lolLa proposition de loi « visant à favoriser l’assainissement cadastral et la résorption du désordre de la propriété » a été votée le 8 décembre dernier par l’Assemblée Nationale. Pour la Corse, l’application de son article 3 conduira à la prolongation de 10 ans de la situation actuelle concernant les droits de succession. rien n’est plus aride qu’un texte de loi du Code Général des Impôts, mais les conséquences sont bien concrètes au moment fatidique de payer l’impôt sur les successions. Qu’est-ce que l’Assemblée Nationale a décidé de voter finalement ? Il faut distinguer une proposition de loi, déposée par des députés, et un projet de loi, déposé par le gouvernement. La proposition de loi déposée par les députés corses, trois de droite (Camille de Rocca Serra, Sauveur Gandolfi-Scheit, Laurent Marcangeli), un radical (Paul Giacobbi) et François Pupponi, le député corse de Sarcelles, pour les socialistes, ne peut aller à son terme que si le gouvernement l’appuie, ce qui permet qu’il soit mis à l’ordre du jour d’une session. Cela a été fait par Jean Michel Baylet suite à ses engagements pris devant l’Assemblée de Corse. Puis chacun a désamorcé la perspective d’un vote négatif, Charles de Courson décidant finalement de quitter l’hémicycle. La proposition de loi devient alors loi, et elle doit encore être confirmée par le Sénat avant la fin décembre.
Nous en sommes là, suffisamment en bon chemin pour que Gilles Simeoni, présent avec d’autres élus de toutes tendances lors de ce vote solennel, puisse déclarer via son compte tweeter : « La loi est votée à l’unanimité, les Corses ne seront pas dépossédés de leur patrimoine. Immense succès pour tous les députés et élus Corses ». Ce qui a été voté dit exactement ceci : «Au premier alinéa du 8° du 2° de l’article 793 du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 50 % », et la date : « 31 décembre 2017 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2027 ». En tout, le remplacement d’un taux d’imposition par un autre et d’une date par une autre… et des conséquences substantielles pour les Corses qui devront faire face à des successions dans les dix ans qui viennent. La situation dont les prolongations partielles successives des Arrêtés Miot ont jusqu’ici préservé les Corses est en gros la suivante : les héritiers d’un terrain familial, ou d’une maison, dont la valeur est devenue très élevée en raison de sa situation au cœur d’une zone fortement valorisée, est sujet à un impôt moitié moindre que sur le continent. Résultat : l’acquittement de cet impôt foncier au moment de la succession génère alors moins systématiquement la vente de ce bien. En effet, vous pouvez avoir des revenus modestes et hériter d’un bien familial de forte valeur, si bien que vous n’avez pas les moyens de le conserver dans le patrimoine familial au moment d’acquitter en argent liquide l’impôt lié aux droits de mutation sur ce bien. Vous êtes alors dans l’obligation de le vendre… ou de rester dans l’indivision comme cela était possible jusqu’à 1999.
Cette indivision a généré une absence chronique de titres de propriété enregistrés, et le GIRTEC se débat depuis dix ans pour les reconstituer. Si la somme exigée au moment de la régularisation des indivisions double du jour au lendemain, et cela était prévu jusque-là au 1er janvier 2018, dans un an à peine, l’obligation de vendre serait évidemment beaucoup plus pressante, et nombre de Corses obligés de « vendre leur terre » à des gens fortunés le plus souvent venus d’ailleurs. «Vergogna à tè chì vende a terra » chantait Canta u Pòpulu corsu. Oui, mais comment faire autrement si on exige de vous des sommes que vous ne pouvez acquitter ? Le répit de dix ans est bien sûr salutaire même s’il n’est qu’un report. Toutes les tentatives faites jusque là pour repousser l’échéance avaient échoué, butant au final sur le Conseil Constitutionnel. Mais la disposition votée étant de portée générale en France, même si les situations visées (indivisions) sont avant tout spécifiques à la Corse, elle devrait échapper cette fois à une décision négative de ce côté-là.
La sortie des indivisions pourra donc continuer à moindres frais pour les héritiers, ce qui limitera d’autant le nombre de situations où cela conduirait à des aliénations des patrimoines ainsi libérés. La lutte pour un statut fiscal spécifique continue. Mais le vote du 8 décembre permet d’espérer qu’il pourra être en vigueur avant qu’il ne soit trop tard.