Discours de François Bayrou

Le processus continue !

Par François Alfonsi

 

Le discours de politique générale de François Bayrou en tant que Premier ministre était très attendu, particulièrement le message qu’il a choisi de porter sur l’avenir de la Corse. Mardi 14 janvier, devant l’Assemblée Nationale, son propos a été clair et net. Le processus de Beauvau continue vers une réforme de la Constitution inspirée des « écritures constitutionnelles » de l’accord signé en mars dernier.

 

 

« Avoir confiance dans la responsabilité des collectivités, c’est aussi pour certaines tenir compte de leurs spécificités. C’est le cas qui me tient à cœur pour la Corse, et c’est le cas que nous allons explorer et travailler pour les collectivités d’Outremer. Un calendrier a été fixé conformément aux orientations du Président de la République pour la Corse, pour aboutir à une évolution constitutionnelle fin 2025. Ce calendrier sera respecté. »

Le verbatim de l’extrait consacré à la Corse du discours de politique générale de François Bayrou est positif : confirmation du calendrier de la réforme constitutionnelle (fin 2025), mise en avant d’un principe de différentiation des collectivités (« tenir compte de leurs spécificités »), et une sollicitude personnelle en faveur de la Corse, « le cas qui me tient à cœur ».

Certes le mot « autonomie » n’est pas prononcé, et une référence explicite au contenu des accords de Beauvau aurait été bienvenue. Cependant, la plus-value par rapport au discours de Michel Barnier, il y a trois mois et demi, est très sensible. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à comparer les deux déclarations.

Michel Barnier avait dit : « Nous respecterons les compétences des collectivités locales et regarderons les possibilités de les renforcer. C’est dans cet esprit en particulier que la ministre du Partenariat avec les Territoires et de la Décentralisation reprendra le dialogue avec les élus et les responsables socio-économiques de la Collectivité de Corse. »

Entre « la reprise d’un dialogue », mélangeant « élus et responsables socio-économiques de la Collectivité de Corse »,comme l’avançait Michel Barnier, et la confirmation « d’une évolution constitutionnelle fin 2025 », c’est-à-dire dans l’année en cours, le niveau d’engagement est bien supérieur. François Bayrou apporte donc un élan nouveau.

Cela ne va pas renverser les obstacles que l’on connait par enchantement. Le gouvernement de François Bayrou passera-t-il le printemps 2025 ? Le facteur de blocage que représente le Sénat pourra-t-il être bousculé ? L’Assemblée n ationale, éclatée comme jamais, pourra-t-elle trouver un point d’équilibre suffisamment majoritaire pour valider la réforme constitutionnelle et emporter 60% des suffrages lors d’un Congrès à Versailles ?

Mais, quelles que soient les incertitudes, l’espoir demeure d’aller de l’avant et d’ouvrir la route vers l’autonomie de la Corse, ce que la dissolution de juillet l’an dernier avait suspendu. Le processus institutionnel pour l’avenir de la Corse, que le gouvernement Barnier avait accepté sans vraiment le soutenir, obtient désormais acceptation et soutien de la part du gouvernement, en conformité avec la position confirmée par Emmanuel Macron qui reste un élément crucial du processus puisqu’il revient au président de la République d’engager la réforme de la Constitution.

Un autre signal intéressant est la composition du gouvernement à ce sujet. Le « Monsieur Corse » du gouvernement Bayrou, François Rebsamen, a déjà été un acteur important du dossier corse sous Lionel Jospin, lors du processus de Matignon, et il avait alors activé ses relais, notamment dans la franc-maçonnerie, pour faciliter le dialogue entre l’État et la Corse. Autre élément favorable, l’entrée de Laurent Marcangeli au Conseil des ministres : il va y porter le message des engagements actés lors du processus de Beauvau. Et en Corse, l’Assemblée de Corse, très largement favorable à l’autonomie, représente une volonté forte incarnée par Gilles Simeoni, président du Conseil Exécutif.

Sans s’illusionner trop, car les incertitudes restent nombreuses et fortes, l’espoir est renforcé d’arriver, durant l’actuelle mandature de l’Assemblée de Corse, à l’objectif politique que les nationalistes s’étaient fixé : l’autonomie de la Corse. •