«Un courrier du dernier jour, de la dernière heure » a réagi Jean Biancucci au nom du Conseil Exécutif pour qui cette « lettre d’intention » doit être prise « a minima ». Le projet d’approvisionnement gaz de la Corse depuis une barge située au large de Lucciana et desservant Aiacciu par le gazoduc Cyrénée est inscrit dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie 2016-2023. Il ne peut être remis en cause de la sorte !
La lettre est datée du 27 août. Elle est la, ou une des toutes dernières, lettre signée par Nicolas Hulot avant qu’il ne prenne la parole sur les antennes de France Info, tôt le matin du 28 août, pour annoncer sa démission-surprise.
En fait l’abandon du gaz conduirait à pérenniser un approvisionnement au fioul léger tel que EDF a été contraint de recourir grâce à la mobilisation qui avait été menée à Lucciana au moment du renouvellement de la Centrale EDF. Car c’est le fioul lourd pour trente nouvelles années qui avait été initialement programmé.
La lettre de Nicolas Hulot se défend de vouloir prolonger pour une génération encore les pollutions liées à la production d’électricité en Corse à partir du fioul. Mais son contenu, qui tient en quelques lignes, avance sans aucune faisabilité crédible la proposition « d’implanter une seconde barge à quelques kilomètres d’Ajaccio au large en dehors de la baie ». Car, contrairement à Lucciana, les fonds marins de la côte ouest ne comportent pas de sites favorables, de faible profondeur, de façon à pouvoir arrimer un tel stockage en mer.
Sans compter qu’il faudrait tout dédoubler pour la livraison de gaz : deux voyages de méthaniers, deux dispositifs de remorqueurs pour réaliser la manoeuvre en mer, etc.
En fait c’est l’abandon pur et simple du projet que ce courrier prépare, du fait d’une hostilité croissante des services de l’État, notamment celle la toute puissante Commission de Régulation de l’Energie dont le Président Jean François Carenco est un adversaire déclaré de l’approvisionnement gaz de la Corse.
Mais remettre en cause un choix politique aussi fortement mis en avant, sur des arguments fallacieux, notamment celui d’un coût claironné depuis des mois par Jean François Carenco, mais démenti par l’offre d’une des entreprises concurrentes, n’est pas acceptable.
Une révision de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie est programmée par la loi. La Collectivité de Corse devra batailler ferme pour faire reculer le lobbying de certains services de l’État, notamment l’ancien Préfet Carenco, probablement à l’origine de ce courrier, et imposer la réalisation d’une infrastructure gaz qui assurera la Corse d’une énergie propre pour la production d’électricité, et qui permettra la pérennité des réseaux gaz d’Aiacciu et Bastia.
L’autonomie énergétique de la Corse est programmée pour 2050, soit la durée de vie du parc thermique rénové par EDF, à Lucciana depuis trois ans, et au Vaziu dans cinq ans. L’énergie gaz pour cette transition est de loin le meilleur choix pour la Corse, dépourvu de retombées polluantes, n’en déplaise à ceux qui « découvrent » qu’un tel investissement sera nécessairement un effort financier et administratif important, notamment pour aménager le trajet de la canalisation.
La transition vers les ENR n’est pas facile, car leur insertion dans le réseau d’une île est complexe et demande des investissements connexes de stockage d’énergie, comme le projet de Station de Pompage du Fium’Orbu, bien identifié, mais toujours à l’arrêt et jamais évoqué par Nicolas Hulot, ni lors de son déplacement en Corse en juillet, ni dans son courrier de démission. Aussi, tous les voyants passent au rouge : pour la haute administration de l’État, c’est désormais le fioul qui est l’avenir de la Corse.
En tous les cas voilà un nouveau cactus dans la relation entre l’Etat et la Collectivité de Corse !
F.A.