obstacle le plus difficile à franchir. Sans ce préalable de vote démocratique, la possibilité de pouvoir affronter la 2e phase aurait été pratiquement impossible. L’unanimité aurait été certes préférable. Cependant, aucun élu n’a voulu, ou pu, aller contre et tous ont marqué leur attachement à la langue corse.
Au cas où le pouvoir refuse la révision de la Constitution, ou si le Congrès réuni la rejette dans le cadre de certaines dispositions relatives aux lois de décentralisation, les 36 pourront-ils garder le cap pour obtenir un jour la coofficialité ? Ce front uni le restera-t-il ?
Le refus étatique peut permettre aux minoritaires d’aujourd’hui de dire qu’ils avaient raison et que leur bilinguisme était la seule possibilité réaliste et raisonnable. Tous les muets à ce jour donneraient de la voix. La passion des 36 va de pair avec « la science » linguistique comme l’a fait remarquer Jean Martin Mondoloni de la nouvelle droite à l’émission « Cuntrastu » de dimanche. Seule la coofficialité permet un vrai bilinguisme en mettant les deux langues à égalité de droit, et en donnant les moyens de rétablir la langue corse en difficulté du fait d’un monolinguisme imposé officiellement. Le débat pourrait revenir entaché du défaitisme de quelques-uns rebaptisé réalisme. Des opportunismes électoraux ou divers pourraient inciter d’autres à délaisser le cheval de la coofficialité. Sur un parcours long, et sûrement plein de pièges, tout peut advenir. Raison de plus pour battre le fer quand il est chaud et mobiliser la vigilance.
Le gouvernement est hostile. Comme la droite hier, il dit vouloir le développement économique de l’île, promesse usée par un usage de 250 ans de République avec comme seul résultat le non-développement chronique et de nos jours la curée sur les sites.
Ce combat pour la préservation de la terre fait corps avec celui de la langue. Ils sont indissociables et nécessaires à la survie du peuple corse.
Pour la langue, le moyen de la « coofficialité » a été connu et compris car il existe presque de partout en Europe. La difficulté tient dans le fait que la République jacobine n’en veut pas. Mondoloni déclare qu’il est pour une République de la diversité. L’ennui est qu’elle n’existe pas et qu’il faudrait changer de Constitution complètement. Or pour sauver les meubles de la langue, il faut malgré tout cela, la coofficialité. Cela reste identique pour tous les problèmes, puisqu’il existe un peuple corse, et ils y sont tous rattachés. Il faut les moyens pour les traiter : la reconnaissance du peuple corse et l’autonomie interne. Ce qui est encore une fois incompatible avec cette République pour laquelle il ne saurait exister aucun peuple autre qu’un peuple français, et que dans toute partie de la République un territoire quel qu’il soit, ne peut être qu’égalitairement français, c’est-à-dire sans aucune spécificité reconnue par la loi, y compris celle d’une île. C’est la conception jacobine en doctrine et en valeur de l’égalité.
C’est une impasse historique. Or il est vital et urgent pour la langue et le peuple corse de commencer à freiner le déclin et d’entrevoir au plus tôt de pouvoir remonter la pente longue et difficultueuse. Tergiverser, attendre que Paris mûrisse, est illusoire et coupable.
L’exemple de la langue montre qu’il faut d’abord se mettre d’accord entre Corses au-delà des clivages politiciens ou idéologiques sur l’essentiel, qui est du domaine de l’urgence et qui ne concerne que les Corses en tant que tels. Un projet et une volonté commune ne gomment pas des différences des sensibilités politiques générales. Ils sont nécessaires à un sauvetage pour la vie ou pour la fin d’une communauté historique qui a été un peuple et qui est un peuple nié, sans droit.
Il est, et ce n’est pas un paradoxe, ce projet commun de sauvetage, un premier pas vers une véritable démocratie.
Pour l’heure, un coup de chapeau à l’Exécutif de la CTC et en particulier à Pierre Ghionga, clair, ferme, persuasif et déterminé. Nous espérons beaucoup de Maria Guidicelli pour le reste à venir. Bravo aussi à Madame Santoni Brunelli, seule de son groupe.
Quant aux « natios » pour une fois en tant qu’élus, ils peuvent se sentir gratifiés par une « réussite » au service du peuple corse qui leur donnera la force d’aller jusqu’au bout de leur mission. •