Marie Toussaint pour les droits du fleuve Tavignanu

« Vous avez une forte capacité à renverser la donne »

Ce dimanche 3 avril, après avoir remis à trois reprises son déplacement du fait des terribles événements qui ont secoué la Corse, l’eurodéputé Europe Ecologie Marie Toussaint était en Corse pour une visite en deux temps. Première signataire de la Déclaration des droits du fleuve Tavignanu avec l’eurodéputé François Alfonsi, elle souhaitait se rendre sur les lieux du projet de centre d’enfouissement de déchets ménagers et de déchets amiantifères, pour confirmer son soutien au Collectif Tavignanu Vivu. Par ailleurs, membre du comité de campagne de Yannick Jadot, elle a également tenu une réunion publique toujours sur Aleria (Mulinu Vivu) pour lancer un appel à « faire face » au dérèglement climatique, aux difficultés du monde, et plus particulièrement de la Corse et de ses aspirations, en votant Yannick Jadot dès le 10 avril prochain. Interview.

 

 

Le sens de votre venue en Corse ?

Tout d’abord, je remercie le Collectif pour son accueil et surtout pour son combat pour les droits du Tavignanu. Je sais que vous avez noué un lien particulier avec ce fleuve, ce territoire et tout cet écosystème. C’est une action menée à la fois avec les outils traditionnels de lutte à travers le droit et avec une nouvelle éthique, une nouvelle vision de notre rapport à la nature. Le Collectif et les Corses en général sont déterminés dans ces combats-là. La déclaration des droits du fleuve Tavignanu c’est une première en France et j’espère qu’elle sera portée très haut. Récemment, l’initiative citoyenne espagnole qui visait à reconnaître les droits de la lagune Mar Menor est passée devant le parlement espagnol. Tous les partis politiques sauf Vox, le parti d’extrême droite, ont voté pour étudier cette proposition. Ce qui veut dire qu’on entre dans le véritable processus législatif, ça peut vraiment changer la donne et ça vient d’une initiative citoyenne. La même que vous portez ici en Corse pour le Tavignanu.

 

Quelle pourrait être justement la suite pour le Tavignanu ?

Il faut la préparer ensemble, c’est absolument essentiel, il faut que cela ait une continuation politique. Ces initiatives portent vraiment un autre modèle de société, pas que pour la Corse, bien au-delà, pour la France, l’Europe, mais aussi le monde. On voit que l’on est enfoui dans des crises avec toujours un pourcentage plus petit de personnes qui détiennent toujours plus de richesses et qui détruisent toujours plus vite. Renouer notre rapport avec le vivant pour faire de la terre une alliée dans la bataille pour la justice, l’égalité, l’émancipation, la liberté et la démocratie, c’est essentiel.

 

De quelles façons transcrire cela au plan politique ?

Vous avez des députés qui portent ces idées à l’Assemblée nationale ou au parlement européen, mais c’est vrai que si l’on avait un chef d’État d’une grande nation d’Europe comme la France, qui portait cette volonté de reconnaître les droits du vivant et de mettre en place les outils pour que ceux-ci soient respectés, et que les citoyennes et citoyennes puissent vraiment les prendre en main et se battre contre celles et ceux qui portent atteinte au vivant, ça changerait considérablement la donne. On peut mener la bataille mais ça irait beaucoup plus vite avec un président écologiste. Aussi je vous appelle à vous mobiliser pour faire élire Yannick Jadot à la présidence de la République.

 

Les premiers combats nationalistes en Corse ont été et restent des combats pour la défense de la terre…

Vous avez une forte capacité à renverser la donne, vous l’avez démontré à plusieurs reprises. Je suis très impressionnée d’être en Corse. Il y a eu de grands combats pour le vivant qui ont été menés ici, qui ont été emportés, et qui ont tracé des pistes de futur. Je pense aux Boues Rouges, à la question de l’exploitation des hydrocarbures. Donc merci au Collectif Tavignanu, mais merci aussi à toutes celles et tous ceux qui ont mené ces combats parce que ce sont de vraies sources d’inspiration qui donne du courage pour continuer la bataille.

 

L’action actuellement engagée pour les droits du fleuve, ouvre-t-elle à des possibilités au niveau juridique avec une plainte en justice par exemple comme vous l’avez fait pour l’Affaire du siècle ?

Il y a un travail en cours. Ça prend du temps parce qu’on n’a pas les lois aujourd’hui qui permettent de s’opposer de telle manière à un projet privé. Mais il y a quand même différentes pistes que l’on est en train de creuser. Avec l’Affaire du siècle on a réussi à faire reconnaître que l’inaction face au réchauffement climatique était un préjudice écologique. L’autre élément, c’est que le tribunal administratif a reconnu que l’État pouvait être responsable de ce préjudice écologique. C’est une jurisprudence qui pourra être utilisée pour nous permettre de faire valoir le préjudice écologique et les droits de la nature dans des combats comme le vôtre. L’autre bataille c’est celle de retrouver au niveau français, européen et mondial une solidarité des collectifs mais aussi des collectivités par rapport à toutes ces actions qui sont pour la défense du vivant. La société influe sur le jugement des juges, ces combats de terrain sont véritablement très importants et je vous encourage à poursuivre votre action, elle finira par porter ses fruits et vous pouvez compter sur moi, sur les écologistes, sur Yannick Jadot pour vous soutenir dans tous ces combats et dans vos revendications politiques pour plus de reconnaissance et de démocratie. •