23e congrès de la Fédération Régions & Peuples Solidaires

Cap sur les Européennes !

L’Université d’été et le 23e congrès de la Fédération Régions & Peuples Solidaires, se sont tenus à Bayonne du 23 au 25 août en présence notamment de Gilles Simeoni, président du Conseil Exécutif de Corse. L’occasion pour lui de rencontrer le maire de Bayonne, président de la Communauté de Communes du Pays Basque 1, Jean René Etchegaray. Des échanges très constructifs entre les deux responsables de région. Parmi les grandes décisions prises, l’adhésion de Inseme pè a Corsica, prélude à celle de Femu a Corsica appelé à prendre son véritable envol lors de son assemblée générale prévue pour le mois d’octobre.

 

Pleine réussite pour ces journées de travail qui ont réuni plus d’une centaine de délégués venus d’Alsace, Bretagne, Catalogne, Corse, Occitanie, Savoie, Moselle, ou de la diaspora berbère, sans parler bien sûr de nos hôtes basques ! Elles étaient en effet organisées par Eusko Alkartasuna représentés en Iparralde par Philippe Duluc et Miren Urreiztieta, toujours avec le soutien de R&PS et de l’Alliance Libre Européenne 2, qui parraine désormais cet important rendez-vous annuel.

 

Ce n’est une surprise pour personne, tant ce scrutin est l’événement phare de la fédération depuis la fin des années 80, l’adoption d’une stratégie, d’un programme et d’une procédure d’investiture pour l’élection européenne de juin 2019 était le moment attendu du congrès. R&PS sera présente afin de « dépasser l’Europe des Etats, et approfondir la construction de l’Union Européenne dans le respect de la diversité des territoires, des peuples et de leurs langues ». Elle fera campagne sur les bases d’une plateforme programmatique adoptée ce 24 août 2018 à Bayonne regroupant plusieurs axes stratégiques sur la vision de ce que doit être une Europe des régions et des peuples solidaires.

Rapprocher l’Union Européenne des citoyens et des territoires et construire une véritable démocratie territoriale, réduire les écarts de richesse et protéger les plus faibles, sortir de la logique productiviste, lutter contre le changement climatique, instaurer des politiques durables pour l’économie, l’énergie, l’agriculture, la pêche au plus près des territoires, lutter contre le rouleau compresseur de l’uniformisation, promouvoir la diversité, soutenir les échanges et la coopération, garantir les libertés fondamentales, sortir de la logique d’égoïsme des Etats, développer les partenariats Nord Sud, etc.

Laurent Blondaz

Parallèlement à ce débat électoral, des réflexions ont été menées par militants ou responsables. Signalons un important travail réalisé par Laurent Blondaz pour le Mouvement Région Savoie, intitulé « Libre blanc pour la Démocratie, l’Autonomie et le Fédéralisme ». Un document mis au « pot commun » de la Fédération qui pourra être débattu et enrichi dans les prochains mois. De même, la contribution d’un militant alsacien, Jean François Mattler développe l’idée d’une Europe bâtie sur la démocratie directe, plus proche des citoyens, mérite que la Fédération s’y penche.

C’est pour toutes ces valeurs, que R&PS entend mettre tout son poids dans la bataille des Européennes. Elle s’appuiera notamment sur la réussite que la Fédération rencontre depuis 10 ans en Corse. L’adhésion d’Inseme pè a Corsica, qui suit les débats de R&PS depuis maintenant deux ans, n’était qu’une formalité pour y rejoindre le PNC, puisque les deux structures se retrouvent dans la dynamique Femu a Corsica. Lors de l’Assemblée Générale du «parti de gouvernement » programmée pour le mois d’octobre et qui actera de fait la demande d’adhésion de Femu à R&PS, conformément à ses statuts adoptés en octobre 2017, en même temps que son véritable envol après une année de tergiversations.

Ceci-dit la dynamique corse a du poids pour R&PS, au point que Gilles Simeoni a fait le déplacement à Bayonne, pour appeler à rassembler toutes nos énergies. Ses interventions, son implication ont permis à tous de prendre conscience à quel point la Fédération avait progressé.

 

R&PS a de l’ambition pour transformer la société

Acquaviva Molac

Ainsi, dès la rentrée, le Bureau de R&PS, ses parlementaires (les trois députés corses et le député breton Paul Molac rattachés à R&PS) susciteront « un large dialogue, avec l’ensemble des formations et personnalités politiques qui partagent la volonté d’approfondir la construction européenne et sa démocratisation, notamment en prenant en compte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Objectifs : replacer « les femmes et les hommes au coeur du projet de société, s’opposer au néolibéralisme actuel, à ses inégalités structurelles, à ses fractures sociales et territoriales, promouvoir un véritable développement durable, respectueux des territoires et de l’environnement, oeuvrer au respect de la diversité culturelle et linguistique sur le continent européen ».

R&PS engagera donc des négociations tous azimuts pour intégrer en place éligible une liste lors des prochaines élections européennes. «Gilles Simeoni s’investira dans la négociation et dans la campagne ». Le congrès a souhaité que le ou la candidat(e) chef de file pour R&PS à ces élections européennes soit désigné(e) par Femu a Corsica à l’occasion de son assemblée générale du mois d’octobre. L’ensemble des candidats de la Fédération seront ensuite validé(e)s par le Conseil Fédéral de R&PS.

