Nouvel article pédagogique de Max Simeoni pour ce qui est le combat d’une vie : la reconnaissance du peuple corse et la maîtrise de son avenir par une autonomie interne. Il est écrit en 1990. On pourrait tout aussi bien aujourd’hui le débuter par « Depuis 60 ans, la filière CEDIC, ARC, APC, UPC, Femu a Corsica…. »
L’autonomie à la mode
par Max Simeoni
Depuis 26 ans, la filière CEDIC, ARC, APC et UPC a défendu l’idée, a enfoncé le clou, qu’à situation particulière, il fallait institution particulière.
L’ARC a publié « Autonomia » en 1974. Elle a dénoncé le centralisme, le clan, le système colonialiste jacobin. Elle a fait référence pour cela à l’histoire, la nôtre et celle des autres peuples, à la géographie des îles, et de nombreuses régions, à la décolonisation mondiale française et des autres, et au simple bon sens. Longue, patiente et laborieuse a été sa pédagogie et sa lutte sur le terrain. Aujourd’hui elle commence à porter ses fruits : les événements donnent raison, la proximité de 1992 a accéléré la prise de conscience. L’UPC a dénoncé, avant même qu’il ne soit appliqué, les insuffisances du Statut particulier de 82, comme aujourd’hui, elle souligne l’insuffisance de la proposition Joxe avant qu’elle ne soit officielle. En 1982, le statut aurait pu être son premier pas si les mesures d’accompagnement réclamées en vain avaient été prises. Elles consistaient à démocratiser, autrement dit à déclaniser. L’institution a été aisément récupérée par le clan et chacun connaît la suite : violence et répression…
Aujourd’hui, rebelote. La proposition Joxe est meilleure mais elle est insuffisante. Elle reste de l’autonomie de gestion. Pas de pouvoir, ni d’initiative législative. Pas d’assise juridique à la réalité Peuple Corse. C’est l’autonomie de gestion d’une région insulaire.
La loi électorale promise pour asseoir la réalité démocratique, à commencer par le suffrage universel est loin d’être promulguée (refonte des listes, contrôle des inscriptions et des procurations…) Encore cette fois-ci, les mesures d’accompagnement sont peu probables. Elles seront elles-aussi insuffisantes, le clan n’est pas en danger de fonctionnement.
Récupération de l’institution par le clan, néo-clan, temps perdu et gâchis. Se disant on nous fera le reproche de gâcher une chance qui se présente. Bref, comme en 1982-1984, on fera le reproche à l’UPC d’être en partie responsable de l’échec qu’elle avait annoncé parce qu’elle soulignait la carence et refusait de prêter la main pour n’être qu’un appoint.
Giacobbi et Rocca Serra paraissent isolés. Mais ils le paraissaient en 1982. La question réelle est de savoir si le système de clan l’est – la mode aujourd’hui est de se rallier au projet Joxe et au besoin de vocaliser avec le mot « Autonomie ».
Le PS Corse s’est déclaré pour l’Autonomie interne mais en soutenant le projet Joxe, il se contente d’Autonomie de gestion. Sacrée distorsion ! Lorsque les difficultés viendront, il aura ainsi travaillé à augmenter la confusion. À quoi sert de prendre la bonne route si c’est pour verser dans le fossé. L’UPC a encouragé le gouvernement à faire le saut qualitatif nécessaire. Force est de constater qu’elle n’y est pas parvenue. L’objectif n’est pas atteint mais l’UPC cherche à permettre de mieux réussir un autre essai qui sera obligatoire. À cet égard il n’est pas inutile de chercher à empêcher ou à encourager certains dispositifs. José Rossi mène déjà campagne tambour battant. Paul Natali et Paul Patriarche l’ont rejoint. Henri Antona s’est bien démarqué depuis un temps déjà. Il persiste et signe.
Tout cela nous réjouit. Tout cela est favorable. Mais nous ne sommes pas comme certains des sages femmes professionnelles qui assistent un Joxe qui tente de provoquer l’accouchement de la République jacobine dont le terme est dépassé. Nous sommes à l’origine de ces concepts, de cette fécondation qui commence à s’inscrire dans la réalité corse, française et européenne. Nos enjeux politiques, de mouvement ou de responsables ne sont liés qu’à la cause du Peuple corse. C’est la raison pour laquelle l’UPC est dans l’obligation astreignante d’avoir en permanence la nécessité de clarifier le débat. Ce rôle est ingrat.
Les enjeux de parti du PS n’enlèvent rien au mérite de ses militants et en particulier de sa direction corse. Mais ses limites sont claires. Et quelle singulière erreur que de croire que l’UPC n’a plus qu’à rejoindre le PS parce qu’il parle d’autonomie interne ! José Rossi a déclaré que « l’Autonomie interne ne lui faisait pas peur » mais il pousse pour l’Autonomie de gestion laquelle, avec le pouvoir concentré du président qu’il imagine, apparaît plutôt comme une entreprise attaquant le marché en termes d’efficacité avec un Directeur Général. Or il faut que les institutions manient le débat contradictoire démocratique et l’efficacité. L’efficacité ne peut pas être celle d’un seul homme et la démocratie est l’affaire de tous.
Beaucoup de nationalistes pensent aujourd’hui, en dehors de l’UPC, que l’autonomie interne est pour certains une étape possible et pour d’autres un moyen incontournable, ou même qu’elle pourrait suffire sur le plan institutionnel. Il faut qu’ils admettent qu’elle mérite d’être mise au banc d’essai, sans arrières pensées, honnêtement, qu’elle ne peut tout bien peser en rien hypothéquer les droits imprescriptibles, inaliénables du Peuple Corse, et qu’elle ne peut se concevoir qu’avec la pleine démocratie, qu’elle n’est pas temps perdu, mais temps gagné.
Si Nationalisme corse, Démocratie et Institution autonome ne font qu’un, nationalisme et démocratie aussi. Un parti ne prend pas le pouvoir. C’est le peuple qui le donne. On ne triche pas avec lui. On ne triche pas avec ceux qui luttent pour lui, même si on a des désaccords tactiques ou stratégiques.
Oui, soyons clairs et nous seront efficaces. Mais soyons clairs d’abord entre nationalistes. •