Catalogne

L’espoir d’une prise de conscience

De gauche à droite : Francois Tortos , Francois Alfonsi, Marie Pascale Castelli, Andre Paccou et Minicale, a l’origine du Collectif Sulidarita Corsica Catalunya.

François Tortos est catalan, marié en Corse, à Veru, et journaliste à France 3 Corse Via Stella depuis bientôt trente ans. Professionnellement, et à titre personnel, il suit avec passion l’évolution de la situation en Catalogne. Il a été, avec Marie Pascale Castelli, Francois Alfonsi, Andre Paccou et Minicale, a l’origine du Comite Sulidarita Corsica- Catalunya qui a reçu Elisenda Paluzie, Presidente de l’Assemblée Nationale Catalane, le 23 mai dernier à Bastia, et qui se mobilise à nouveau autour de la tenue du procès qui s’ouvre à Madrid contre les prisonniers politiques catalans.

Il revient de Catalogne ou il était présent quand les prisonniers ont été extraits de la prison de Lledoners pour être emmenés jusqu’à Madrid.

 

Quelles impressions ramènes-tu de ton dernier voyage en Catalogne ?

La première d’entre elle est une forte émotion. La prison de Lledoners se trouve sur la commune de San Joan de Villatorra, et, depuis que les prisonniers ont été rapprochés dans un établissement pénitentiaire situé en Catalogne, la même manifestation se déroule chaque soir, 220 fois depuis qu’ils sont là : à 20h45 pétantes, la population du village et des alentours se rassemble devant la prison pour leur souhaiter « bone nit », et ils leur répondent à tue-tête de derrière les murs. Ils sont au minimum cent, souvent bien davantage, et ils étaient deux mille l’autre soir quand j’y ai assisté. C’est une démarche populaire très émouvante qui regroupe toutes les générations. Elle est significative de l’état d’esprit d’une population toute entière, complétement solidaire. Le lendemain, les prisonniers ont été transférés à Madrid.

 

Comment sont-ils traités ? Comment tiennent-ils le coup moralement ?

L’État espagnol ne cesse de faire preuve d’une certaine brutalité et de faire monter la tension. Il y a les réquisitions du procureur qui sont démentielles au regard de ce qui leur est reproché. Mais, au-delà, il y a aussi des attitudes significatives.

Par exemple leur transfert à Madrid, qui est à plusieurs heures de route de la Catalogne, s’est fait dans des conditions très dures, menottés durant tout le trajet, et voyageant dans un « carprison », aménagé avec des cellules verrouillées isolant les détenus les uns des autres.

Autre information qui est significative de l’état d’esprit du système judiciaire espagnol : il leur sera interdit de porter un vêtement de couleur jaune, tee-shirt, écharpe ou autre, durant le procès, car cela est considéré comme un signe de sédition !

Les catalans sont persuadés que ce procès est joué d’avance, que leur condamnation est certaine, et le pessimisme ambiant est général à cet égard.

Mais leur détermination est intacte, ils sont sûrs d’être dans le camp de la justice et de la démocratie. Leur mobilisation ne faiblit pas : la semaine passée à Girona une manifestation organisée au dernier moment a rassemblé en une heure cinq mille manifestants aux cris de «Unità ». Depuis le premier octobre 2017, on assiste à une succession ininterrompue de manifestations, avec des dizaines de milliers de participants, jusqu’à deux millions pour la Diada du 11 septembre dernier. C’est bien sûr un grand réconfort pour ceux qui sont en prison. Et une grande manifestation catalane est prévue à Madrid le 16 mars prochain.

 

Qu’attendent les Catalans durant ce procès ?

Ils en attendent avant tout un retentissement européen. Les Catalans sont interloqués : l’Europe s’intéresse plus à la situation au Venezuela qu’à ce qui se passe en Espagne et en Catalogne !

Ils pensent que le procès va mettre à nu les errements de l’État espagnol.

D’ailleurs, il sera diffusé en direct sur internet par TV3 International, sur la chaîne 324. Le procès va durer plusieurs mois, et les élections du 26 mai risquent d’avoir lieu pendant son déroulement.

Durant ce procès, comme le permet la législation espagnole, l’extrême droite ouvertement franquiste du mouvement Vox accompagne l’accusation comme partie civile. Elle traite officiellement les dirigeants démocratiquement élus de la Catalogne « d’assassins et de racistes ».

Les autorités ont été jusqu’à interdire à la télévision publique catalane TV3 d’effectuer ses directs depuis la porte du Palais de Justice, contrairement aux habitudes, car elles craignent « un risque d’émeute». Vox réalise actuellement une percée électorale en Espagne en alimentant un rejet anti-catalan exacerbé.

Face à cette violence, le mouvement catalan oppose une non-violence exemplaire.

Même quand deux millions de personnes défilent à Barcelona le jour de la Diada, il n’y a absolument aucun débordement : c’est dire si, malgré le sentiment populaire d’indignation, le choix stratégique d’une démarche pacifiste est largement partagé. D’ailleurs c’est un fait culturel catalan à part entière.

D’un côté il y a une exacerbation espagnoliste inspirée du franquisme, de l’autre un mouvement pro-européen, démocratique et pacifique. Pour les Catalans, l’Europe fera la différence !

Leur grand espoir c’est une prise de conscience européenne. Aussi ils sont très attentifs à tout ce que nous faisons, même ici en Corse !

 

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