L’endroit est magnifique, bien intégré dans le site, splendide, paisible, superbement agencé, en matériaux locaux, servant une cuisine méditerranéenne, des produits du terroir, des chants corses… Tout le calme, la discrétion, la beauté que l’on peut rechercher pour un moment d’évasion dans une île aux mille beautés ! D’ailleurs, le coin est repéré par tous les people de la création, politiques, businessmen, artistes, le fréquentent, certains assidument… Et pourtant, ces installations n’auraient jamais dû voir le jour et sont une anomalie parfaite en termes de règles d’urbanisme. Faire du beau autorise-t-il à verser dans l’illégalité et à en rester totalement impuni ?
C’est la question que se posent les associations de défense de l’environnement. Le Collectif U Levante a enquêté, dénoncé en son temps auprès des autorités ces anomalies, et in fine, faute de réaction, fait savoir à l’opinion combien est scandaleuse cette situation. «Murtoli : La Table de la Plage, un restaurant en site totalement inconstructible » c’est sous ce titre que vous pouvez découvrir, sur le site internet U Levante, la complaisance des autorités à propos du Domaine.
Et d’expliquer : « Sur le site internet du Domaine de Murtoli, sur les parcelles C764, 1221 et 1222 du cadastre de la commune de Sartè, en bord de mer et à l’embouchure du fleuve Ortolu, de nombreux bâtis constituent les structures récentes du restaurant «La Table de la Plage ». Les images montrent un restaurant de luxe, des structures annexes, des pistes et des parkings »… oui mais voilà, dénonce l’association : « aucune autorisation, aucun permis n’ont été trouvés sur les registres de la mairie : le lieu est totalement inconstructible car il bénéficie de nombreuses protections réglementaires ».
Et d’expliquer encore que les parcelles C1221 et C1222 sont la propriété de la SCEA STP, la parcelle 764, celle du propriétaire du Domaine, Paul Canarelli, que le restaurant se situe dans « un espace boisé classé, inconstructible, non déboisable », qu’il est répertorié au Padduc (Plan d’Aménagement et de Développement Durable de la Corse) comme espace remarquable et caractéristique (ERC) du littoral, donc strictement inconstructible. Qu’il se situe, qui plus est, dans une Zone Naturelle d’Intérêt Floristique et Faunistique de type 1 (on se souvient avec quel acharnement les deux groupes nationalistes ont défendu, durant la mandature 2010- 2015, les Znieff 1 pour inscrire leur protection au Padduc). Que le site est aussi une zone Natura 2000 par Arrêté ministériel du 17 mars 2008.
Malgré cela, aucune étude d’impact n’a été réalisée et pas d’avis de l’autorité environnementale non plus, alors que nous sommes pourtant en Zone Spéciale de Conservation, et en Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (voir p.5)… Chjìbba, saetta ! Toutes les procédures de prévention et de protection n’ont pu être diligentées, puisqu’il n’y a pas eu de demande de permis… qui aurait bien sûr été refusée, ne serait-ce que par rapport à l’ERC!
Et ça n’est pas tout ! Le restaurant est également situé dans la bande des 100 mètres d’une zone vierge… ce qui aurait dû aussi déclencher le contrôle de légalité pour en proclamer l’inconstructibilité.
«Ces parkings, ces pistes, ce restaurant sont donc totalement illégaux. Et pourtant tout fonctionne et s’agrandit chaque année sans que, à notre connaissance, l’État, chargé du contrôle de légalité, et le maire, premier officier de police de la commune de Sartè n’aient porté plainte» dénonce encore U Levante.
Mieux, l’association s’étonne de la manière complice de procéder de la part de la DREAL, Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement, services de la préfecture, sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement. En effet, note U Levante « alors que des photographies aériennes plus récentes datant de 2013 étaient disponibles dès janvier 2016 et celles de 2016 disponibles en janvier 2017 et sont régulièrement utilisées par les services de l’État, le cabinet Biotope a travaillé en 2016 à partir de Cartes topographiques de 2007 fournies par la DREAL de Corse » !!! Pour le moins étonnant ! « La cartographie 2007 proposée ne peut pas être exacte compte tenu de l’anthropisation des milieux qui a eu lieu entre 2007 et 2016. Les cartes sont obsolètes pour les pistes comme pour les constructions édifiées et le golf réalisé. Ni vus ni connus, pas pris ; tellement réels… et totalement impunis !
U Levante a porté plainte début 2016… et depuis attend » se désespèrent les militants de la défense de l’environnement.
Comment expliquer une telle incurie ?
