Qui n’avance pas recule ! En matière de projet structurant pour la Corse, un projet s’est imposé au fil des décennies pour marquer un « changement d’époque » pour la Corse, tant sur le plan environnemental qu’énergétique et économique : l’approvisionnement en gaz naturel pour remplacer le fioul lourd dans les centrales thermiques EDF. Le même projet existe pour la Sardaigne. Il vient d’y connaître une brusque accélération, quand, au contraire, il semble faire du surplace en Corse.
Le projet corse est celui d’une barge stationnée au large de la centrale EDF de Lucciana, puis relié à la future centrale du Vaziu par un gazoduc cheminant sur 15O km via la Plaine Orientale et le sud-Corse. Celui de Sardaigne est celui d’un terminal gazier implanté sur la zone industrielle en friche de Porto Torres, là où existait une unité de raffinage pétrochimique. Puis d’un gazoduc implanté dans le « sillon central », plaine géologique qui va du nord au sud, de Porto Torres à Cagliari via Sassari.
Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de sortir les espaces insulaires de la logique du fioul lourd ou, même, pour la Sardaigne, du charbon, deux énergies à très fort impact polluant, pour passer au schéma du 21ème siècle, appuyé sur un développement des énergies renouvelables complété par l’énergie du gaz pour la production d’électricité, en profitant de cette infrastructure pour mettre à disposition l’énergie la moins polluante à destination des consommations urbaines ou industrielles, actuelles et futures.
En Sardaigne, l’ENI (l’équivalent de Total en Italie) et la SNAM (leader européen du secteur gaz) viennent, le 02 mars dernier, en présence du Président de l’Exécutif sarde, dans les locaux mêmes du Ministère de l’Industrie italien, de rendre publique leur volonté de conclure un projet commun, en y associant un troisième partenaire, SGI Gasdotto, opérateur gazier concurrent de la SNAM, de bien moindre importance, mais déjà engagé sur le terrain sarde.
En Corse, les Inspecteurs Généraux du Ministère de la Transition Ecologique, qui chapeaute l’Energie, et ceux du Ministère des Finances, qui sont le cœur même de la machine étatique française, viennent de rendre public un rapport conjoint daté d’octobre 2017 sur « la péréquation tarifaire avec les zones non interconnectées » dont la seule proposition concrète exprimée avec force est de faire capoter définitivement le projet corse.
Présenté comme un rapport destiné à faire baisser les coûts du système de péréquation qui fait que les tarifs de vente d’électricité dans les Zones non Interconnectées (Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte et Réunion) sont les mêmes qu’en métropole continentale, ce qui génère des engagements financiers importants de l’Etat, les Inspecteurs généraux appellent à l’annulation du projet corse pourtant en phase d’appel d’offres.
Certes le rapport des Inspecteurs Généraux n’est pas seul à décider de l’avenir du projet. Le Ministère de Nicolas Hulot manifeste même une louable volonté de faire aboutir la procédure de « dialogue concurrentiel » qu’il pilote pour sélectionner l’opérateur capable de porter le projet. Et, sans surprise, on trouve les opérateurs du projet sarde parmi les acteurs les plus engagés de la procédure corse, soit directement, soit à travers leur filiale française.
Mais les clefs du projet sont tenues par d’autres mains : la Commission de Régulation de l’Energie devra trancher sur les conditions de financement du projet, et elle n’a pas donné sa position pour éclairer les pétitionnaires dont l’offre dépendra évidemment de ces conditions économiques de base ; et EDF qui doit s’engager sur une utilisation de long terme de l’infrastructure pour garantir aux investisseurs sa pérennité économique puisque l’alimentation des centrales thermiques représentera 90% des usages du gaz dans le contexte corse.
Le dossier entre désormais dans une phase cruciale. Aux acteurs corses d’être eux aussi, comme en Sardaigne, pleinement impliqués pour que le projet débouche.