Herbier de posidonie

Le trésor de la Méditerranée

L’espèce n’existe qu’en Méditerranée, mais elle y est largement répandue : tout le long des côtes d’Espagne, de Catalogne, de Provence, d’Italie et de Grèce ; et aussi tout autour des îles Baléares, de la Sardaigne, de la Corse, de l’archipel toscan, et, en grande partie, de Chypre, de Malte et de la Sicile. En Croatie il en existe d’amples surfaces qui s’appuient sur le linéaire côtier des archipels de l’Istrie et de la Dalmatie ; même configuration en Tunisie dans le golfe de Gabes et Djerba. Il est très présent aussi tout autour des multiples îles de la mer Egée.

 

 

On dit que l’herbier de posidonie qui longe la plaine orientale en Corse est le plus important en surface, car les fonds marins y forment un plateau de faible profondeur jusqu’à loin au large. Car l’herbier de posidonie se développe le long des côtes jusqu’à 40 mètres de profondeur. Au total on estime la surface occupée en Méditerranée par la plante sous-marine à deux millions d’hectares, malgré les reculs subis sous la pression de l’urbanisation, de la pollution, de la pêche au chalut et surtout, depuis les dernières décennies, de la grande plaisance dont les ancres détruisent le substrat de cette végétation, les mattes, qui, une fois détruites, mettent un siècle à se reconstituer. Il y a urgence à réglementer et interdire ces pollutions qui menacent un trésor écologique et économique majeur pour la Méditerranée. Sans herbier de posidonie, la Méditerranée deviendrait une mer morte !

 

Un bénéfice important

Les effets bénéfiques de l’herbier de posidonie, espèce endémique de la Méditerranée, sont multiples et importants.

Il offre un habitat unique pour la biodiversité marine, poissons, crustacés, nacres, et son cycle végétal (c’est une plante qui fleurit et fructifie, pas une algue !) contribue à fixer le gaz carbonique, à recycler les matières organiques et à oxygéner le milieu naturel.

Il protège le littoral, notamment les plages, des assauts des vagues lors des tempêtes, en affaiblissant la houle et en apportant avec les posidonies mortes,  des protections naturelles.

Son pouvoir de séquestration du gaz carbonique est une véritable bénédiction à l’heure du réchauffement climatique. Ainsi, 15 % du gaz carbonique émis en Corse est séquestré par les herbiers de posidonie qui entourent l’île. La raison de cette performance est l’extraordinaire système racinaire qui se développe dans la matte où la plante a ses racines, et qui, année après année, atteint une épaisseur de plusieurs mètres, jusqu’à plus de dix mètres, à condition bien sûr que des ancres multiples ne continuent pas à la labourer violemment chaque été.

Car le pouvoir de captation carbone de l’herbier de posidonie est le plus important qui soit au monde. Un hectare d’herbier de posidonie capte cinq fois plus de gaz carbonique qu’un hectare de forêt amazonienne, et 25 % de plus qu’un hectare de mangroves tropicales. C’est le champion toutes catégories et, à 99 % cette captation se fait par son système racinaire.

Une menace bien réelle

Mais l’herbier de posidonie est menacé. On estime qu’en un siècle, il a perdu un quart de sa surface. Des mesures ont été faites dans des zones sous forte pression comme en Provence : sur les sept dernières années, l’herbier de posidonie a reculé de près de 30 % dans le Golfe Juan comme dans la baie de Beaulieu, lieux sur la Côte d’Azur particulièrement impactés par la grande plaisance.

Les réglementations et les conventions internationales existent et sont même nombreuses pour sa protection : convention de Barcelone (1976), convention de Berne (1979), directive Habitats (1992). Toutes interdisent sa destruction, mais, dans les faits, elles ne sont pas mises en œuvre, seulement trois pays les ayant traduites dans leur législation nationale, et surtout, faute de contrôles effectifs, notamment face au mouillage sauvage des grosses unités de plaisance qui pullulent l’été venu.

Un réseau méditerranéen s’est créé il y a trois ans à Athènes : le Mediterranean Posidonia Network (MPN). Le gouvernement des Iles Baléares y joue un rôle de premier plan auprès d’ONG comme WWF, et d’organismes internationaux comme l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), créée en 1946, présente dans cinquante pays, qui a fait de la protection de l’herbier de posidonie une de ses priorités. L’Office français de la biodiversité y est très actif également.

Le 7 mars dernier, j’ai accueilli le réseau MPN au nom de l’intergroupe Searica au Parlement européen. Il faut tout faire pour qu’il soit entendu et qu’il développe son action. La Corse, comme les Baléares doit s’y impliquer. Et elle le fera d’autant plus efficacement si, comme le gouvernement des îles Baléares, elle dispose de l’autonomie. •

François Alfonsi.