La Cour de cassation a rejeté le 9 décembre dernier le pourvoi introduit par la CGT qui demandait l’annulation de la candidature du Sindicatu di i Travagliatori Corsi (STC) aux élections professionnelles dans les Très Petites Entreprises (TPE) en dénonçant la discrimination de sa revendication de « corsisation des emplois ». Le tribunal a jugé « insuffisants » les griefs et le STC est donc reconnu dans ses droits pour participer à l’élection. Celle-ci a démarré le 30 décembre et se déroule jusqu’au 13 janvier. L’enjeu désormais dépasse le simple scrutin. Après la décision de justice, il s’agit de consacrer cette légitimité en donnant une réponse populaire aux accusations injustes, voire au harcèlement dont est victime le STC. Peuvent voter tous les salariés des TPE de plus de 16 ans, y compris les apprentis, quelles que soient leur profession, la nature de leur contrat de travail ou même leur nationalité, soit près de 4,5 millions de personnes en France, 30.000 en Corse. Una chjama hè lampata : vutate è fate vutà ! • «Nous le disons haut et fort : Les syndicats qui nous ont traduit devant les tribunaux voulaient purement et simplement, nous empêcher d’exister » déclare Jean Brignole, secrétaire national du STC. • Interview.
Cette fin d’année 2016 a renforcé le syndicat avec cette victoire en Cour de Cassation vous permettant de participer au scrutin des TPE. Expliquez-nous en tous les enjeux…
Tout d’abord, il faut rappeler que c’est l’ensemble des organisations syndicales dites représentatives au niveau national CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC qui nous ont attaqué devant les tribunaux, et ce à quatre reprises. Seule la CGT est allée jusqu’au bout, mais les autres ne sont pas en reste et mettent en avant elles aussi la même argumentation.
Durant toute la procédure, le seul argument mis en avant a été le suivant : En revendiquant la Corsisation des Emplois, le STC serait, selon eux, contraire aux «valeurs républicaines ».
Il faut le savoir, depuis la loi de 2008, il existe sept critères qui caractérisent une organisation syndicale. Les « valeurs républicaines » est l’un de ces critères.
Nous le disons haut et fort : Les syndicats qui nous ont traduit devant les tribunaux voulaient purement et simplement, nous empêcher d’exister.
Que voulez-vous dire ?
Ils se sont servis du fait que nous nous soyons présentés dans l’ensemble des régions de France. Notre présence dans ces élections au-delà de la Corse, est légitime. Nous sommes déjà représentés et souvent représentatifs dans pas mal de grandes entreprises en France ayant un ou des établissements en Corse.
Notre candidature a été considérée par ces organisations comme une provocation ou plutôt une atteinte à leur « pré carré ». Il se dit que « nous aurions eu le droit de nous présenter en Corse, mais pas autre part. » À croire qu’en matière sociale, les lois ne s’appliqueraient pas de la même façon en Corse et en France !
Il faut le souligner, le même argument «non conformes aux valeurs républicaines » a été employé par la seule CGT contre LAB (syndicat Basque avec qui nous entretenons des relations proches) alors que lui ne s’est présenté que dans la seule région Nouvelle Aquitaine dont dépend le pays Basque Nord.
D’autre part, nous tenons à signaler que nous présentons des listes dans d’autres régions françaises, en particulier dans l’Éducation nationale depuis plus de 15 ans, sans que cela ait fait l’objet d’un quelconque recours…
Avec cette décision de la Cour de Cassation, le STC gagne bien plus qu’une participation à un scrutin… est-ce enfin une forme de reconnaissance ?
Cette reconnaissance était déjà bien réelle, mais le fait que l’ensemble des grands syndicats français se soient attaqués à nous, nous conforte que nous sommes dans le vrai et que nous représentons une force, toute proportion gardée.
C’est surtout, la reconnaissance du travail accompli par nos militants depuis plus de trois décennies.
La confrontation syndicale doit se faire sur le terrain, aux contacts des travailleurs, dans le débat, jamais de cette manière, devant des tribunaux.
Il faut quand même le rappeler. Ces tribunaux nous coutent cher, plusieurs dizaines de milliers d’euros sans prise en compte, ni remboursement de frais d’avocat. C’est l’argent des seules cotisations de nos adhérents.
S’attaquer à une organisation syndicale comme la nôtre, organisation regroupant plus de 7000 adhérents, participant à de nombreuses commissions, membre du Conseil Économique Social Culturel et Environnemental, représentée dans divers organismes d’État, c’est s’attaquer purement et simplement à la démocratie sociale. Vergogna à elli !!!
Le scrutin vous est désormais ouvert, comment se présente-t-il ?
Ces différents épisodes judiciaires qui durent depuis six mois, ont eu, au moins, le mérite de populariser ces élections. Plus personne ne peut dire qu’il n’est pas au courant de l’existence de ces élections dans les Toutes Petites Entreprises, TPE. Un bémol, après le report des élections voulu par le Ministère, la période du 30 décembre au 13 janvier semble peu favorable à la mobilisation des travailleurs. Malgré cela, nous faisons tout pour que cette mobilisation soit au rendez-vous. (il y a 4 ans, moins de 7% de participation). Depuis plusieurs semaines, toutes nos sections, (public et privé confondus) sont mobilisées. Notre progression importante chez les salariés depuis quelques années, la création permanente de nouvelles sections, permet une diffusion encore plus large de notre message. Chacun d’entre nous connaît quelqu’un qui travaille dans une TPE, il peut, donc, le mobiliser pour voter STC.
