On parle fin août de rentrée, scolaire ou politique. Accalmie en surface mais devoirs de vacances, examens de rattrapage, et contacts informels pour d’éventuels Plans B. Quelques politiciens décontractés animent quelques colloques pour conforter quelques fidèles et photos dans la presse locale. Cette année cependant, l’enjeu des municipales provoque une tension perceptible.
Les Municipales… Des candidatures hors sérail se sont avancées, notamment à Aiacciu et Bastia, et on devine que des nouveautés spontanées ou provoquées vont enrichir le film électoraliste.
Les sortants ne sont pas inertes.
Ils font leurs bilans, positifs. Les opposants critiques sans mal, ils sont sincères, ils oublient facilement le peu réalisé. Ils croient dur pouvoir faire bien mieux.
Les « réseaux sociaux » distribuent volontiers plutôt des claques que des caresses… ils défoulent.
Tout cela est habituel, banal.
Ce qui est surprenant pour moi est qu’il manque une donnée essentielle de l’actualité pour les natios.
Ils ont été élus pour sauver le Peuple Corse sur la base minimale à négocier avec le pouvoir central (Padduc, coofficialité de la langue corse, droits fiscaux patrimoniaux pour sortir des Arrêtés Miot), base qui avait été longuement discutée à l’Assemblée de Corse sous Paul Giacobbi avec Maria Giudicelli et largement votée.
Le regroupement des natios en coalition électorale conduit par Gilles Simeoni a débouché sur cette majorité « absolue ». Le résultat a été amplifié par l’effondrement du système des clans qui a été perçu en premier mais qui précédait celui de tout le système de la Ve République de De Gaulle.
La France en ruines, champ de bataille occupé par les nazis, était à reconstruire. La lVe République enlisée dans les jeux des partis et la phase finale de la fin de son Empire colonial, était sous l’emprise américaine et l’influence d’un puissant Parti communiste.
De Gaulle voulait jouer dans la cour des « grands » (Roosevelt, Churchill, Staline) avec la bombe atomique « dissuasive ». Il fallait sortir des jeux des parlementaires, il fallait un pouvoir Exécutif fort pour rebâtir sur les ruines et ne pas être qu’un satellite. L’élection au suffrage universel du chef de l’État était le moyen d’une politique de reconstruction et d’indépendance nationale. Au sommet du pouvoir, il a mené cette politique.
Il a nationalisé les grands services, EDF, SNCF, Air France, Compagnie générale transatlantique, Charbonnages de France, etc. Il a liquidé le conflit d’Algérie…
Quand il a voulu réformer les institutions, le Sénat notamment, la classe politique a fait capoter son référendum et il a démissionné, comme il l’avait annoncé auparavant.
Les divers successeurs se réclamant du Gaullisme ont eu d’autres problèmes à traiter, ceux d’une Europe économique pour commencer (Énergie, EURATOM…) derrière le rideau de fer et le statut de Berlin… puis il fallait « libéraliser » l’économie et dénationaliser. La mondialisation, ou globalisation, relance un renforcement de l’Europe à faire qui a déjà sa monnaie, l’Euro depuis 2000 et la libre circulation, sans frontière, elle réactive plus ou moins une demande de reconnaissance des Peuples sans États ce qui va de paire avec leur développement durable, l’écologie et la lutte contre la pollution.
Le système français reste accroché à l’Europe des États et à son dogme jacobin, hostiles à la prise en compte de ses composantes « régionales ». Comment faire l’Europe sans tenir compte de ses diversités ? Sans atténuer de part et d’autre des ex-frontières les conséquences des guerres passées ? Sans admettre l’égalité des principes et des valeurs universelles entre tous les Peuples, grands ou petits ? Sans sortir de la seule règle pratiquée, celle du rapport de force militaire, économique ou démographique ?
L’écroulement de la Ve République n’a laissé que deux options à l’élection pour la Présidence : Marine ou Macron. Et dans l’île, Gilles Simeoni surfant sur la planche ondulante de la coalition électorale des natios, sans opposition dans tout l’éventail de la droite à la gauche qui cherchent désespérément à renaître de leurs cendres.
Après Ponte Novu en 1769, l’État français nous a soumis de 1818 à 1913 à la criminelle loi Douanière qui a étouffé tout développement économique, non pas tant pour empêcher l’entrée de produits étrangers sur son sol, pouvant transiter par l’île mais surtout pour nous couper de tous les échanges avec la péninsule italienne et utiliser la Corse à son seul profit.
L’île y avait des débouchés, des échanges importants, avec les villes États concurrents souvent entre eux, l’unité italienne s’est faite tard. Les Corses ont joué Pise contre Gènes par exemple et Pasquale Paoli s’est exilé à Naples. Il a fallu 95 ans pour couper ces liens géo-économiques et rendre l’île entièrement dépendante des intérêts français. Non développée, appauvrie, elle a été un réservoir d’hommes pour le carnage de 14-18, pour l’Empire colonial.
160.000 habitants en 1960.
Vidée alors, la Datar a voulu un développement massif touristique pour achever ce qui restait de Peuple historique, encaisser des devises et créer un marché captif à son seul profit (97% de sa consommation est importée).
Ce qui est surprenant est de voir les natios s’exciter aux seules joutes électorales dans des combinaisons de listes et de pressions entre composantes coalisées et en leurs seins mêmes, comme s’il n’y avait plus que cela à faire.
Or le temps est compté pour un sauvetage du Peuple et il manque l’outil efficace. Le temps perdu qui s’écoule rend plus aléatoire l’oeuvre historique d’un sursaut salvateur.
L’outil ne peut se trouver qu’au sein du Peuple. Il est à forger vite et bien. À ne tripoter que les urnes électorales, on finit par faire l’urne funéraire du Peuple Corse.
Un parti vraiment démocratique qui sert d’exemple, qui est en capacité de mobiliser la volonté des Corses. L’état jacobin ou n’importe quel État a tout le temps. Pour l’obliger il faut bien plus que des gadgets, bien plus que des films électoralistes de séries télévisées. Il faut faire l’Histoire d’une émancipation d’un Peuple.
Max Simeoni.