Comment expliquer le manque de courage des autorités, face à celui d’une association, qui figure pourtant sans moyens officiels d’investigation et d’instruction, sans soutien non plus, preuve en est à quel point l’info est passée vite dans les médias… sans déclencher de réaction politique pour dénoncer le scandale.
U Levante a décidé d’alerter les décideurs et l’opinion publique sur un fait qui, au-delà du site illégalement exploité, menace aujourd’hui tous nos sites : « Si les propriétaires du Domaine de Murtoli ne sont pas poursuivis par l’État malgré toutes ces infractions commises sur un site remarquable et dans la bande des 100 m, comment le même État pourrat-il poursuivre, en Corse, le même type d’infractions sur d’autres sites remarquables et dans la bande des 100 m… sauf pour M. le Préfet à soutenir que le respect de la loi s’arrête là où commence le Domaine de Murtoli et démontrer ainsi que l’égalité des citoyens devant la loi Littoral et le Padduc est une illusion ? »
Ajoutons : comment encourager les élus de proximité que sont les maires, souvent eux-mêmes confrontés à de fortes pressions sur leur territoire, à respecter ce même Padduc, en réalisant des documents d’urbanisme locaux (PLU ou Carte Communale) dans le respect des règles d’urbanisme ? « Pourquoi les paillottes seraient-elles démolies si le restaurant de la Plage ne l’est pas ? » interroge encore U Levante.
Seule la volonté du nationalisme corse de « bâtir un pays » fort de nos valeurs, de notre patrimoine et de cette recherche intangible, permanente, de faire triompher l’intérêt collectif du peuple corse sur les intérêts privés peut nous aider à surmonter les difficultés face à un tel déni du droit.
Fabiana Giovannini.
La parole au Domaine de Murtoli
Extrait du site internet du Domaine présentant le restaurant « La Table de la Plage »
«Une ancienne cabane de pêcheur a inspiré l’emplacement du restaurant. En plein air, le cadre est enchanteur entre oliviers et lentisques, entre ombre et soleil, et vous propose une cuisine aux tonalités méditerranéennes à la belle saison, fait de bois flottés, avec les tables qui descendent en terrasses jusqu’au bar et sur la plage. Dans les recoins, des petits salons aux larges fauteuils invitent à savourer le temps autour d’un cocktail ou d’un rosé frais, juste avant de passer à table.
Une ardoise vous offrira alors tout ce que la Méditerranée a de meilleur. L’espace grill vous permettra de savourer viandes du Domaine, poissons et crustacés fraîchement pêchés et aux saveurs exaltées. Un lieu de convivialité fait pour se retrouver du printemps à l’automne, dès et aussi longtemps que la météo le permet.
L’été venu, de belles soirées vous attendent, à la lueur des bougies parcourant la grande plage par milliers. Fêtez la musique, concert de voix corses, soirée « hippie chic », concert de musique classique, découverte de nos producteurs et dégustations, autant de belles occasions pour vivre un moment unique sous les étoiles de Murtoli, les pieds dans le sable. »
Le Domaine, bien sûr, vante aussi toutes ses autres installations sur lesquelles on peut se poser bien des questions encore… Rien n’est dans les règles sur le Domaine de Murtoli, ni les Bergeries, ni le Club House, ni les restaurants, ni le Chenal d’accès en mer, ni le golf… « Vous êtes au Paradis ! » dit le site du Domaine sur son site. Et c’est vrai que c’est beau, mais cela autorise-t-il à se jouer des lois ?
À propos de l’Arrêté de Biotope
Le règlement contenu dans l’Arrêté préfectoral de protection de biotope est précis :
Le règlement applicable à cet APB stipule :
– «9°- Il est interdit de troubler la tranquillité des lieux en utilisant tout instrument sonore.
– 10°- Il est interdit de porter atteinte au milieu naturel en faisant des inscriptions autres que celles qui sont nécessaires à l’information du public ou aux délimitations foncières.
– 11°- Tout travail public ou privé est interdit, sauf ceux nécessaires à l’entretien du périmètre protégé.
– 12°- Toutes activités industrielles et commerciales sont interdites.
– 13°- La circulation de tout véhicule à moteur est interdite en tout temps sur l’ensemble du périmètre protégé ».
«Or, dénonce encore U Levante, des concerts sont donnés et de la musique est diffusée, les atteintes au milieu naturel sont légion (déboisement, ouverture de pistes), il s’agit bien d’un commerce, les véhicules à moteur y pénètrent et y stationnent ! Les images du site montrent qu’une cuisine avec des fours y est installée et qu’un incendie est donc toujours possible ».