Par François Alfonsi
Le dossier corse a bien été mentionné dans la feuille de route présentée par Michel Barnier lors de son discours de politique générale prononcé devant l’Assemblée nationale le mardi 1er octobre. Mais rien n’est acquis pour la suite.
« Nous respecterons les compétences des collectivités locales et regarderons les possibilités de les renforcer. C’est dans cet esprit en particulier que la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation reprendra le dialogue avec les élus et les responsables socio-économiques de la Collectivité de Corse. »
La formulation retenue n’a rien de très enthousiasmant. Michel Barnier aurait pu faire référence à une possibilité d’autonomie avec pouvoir normatif comme l’avait fait Emmanuel Macron lors de son discours devant l’Assemblée de Corse il y a un an à Aiacciu. Ou encore Michel Barnier aurait pu s’inscrire dans la continuité du processus de Beauvau mené par son prédécesseur Gérald Darmanin, et faire état de l’accord qui a été signé par ce dernier en vue d’une révision constitutionnelle ouvrant la voie à un statut d’autonomie.
Moins ambitieux, mais quand même plus intéressant que la formulation « service minimum » qui a été prononcée officiellement, il aurait pu rappeler les spécificités de la Corse, son caractère insulaire, les statuts dont bénéficient les autres îles en Europe, etc.
Bref, la position finalement exprimée n’a rien de très exaltant.
Cependant on pouvait craindre pire, à commencer par passer la question corse totalement sous silence, ou, pire encore, introniser Bruno Retailleau, l’actuel ministre de l’Intérieur, comme interlocuteur sur le dossier corse. La désignation de Catherine Vautrin en lieu et place de ce jacobin pur jus, laisse un espoir quant au dialogue qui sera mené. Même s’il est ténu, il est là, et le dossier corse, par ce discours, est retenu dans les priorités politiques du gouvernement en exercice.
En fait, il n’y a pas de scenario miracle. Pour que le dossier corse puisse avancer. Il faut d’abord qu’il soit inscrit à l’agenda. Désormais il l’est, et nous sommes conviés à suivre ce nouveau dialogue.
Qu’en sortira-t-il ? Comment se structurera-t-il ? Le gouvernement lui-même est frappé d’incertitude quant à sa durée et à sa capacité d’engager des politiques face à un Parlement dans lequel il ne dispose pas de majorité effective. Donc le dialogue engagé est lui aussi tributaire de ces incertitudes. Mais quels que soient les soubresauts de la vie politique française, l’important était de ne pas disparaître des priorités politiques.
Dans le cadre du dialogue avec Madame Vautrin, la première étape sera de boucler l’année 2024 et de préparer le budget 2025 sur la question du montant de la dotation de continuité territoriale allouée à la Corse. Le complément qui avait été acquis en 2022 (30 M€) et en 2023 (40 M€), n’a pas pu être reconduit en 2024 avant que la dissolution n’intervienne.
Depuis, le ton des discours a changé et le grand dérapage des finances publiques en France est dénoncé avec force, avec un accent mis à l’encontre les collectivités locales. Du coup la plus grande inquiétude domine quant à l’attribution de cette dotation indispensable pour les équilibres financiers de la Collectivité de Corse.
L’urgence est donc d’abord de boucler ce point. Que Michel Barnier ait mentionné la Corse dans son discours, avec la désignation d’une ministre en charge de renouer le dialogue avec l’Exécutif de la Collectivité de Corse, apporte quelques motifs d’espérer une issue rapide et favorable sur ce point.
Pour le reste, l’ambition du dialogue institutionnel à venir sera d’autant plus élevée que l’on réussira à rassembler autour du dossier corse des majorités transversales, en isolant les Retailleau et consorts, et en s’appuyant sur les élus des différents groupes qui ont manifesté leur volonté d’avancer favorablement.
Les nouveaux équilibres sortis des urnes de juillet dernier sont plutôt plus favorables qu’avant. Et une vérité demeure : décevoir les attentes de la très grande majorité des élus de la Corse, exprimées par des délibérations successives de l’Assemblée de Corse, serait prendre le risque d’une situation qui pourrait échapper à tout contrôle comme c’est le cas actuellement en Nouvelle Calédonie.
Parmi les priorités de cette séquence politique, le gouvernement Barnier a promis à la Corse de faire avancer le processus enclenché en 2022. Le dialogue continue. •