Pendant cette période mouvementée, les différents témoignages de soutien ont démontré notre véritable implantation dans la société corse. C’est pour cela que nous sommes plus que confiants quant au résultat. Mais la confiance ne doit pas nous empêcher de rester concentrés et déterminés. Chaque voix compte. L’ampleur du résultat est primordiale pour l’avenir.
Quel message portez-vous dans cette élection ?
Un message constructif. Les 30.000 électeurs des TPE représentent près de 90% du tissu économique Corse. On ne peut pas se passer de leur avis.
Cette année, deux nouveautés.
Premièrement, le résultat des élections TPE déterminera directement la représentation syndicale au sein de la commission paritaire régionale interprofessionnelle qui sera mise en oeuvre à compter de juillet 2017, (10 représentants syndicaux, 10 représentants patronaux). Nos candidats sont tous des militants aguerris à la confrontation et au dialogue social. Cette commission permettra de négocier des mesures d’ordre général pouvant s’appliquer à l’ensemble du tissu des TPE de la région.
Deuxième nouveauté. Les résultats de ces élections seront rajoutés aux résultats des élections professionnelles (délégués du personnel et comité d’entreprise), afin de déterminer la future composition des conseils de Prud’hommes.
Quelle est la représentation du STC toutes sections confondues ?
Aujourd’hui le STC est le premier syndicat de Corse loin devant les autres !
Depuis décembre 2014, les élections dans le secteur public ont confirmé notre leadership dans les trois fonctions publiques. En particulier dans la Fonction Publique Territoriale où notre score de plus de 3000 voix laisse loin derrière la deuxième organisation qui n’arrive pas à 1500 suffrages En 2016, les résultats dans les élections professionnelles (délégués du personnel et comité d’entreprise), nous ont placés en tête, avec près de 50% de représentativité. Nous avons débuté il y a plus de 30 ans, par défendre les salariés des TPE. Ce monde économique nous le connaissons parfaitement.
Vous détenez aussi le tribunal des Prud’hommes de Haute-Corse, comment expliquez-vous cette progression ?
En 2002 nous avions gagné le Conseil des Prud’hommes de Corse du sud. Depuis 2008, nous avons la majorité des juges prud’homaux (11 sièges sur 21), dans chaque conseil de prud’hommes départementaux, Haute-Corse et Corse du Sud. Cette progression n’est pas due au hasard. C’est le fruit du travail de nos militants. Nos juges prud’homaux, par leur formation permanente et ce depuis plus de 20 ans, font valoir le droit des salariés. Nos jugements en première instance sont confirmés à plus de 85% par les juges professionnels en appel, ce qui n’est pas le cas dans d’autres régions françaises.
Le salarié aujourd’hui ne veut-il pas un peu plus que la seule défense de ses droits sociaux… le message du STC ne répond-t-il pas à une véritable attente ?
Notre intervention fait toujours le lien entre le droit des salariés et le devenir de cette île. Dans beaucoup de domaines nos revendications sont aujourd’hui prises en compte. Nous voulons jouer notre rôle en tant que Force de proposition. Nous sommes favorables à la mise en place de conventions collectives régionales meilleures que les conventions nationales. Nous sommes favorables à la prise en compte de l’aspect linguistique dans toutes les composantes de notre économie. La langue Corse doit être le vecteur d’intégration et d’émancipation.
Pour vous, l’arrivée des nationalistes aux responsabilités à la Collectivité Territoriale, correspond-t-elle à ce changement des mentalités ?
Nous croyons que nous sommes bien placés pour analyser ce changement des mentalités. Le positionnement de notre organisation syndicale qui s’appuie sur un discours et une pratique s’inscrivant dans la lutte du Peuple Corse est de plus en plus en plus partagé par les travailleurs de ce pays. Nous voyons cette évolution depuis plusieurs années déjà. À partir de 2008, nous avons franchi le pas en gagnant de plus en plus d’élections et en devenant le premier syndicat. Nos idées gagnent chaque jour l’ensemble de la société Corse.
Nous participons au niveau social à cette prise de conscience collective.
Votre message pour 2017?
2017 est une année charnière à plus d’un titre, au-delà des nouveautés sociales comme la mise en place des CPRI, et les désignations pour les Prud’hommes.
Nous devons, premièrement lutter contre la précarité et la pauvreté qui touche durement notre île. Un immense travail nous attend à tous.
Nous devons jouer tout notre rôle d’organisation syndicale majeure, dans la mise en oeuvre de la Collectivité Unique au 1er janvier 2018. Car c’est un enjeu primordial pour les milliers d’agents des trois collectivités, mais c’est aussi et surtout un acte fondamental pour la Corse. D’ailleurs c’est pour cela, que nous nous sommes attelés depuis le début de l’année 2015, à travailler sur ce sujet et à faire des propositions. Dans ce contexte, le résultat des élections TPE participera à définir encore plus la représentation syndicale dans l’île et quels seront les interlocuteurs naturels lors de ces deux immenses chantiers, et tous les autres.
Per 2017, Pace è Salute, Libertà è Vittoria !