Les contacts en cours on s’en doute vont plutôt vers Europe Ecologie les Verts, qui sont pour l’heure les plus pressants à courtiser la Fédération, compte tenu des valeurs qui rassemblent les deux organisations, mais aussi des partenariats qui les ont unis par le passé (élection de Max Simeoni en 1989, élection de François Alfonsi en 2009, participation aux campagnes des européennes ou des présidentielles des écologistes).

Ceci dit, R&PS a la capacité de se tourner vers d’autres partenaires, voire même d’engager ses propres initiatives. Si les écologistes sont mieux à même d’affronter un scrutin à l’échelle nationale, ils ne comptent en effet aucun député au Palais Bourbon, contre quatre pour la Fédération R&PS et aucune présidence de région, alors que R&PS peut se vanter de présider la région Corse par l’intermédiaire de Femu a Corsica et de ses partenaires de Corsica Lìbera, qui bien que non rattaché à R&PS y sont attentifs. R&PS est donc une prétendante sérieuse. Elle a démontré également, par la participation de toutes ses composantes, qu’elle pouvait compter sur 200.000 voix, voire davantage compte tenu de sa dynamique actuelle en Corse, mais aussi en Bretagne, en Alsace, en Savoie, au Pays Basque… de quoi revendiquer au moins une place d’éligible auprès d’éventuels partenaires !

Autant d’éléments qui compteront dans la négociation. R&PS a de l’ambition pour transformer la société et le fera valoir. Le travail de lobbying des députés corses et breton à l’Assemblée est important auprès d’autres parlementaires libres de leurs choix ou déçus de leur parti de rattachement. La constitution d’un groupe représentant plus spécifiquement les territoires est d’actualité.

On l’a vu encore avec les positions prises par Paul Molac vis à vis du groupe de La République en Marche.

Un travail politique qui oeuvre à changer le regard sur les revendications des territoires et appelle à une vision plus fédéraliste et démocratique. La présence du député nationaliste Jean Félix Acquaviva lors de l’Université d’été, comme du congrès, renforce aussi la Fédération. Il était déjà présent à Kintzheim, en Alsace, lors du congrès 2017, avec Jean Claude Morison, représentant d’Inseme qui a intégré le Conseil Fédéral de R&PS cette année 3.

J-C Morison

Une Université d’été de haut niveau

Les débats ont été riches, que ce soit au moment de l’Université d’été, ou durant l’adoption des motions politiques par le congrès, sur « la crise des migrants et le droit de rester et de vivre dans son pays », la défense du peuple alsacien et de ses revendications d’une collectivité unique, le soutien aux demandes de la Corse et « le respect du vote majoritaire des Corses », enfin, la question de la révision constitutionnelle, qui pour l’heure est un leurre et pour laquelle il ne faut pas rater l’occasion de vrais changements.

Chaque année, ces débats sont très formateurs pour les congressistes. Des intervenants de qualités et des sujets d’une actualité politique forte, contribuent à approfondir les réflexions de la Fédération et de ses partis membres. Trois débats de haute tenue ont passionné les participants.

« Le Processus de paix et l’avenir institutionnel du Pays Basque », animé par François Alfonsi, eurodéputé de 2009 à 2014, et en tant que tel président du Friendship Basque qui a oeuvré à populariser et défendre la question basque au sein du parlement européen. Jean René Etchegaray, membre fondateur de la plateforme de revendication Batera 4, maire de Bayonne et Président de la Communauté de Communes du Pays Basque qui a joué un rôle important dans le processus de paix, Jean Noël Etcheverry, dit Txex, qui est intervenu sur le désarmement d’ETA et est membre du Collectif des Artisans de la paix regroupant nombre d’acteurs de la société basque pour réfléchir à l’avenir du Pays Basque, Xabi Larralde, représentant de Sortu, organisation politique de gauche abertzale (25% des suffrages aux élections autonomiques en 2016) qui avait été arbitrairement muselée par Madrid en 2011, l’intervention du parlement européen avait alors pesé pour sa légalisation.

Lors du débat sur le processus de paix au Pays Basque. François Alfonsi, Jean René Etchegaray, Jean Noël Etcheverry et Xabi Larralde.

Ce premier débat a permis de mesurer les progrès accomplis par le Pays Basque depuis l’arrêt de la violence politique, le rôle tenu par les militants basques malgré les provocations de Madrid pour que le processus aille à son terme, le sort des prisonniers politiques qui n’est toujours pas réglé, et à la fois la fragilité et la solidité de ce processus, face à un Etat espagnol provocateur et une société civile basque responsable, par l’implication de ses forces vives et de ses élus.

« Il ne peut y avoir de paix durable sans d’abord une volonté partagée de paix, et pour l’enraciner dans la durée, sans ouvrir des perspectives politiques qui permettent à chacun de penser qu’il aura la possibilité, par la voie démocratique, de faire entendre sa voix, et de défendre ce qu’il considère être fondamental…, a dit Gilles Simeoni.

