Ambiente

Crise en vue pour la mobilisation mondiale contre le réchauffement climatique

En Corse, nous sommes particulièrement concernés puisque la Méditerranée est l’espace en Europe où l’amplitude de ce réchauffement sera la plus forte, 20% plus importante que la moyenne européenne. Malheureusement, il faut s’attendre ici à +4°C quand la moyenne dans le monde s’établirait au-delà de +2,5°C, bien loin de l’objectif de +1,5°C mis en avant en 2015. Les jeux ne sont pas faits, mais les évolutions récentes, et celles prévisibles, ne sont guère favorables.

 

 

Que la COP 29 se soit tenue à Bakou en Azerbaïdjan en novembre 2024, un an après la COP 28 tenue à Dubai, dans les Emirats Arabes Unis en 2023, était significatif d’une orientation au mieux attentiste, en fait régressive. Le pays hôte étant à chaque fois un gros exportateur de pétrole, son souci est avant tout de ne pas tuer sa poule aux œufs d’or. En fait ces pays ont longtemps raisonné par rapport à un « pic d’extraction » anticipant l’épuisement des ressources de leur sous-sol. Ce qu’ils comprennent désormais, c’est que l’objectif est d’arrêter toute exploitation bien avant l’épuisement de leurs ressources souterraines, et que l’avenir de l’Humanité suppose même que l’essentiel de la ressource détenue dans leur sous-sol ne doive jamais être ni extraite ni brulée. Comme leur modèle économique repose sur l’exportation de leurs hydrocarbures, il n’est pas étonnant que ces conférences aient débouché sur des résultats décevants.

 

Deux géants des émissions mondiales, les USA et la Russie, appartiennent aussi à ce club des pays producteurs d’hydrocarbures. Aux USA, c’est le second pilier de la prospérité économique actuelle du pays, notamment depuis le développement de l’extraction des gaz de schistes, l’autre pilier étant représenté par les géants de l’internet. En Russie, les productions de pétrole et de gaz naturel sont l’essence même de l’économie du pays.

Certes les deux pays sont signataires des accords de Paris, mais ils font aussi partie des quatre pays sur 195, avec l’Arabie Saoudite et le Koweit, qui ont refusé de signer la partie la plus importante, celle qui fixe un objectif de 1,5°C et non 2°C d’augmentation de la température terrestre depuis l’ère pré-industrielle.

Côté russe, depuis la ratification du traité de Paris en 2019, a été déclenchée la guerre en Ukraine, et Vladimir Poutine a déclaré qu’en raison des sanctions économiques internationales, la Russie ne respecterait probablement pas ses engagements de réduire de 25 à 30 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

Côté USA, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump relancera probablement l’hypothèse du retrait des USA de l’accord de Paris, comme il avait commencé à le faire lors de sa première présidence en 2016. Avec cette fois les pleins pouvoirs pour le faire puisque l’élection de novembre dernier lui a donné une majorité sans partage dans les deux assemblées, le Congrès et le Sénat. À l’heure où Los Angeles s’embrase comme jamais, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump annonce donc de nouveaux reculs américains dans la lutte contre le réchauffement climatique.

 

 

Au-delà de Donald Trump, les atermoiements des populistes qui veulent remettre en cause les accords de Paris vont s’amplifier et ils peuvent menacer sérieusement les objectifs de limitation des émissions de gaz à effet de serre décidés il y a dix ans. En Europe aussi, les politiques de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre sont sous la menace, alors que le continent européen, dépourvu de ressources en hydrocarbures, se doit d’être le moteur de la dynamique mondiale.

Car la participation de l’Europe aux efforts globaux va bien au-delà des 6% qui constituent la part des émissions mondiales depuis son territoire (Chine, 30 %, USA, 11 %, Inde, 8 %, Russie, 5 %). Pour alimenter son marché intérieur, l’Europe importe en effet beaucoup depuis le reste du monde, et elle participe de la sorte aux émissions de ces pays. Si sa réglementation se durcit avec des mesures douanières frappant les produits à fort contenu carbone, les émissions baisseront aussi dans les pays tiers, car ils devront le faire pour continuer à avoir accès au marché européen. Cette force d’entrainement, pour interdire les produits consécutifs à la déforestation, ou encore pour favoriser la conversion du parc automobile à l’électricité, permet de donner une impulsion dont les effets vont bien au-delà de l’Union Européenne elle-même. Encore faut-il résister aux sirènes des populismes, climato-sceptiques, dont l’influence, à commencer par le Parlement européen, est de plus en plus grande.

 

Dans les mois à venir, une nouvelle donne va affecter les accords climatiques mondiaux. La voie est étroite pour espérer sauver l’essentiel. •

François Alfonsi.

 

 

195 pays, parmi lesquels l’Arabie Saoudite et le Koweit, mais aussi les USA et la Russie, ont refusé de signer la partie la plus importante des Accords de Paris, celle qui fixe un objectif de 1,5°C et non 2°C d’augmentation de la température terrestre depuis l’ère pré-industrielle.