Le 26 avril 1986, la plus grande catastrophe nucléaire civil de tous les temps se produit à la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine. Sous la responsabilité de l’URSS, le réacteur 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl dans la république soviétique d’Ukraine explose, l’incendie qui s’en suit durera 10 jours. Durant des mois, la bataille de Tchernobyl va sacrifier des milliers de vies*. Toutes les conséquences de cette catastrophe n’ont probablement pas encore été révélées. Ce que nous en savons suffit à effrayer l’humanité, d’autant que le pays est en guerre aujourd’hui qui pèse sur la sécurité du site. Mais le plus grand désastre difficilement appréhendé par nos sociétés, c’est que Tchernobyl nous survivra.
La durée de demie vie du plutonium est de 24.000 ans. Il perdra alors seulement 50 % de sa nocivité, 24.000 ans plus tard, la contamination baissera encore de 50 % et ainsi de suite.L’Uranium 235 a une durée de demie vie de 700 millions d’années. L’Uranium 238 de 4,51 milliards d’années. Le plus vieux fossile d’Homo Sapiens n’a que 300.000 ans. C’est dire !
Quantité d’autres radioéléments très nocifs ont été libérés au moment de l’explosion de Tchernobyl. On estime à 12 milliards de gigabecquerels la radioactivité relâchée dans l’environnement, principalement sur un rayon de 30 kilomètres décrété « zone interdite » avec ses dizaines de villes aujourd’hui fantômes. Le nuage radioactif s’est élevé à plus de 1.000 mètres d’altitude et s’est propagé en Europe pour retomber au sol au gré des pluies. 38 ans plus tard, subsistent encore des radioéléments dans l’air ou dans le sol par « tâches de léopard » indiquent les scientifiques.
La quantité de radioactivité libérée a été si considérable que tout a été contaminé, principalement en Biélorussie, en Ukraine, en Russie. 45 % de la contamination a pénétré les sols de ces pays, la végétation, les habitations, les véhicules, et touché bien évidemment animaux et êtres humains. Aujourd’hui encore, des enfants naissent malformés et 80 % de cette jeunesse subit les conséquences de Tchernobyl, avec des pathologies de toutes sortes, cancers, maladies cardiovasculaires, maladies de la thyroïde, cataracte… Le reste de la radioactivité s’est propagée avec le nuage qui a transporté son poison. En France, la Corse est la région la plus touchée du fait des pluies abondantes au moment de son passage.
À Tchernobyl, il a fallu tout laver à grande eau pour lutter contre cette pollution sournoise, prélever la terre sur plusieurs centimètres, jusqu’à un mètre à certains endroits, pour « l’enterrer » dans la « zone d’exclusion » ou l’enfermer dans des sites dédiés avec les dizaines de milliers de mètres cubes de déchets radioactifs, gravats, ferrailles, retirés de la centrale. Sans parler du sarcophage de béton construit pour stopper la contamination du cœur du réacteur jamais éteint malgré les quantités considérables de sable et de plomb déversé pour étouffer l’incendie. Il faudrait même parler d’un double-sarcophage puisque le premier fissuré et menaçant, a été recouvert par une immense arche de protection, sorte d’enceinte de confinement en métal pour parer les intempéries et éviter l’effondrement de la structure. Un chantier titanesque ! Construit sur 150 m de long, 257 m de large et 108 m de haut, le coût de ce dôme de 36.000 tonnes a été chiffré à plus de 2 milliards d’euros financés par un fond international géré par la Banque européenne. Sa durée de vie est estimée à un siècle. Et il n’est pas étanche à la radioactivité !
La leçon de Tchernobyl n’a jamais été tirée. Malgré le coût humain de la catastrophe de 9 millions de personnes touchées à travers le monde selon l’ONU, l’industrie nucléaire continue à le minimiser, et les responsables politiques de tous pays à estimer pouvoir en maîtriser les risques.
L’exploitation du nucléaire s’est donc poursuivie, depuis l’extraction de l’uranium nocive pour les populations concernées d’Afrique, jusqu’aux centrales en France, parmi les pays les plus nucléarisés au monde, avec ses 56 réacteurs et son nouveau programme nucléaire : 14 réacteurs EPR (six immédiatement et huit à l’étude) pour un coût estimé selon Greenpeace à plus de 100 milliards d’euros (67,4 milliards annoncés par le gouvernement), alors que le tout premier EPR de Flamanville n’est toujours pas en activité après un chantier qui a duré 17 ans et coûté 19 milliards d’euros (initialement prévus pour 3,3 milliards sur 5 ans) ! Ce programme envisage aussi la multiplication de petites centrales modulables (projet SMR Nuward) censées être moins coûteuses, mais qui ne feront qu’augmenter le risque nucléaire. Effrayant. •
Fabiana Giovannini.
* Durant des mois le magma formé à partir de l’uranium et du plutonium en fusion, pénètre le socle en béton armé. Des mineurs sacrifiés sont envoyés creuser un tunnel sous la centrale pour tenter de l’arrêter et éviter qu’elle n’ait à percer la dalle du réacteur puis le sol pour atteindre la nappe phréatique… Auquel cas, avec la concentration de vapeur, c’est une explosion monumentale condamnant potentiellement toute l’Europe en une immense zone inhabitable qui menace…
Dessous ou dessus la centrale, ce sont des centaines de milliers de « liquidateurs » qui ont été mobilisés et exposés à des taux de radioactivité effroyables. Les corps de certains n’ont jamais été rendus à leurs familles, ayant dû être traités comme des déchets radioactifs…