En Pays Basque, en Catalogne et en Corse, nous sommes confrontés à des Etats qui manifestement ne veulent pas d’un véritable dialogue… nous avons l’impression qu’il y a un refus absolu, ontologique, quasi définitif de nous reconnaître pour ce que nous sommes… Nous sommes dans une impasse, et si nous étions dans une impasse durable, ce serait aussi l’impasse de la démocratie… Nous devons ouvrir une autre perspective… Réconcilier à la fois la gestion des problèmes du quotidien avec la vision politique et l’idéal politique qui nous porte historiquement, les uns et les autres, c’est un des enjeux ».

Wanda Mastor

Le second débat, sur « La réforme constitutionnelle », était animé par le président de R&PS, Gustave Alirol, avec Wanda Mastor, professeure de droit constitutionnel, auteur du rapport « Pour un statut constitutionnel de la Corse » (lire ici), et les députés à l’Assemblée Nationale, Paul Molac, député breton LREM, et Jean Félix Acquaviva, député Pè a Corsica, tous deux rattachés à R&PS. «Décolonisons la métropole », avait dit Paul Molac lors du débat au parlement, « sous prétexte d’égalité, on a une négation totale de ce que nous sommes » a-t-il dénoncé « et il y a de quoi être inquiet parce qu’on a tout un patrimoine linguistique et culturel qui est en train de disparaître ».

« C’est la première fois dans l’histoire contemporaine qu’il y a trois députés nationalistes corses à Paris qui sont liés de surcroit à une majorité territoriale issue des urnes, et c’est la première fois aussi que les territoires et la Corse s’invitent au débat de la réforme constitutionnelle… », a repris Jean Félix Acquaviva.

« Le cycle de réunions a été un débat de dupes, a-t-il dénoncé, et pour parler clairement l’article de la constitution tel qu’il a été rédigé n’a fait l’objet d’aucun échange réel, malgré les propositions très claires, très concrètes, très transparentes, avec la contribution de Madame Mastor, avec le débat à l’Assemblée de Corse, l’article 74-2, puis l’article 72-5 proposé par l’Assemblée pour aller vers un compromis en montrant qu’il y avait une adhésion, certes du peuple corse, puisqu’il y a eu 56,5 % des voix en décembre 2017, mais que le compromis avait aggloméré bien au-delà de la majorité territoriale… »

Le troisième débat s’interrogeait de la même façon mais à une autre échelle :

Débat « L’Europe est-elle une démocratie?» avec Jean Francis Billion, Lorena Lopez de Lacalle et Jean Quatremer.

«L’union européenne est-elle une démocratie ? » Animé par Lorena Lopez de Lacalle, élue du Pays Basque Sud Eusko Alkartasuna de l’ALE, avec Jean Quatremer, journaliste spécialiste des questions européennes, auteur du livre «Les salauds de l’Europe», et Jean Francis Billion, membre du Bureau de l’Union des Fédéralistes européens. Brexit, crise migratoire, repli des Etats, montée de l’Extrême droite, autant de sujets qui occupent l’Europe, que son mal structurel ne lui permet pas de régler. «Que faire pour récupérer une Europe qui respecte la diversité ? », interrogeait Lorena Lopez de Lacalle, si M. Billion expliquait les possibilités qu’ont les citoyens pour poser les débats au parlement à travers l’initiative citoyenne, Jean Quatremer développait son pessimisme provocateur pour nous désespérer de l’idée d’une Europe démocratique, tout en reconnaissant que les «vrais européens », « les seuls qui posent des débats de fond » existent au sein de R&PS, une vraie démocratie passe par la fin des Etats-Nations et le réinvestissement des citoyens pour l’Europe.

Autant de moments forts sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir.

 

Fabiana Giovannini.

 

1) La communauté d’agglomération Pays Basque compte environ 300.000 habitants et 158 communes. Elle est officielle depuis janvier 2017 (mise en place par deux tiers des conseils municipaux pour pallier l’absence de Collectivité territoriale qui est une revendication du Pays Basque au Nord). Elle doit choisir ses compétences d’ici quelques mois et réfléchit sur son évolution. Elle revendique un droit à la différence, compte 1100 salariés et dispose d’un budget d’environ 300M €€.

 

2) ALE : 45 partis nationalistes européens issus de nations sans Etats de 18 pays, revendiquant le droit à l’autodétermination, la reconnaissance des langues et cultures, et portant des valeurs d’humanisme, de justice sociale, d’écologie. L’ALE est présidée par François Alfonsi.

 

3) R&PS a reconduit son Conseil Fédéral, et confirmé son Bureau : Gustave Alirol à la présidence, André Muchenbach, vice-présidente, François Alfonsi, Trésorier, Claude Bouvier, secrétaire. Elle s’est donné deux porte-paroles supplémentaires, Roccu Garoby et Gaël Briand.

 

4) Batera, plateforme de revendications : reconnaissance de la langue basque, création d’une Chambre d’Agriculture Pays Basque, création d’un pôle universitaire autonome à Bayonne, et création d’une Collectivité territoriale au Pays Basque.