Olivier Dubuquoy est un militant de l’environnement, principal animateur avec Jean Ronan Lepen, de l’association ZEA qui œuvre à la défense des océans, ils ont créé le mouvement Nation Océan. Il vient de réaliser un documentaire-témoignage sur les luttes pour la défense de l’environnement qui ont abouti à des victoires. C’est là le message essentiel : ne jamais baisser les bras. Ainsi, au travers de différents exemples de luttes il met en avant ces démarches citoyennes qui doivent nous inspirer avec leurs « stratégies fondamentales pour les années à venir ». Il était l’invité au parlement de Bruxelles des eurodéputés François Alfonsi (Verts ALE) et Nora Mebarek (Socialiste). De nombreux autres eurodéputés étaient présents à ce rendez-vous (Raphaël Glucksmann, Eric Andrieu, Pierre Larrouturou…).
« Il y a une sorte de mouvement sans frein qui a poussé le développement de la civilisation marchande et capitaliste industrielle à une expansion qui se veut sans limite » introduit dans le film le sociologue et grand témoin, Edgar Morin. Se succèdent alors les témoignages, avec le zoom mis sur six luttes toutes portées par la révolte contre l’injustice, et une détermination portée sur tous les fronts, celui du terrain et de la mobilisation, celui de la justice et des procédures judiciaires, celui parfois des moyens extrêmes… Toujours avec la même abnégation, et appuyée sur la légitimité et la force d’une organisation collective et solidaire qui n’a pas peur de s’inscrire dans la durée. Même si c’est difficile, même si c’est épuisant, ils ont tenu, et parce qu’ils ont tenu, ils ont gagné.
Voilà qui redonne du baume au cœur à bien des combats actuels : ne rien lâcher, persévérer, revenir sans cesse à la charge ! Ce sont des combats qui transforment la vie de celles et ceux qui les ont menés et les font rejoindre l’universel d’une « lutte manichéenne du bien contre le mal ».
Le projet Erscia d’une scierie industrielle dans la forêt du Morvan, dans la Nièvre, en 2011, en réalité un incinérateur destiné à brûler des bois y compris de déchetteries, donc pollués. L’industriel promet des emplois, des investissements mais il va détruire 160 hectares de forêt. Les habitants de la petite commune de Sardy-lès-Epiry décident de résister et s’organisent en ZAD pour bloquer le projet. Ils tiennent le siège durant des mois, alors que des procédures devant le tribunal administratif sont déclenchées. Bataille judiciaire et bataille militante à coups de barricades et de tranchées pour défendre leur territoire, la santé, l’eau, les espèces protégées. L’occupation durera un an. « À chaque fois qu’on dépossède les gens sur un territoire, on ne leur demande pas leur avis. Donc il faut que les gens se le réapproprient. Pas forcément dans la violence, mais en tous les cas dans l’action » explique Muriel André. « On est très fiers d’avoir gagné grâce aux grenouilles et à la zone humide ! »
Les Boues Rouges en Corse dans les années 70, le droit, la mer souillée, les cétacés morts sur les plages, la protestation qui s’amplifie, les manifestations monstres… rien y fait. Seul le sabotage d’un navire pollueur finira par faire céder l’industriel Montedison qui déversait au large du Cap Corse des milliers de tonnes chaque jour d’acide sulfurique, de sulfate de fer, de titane, de valadium. C’est le reportage le plus extrême de l’ensemble des témoignages, montrant que la lutte peut parfois aller loin dans la détermination. « Légalement on n’a pas abouti, mais clandestinement, ça a mis un terme au déversement des boues rouges » témoigne Jean Pierre Susini.
Plogoff dans le Finistère, et le projet de centrale nucléaire. Une mobilisation qui a duré de nombreuses années avec des affrontements durs contre les forces de l’ordre et des mobilisations jusqu’à 100.000 personnes sur le site. « Les femmes se sont mises au premier plan face aux gardes mobiles… elles ont joué un grand rôle, et ça leur est venu naturellement, comme si elles avaient fait ça toute leur vie alors que c’était quelque chose de complètement exceptionnel » raconte Nicole Le Garrec. C’est un autre aspect de ces luttes difficiles, le rôle des femmes est souvent essentiel pour se dresser contre l’arbitraire et l’injustice. Là encore, construction de barricades la nuit pour résister le jour et faire de Plogoff « une île » où les habitants ont résisté durant plusieurs années avec une solidarité impressionnante jusqu’à vouloir être jugés tous ensemble avec les personnes qui étaient interpellées durant les affrontements. Une mobilisation déterminante. Candidat à l’élection présidentielle, François Mitterrand promet de mettre fin au projet. Il tiendra promesse en 1981.
La décharge industrielle GDE de Nonant-le-Pin en 2013 en Normandie. Blocage de l’entrée du site, affrontement avec les gendarmes, et là encore des femmes qui se mettent en avant et décident de rester sur place « 346 jours, sept jours sur sept ». « Le problème c’est que pour se défendre contre des monstres pareils il faut de l’argent et des avocats et ça, on n’avait pas. C’est là que le rouleau compresseur fonctionne au détriment du quotidien des pauvres gens… Mais ce qu’ils n’avaient pas vu c’est que notre terre est riche de champions qui sont nos chevaux. Il y a eu une idée, vendre des saillies prestigieuses qui pourraient financer la bataille juridique » raconte Emilie Dehaudt. Et c’est comme ça que les habitants ont pu financer les procédures judiciaires engagées pendant que se poursuivait l’occupation du site. 10 ans de combats, « on a gagné ! » se réjouit Emilie.
Figure emblématique de tous ces combats, José Bové nous raconte le Larzac contre l’expansion d’un camp militaire sur les 17.000 hectares du plateau. « Quand on rentre dans l’action non violente, il faut d’abord vaincre ses peurs », « se mettre en mouvement, agir et essayer de construire pour créer ce rapport de forces qui fait que les choses changent ». Là encore près de 10 ans de combats et d’actions de siège jusqu’à l’élection de François Mitterrand qui met fin au projet.
Dernier témoin, Txetx Etcheverry et la mobilisation contre le sommet pétrolier et gazier de Pau en 2016, qui veut accélérer l’exploitation des hydrocarbures en mer, en plein débat sur les conséquences du réchauffement climatique à la COP 21 ! Plusieurs centaines de militants réussissent à bloquer ce sommet par la désobéissance civile et des actions non violentes spectaculaires conduisant à la mise en place d’un moratoire sur l’exploitation des hydrocarbures en Méditerranée. « Ce sont des gens en costumes cravates mais en réalité ce sont des criminels… il faut montrer une énorme détermination, chaque dixième de degré va compter, c’est pour ça que je me vois encore longtemps à fond » affirme Txetx avec détermination. Le climat : le combat de tous les combats engagés, qu’il nous reste encore à gagner collectivement !
« Nous avons souhaité réaliser un documentaire sur ces personnes qui passent chaque jour de l’indignation à l’action et s’engagent collectivement pour défier l’injustice » conclut Olivier Dubuquoy. Un bel hommage à ces luttes, mais aussi et surtout un encouragement aux initiatives et à la détermination citoyennes. Forza à tous celles et ceux qui osent ! •
Fabiana Giovannini.