R&PS

Des débats riches, pour « le renouveau de la démocratie en France et en Europe »

Gustave Alirol, président de R&PS, a ouvert les débats soulignant un « contexte renouvelé avec l’effondrement des partis, mais aussi la disparition des territoires avec la loi NOTRe, d’une part, des résultats intéressants pour la fédération d’autre part, en Alsace, en Corse, en Bretagne…» «R&PS est une force politique qui doit s’affirmer » a martelé le président de la Fédération qui a aussi rappelé le contexte de l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République. «À nous de construire l’ouverture pour le renouveau de la démocratie en France et en Europe » a-t- il invité les membres de la Fédération.

De son côté, Andrée Muchenbach, présidente de Unser Land, parti autonomiste alsacien qui accueillait cette XXIIe université d’été, a rappelé que l’Alsace, qui a disparu des strates administratives françaises, était « la région la plus malmenée par la réforme territoriale». «Nous nous comparons volontiers avec envie à la Corse ou à la Bretagne, nos sœurs par la force de leur revendication identitaire, elles ont su préserver leur intégrité territoriale et n’ont pas été fusionnées et dépossédées de leur nom même comme l’a été l’Alsace ».

Mais « l’Alsace n’est pas morte, elle aspire à vivre plus fort ! » a affirmé Andrée Muchenbach, rappelant qu’Unser Land s’est hissé comme 3e parti en Alsace lors des élections départementales et régionales de 2015 et qu’il a pu présenter des candidats dans 15 circonscriptions lors des législatives alors qu’il n’en présentait qu’un seul en 2012. Dans le centre Alsace, leur candidat a obtenu 47% des voix. «Nous sommes régionalistes, nous sommes humanistes, parce que nous croyons à la démocratie directe, à l’autonomie locale, au principe de subsidiarité, tous des principes qui fondent l’Europe » a expliqué encore la présidente d’Unser Land.

 

Le droit local alsacien ouvre des portes

Et c’est en développant l’expérience alsacienne qu’ont débuté le 24 août les débats de cette université d’été. Jean Marie Woehrling, président de l’institut du Droit local alsacien a fait l’historique de celui-ci, institué depuis 1871 avec la constitution en land allemand de l’Alsace Moselle, il intègre plusieurs dispositions du droit allemand jusqu’en 1918, mais aussi, du fait d’un pouvoir législatif octroyé, le territoire se forge un « droit provincial » sur le plan civil comme commercial. En 1918, l’Alsace- Moselle redevient française et la France conserve les droits acquis dans l’attente d’une remise à niveau. Mais en 1924, les Alsaciens se soulèvent pour refuser la mise à mal de leur droit religieux. Les choses restent donc en l’état. En 1940, l’Allemagne nazie supprime le droit local alsacien qui sera rétabli en 1944. La France annonce encore une intégration progressive au droit français mais ne parvient pas à le remettre en cause. Elle se contente d’intégrer des dispositions nouvelles de droit français. C’est à partir de 1985, que les Alsaciens prennent conscience de leur spécificité et, avec la régionalisation qui s’affirme, ils revendiquent une modernisation qui se fera par petites touches jusqu’en 2010.

Même si parallèlement, certaines dispositions sont grignotées insidieusement.

Le slogan de cette Université d’été : Alsaciens nous sommes, Alsaciens nous voulons rester.

En 2011, une décision constitutionnelle reconnaît le droit local alsacien mais aussi son caractère transitoire (encore !) Droit des cultes, dispositions du droit fédéral allemand, comme le Code Civil, le Code Commercial, ou des mesures régissant les professions, etc, le droit local alsacien contient des dispositions élaborées par les alsaciens eux-mêmes toutes ces années : loi sur le cadastre, droits spécifiques à la chasse, mesures régissant les communes ou relevant de la législation sur l’eau, etc. Il y a enfin des dispositions accordées par les autorités françaises au cours de l’histoire, comme des droits spécifiques concernant l’Assurance maladie, les aides sociales, le droit du travail, le foncier, le droit des associations, etc. 90% de la population alsacienne souhaite conserver son droit local.

L’existence d’une telle spécificité démontre qu’une organisation législative particulière est parfaitement possible au sein de la République française sans pour autant provoquer une implosion du pays. «C’est au contraire un gage de satisfaction pour la population et donc de paix sociale » explique Jean Marie Woehrling, « l’expression de la subsidiarité, une première étape vers une démocratie régionale». Et cette spécificité peut très bien s’envisager en d’autres domaines, celui de la langue par exemple, de la culture, des relations transfrontalières. Antoine Fabian, vice-président du Conseil d’Administration du Régime local d’Assurance Maladie apporte des arguments supplémentaires, tant l’intelligence de la gestion et de l’organisation de ce régime particulier démontre qu’on peut bien gérer, avec des bénéfices, un régime d’assurance sociale, pied de nez au déficit structurel de la Sécurité sociale française ! 2,1 millions de personnes bénéficie de ce régime local avec des remboursements plus élevés qu’en France, des cotisations déplafonnées, proportionnelles aux salaires et aux retraites, et qui mise sur la solidarité envers les personnes les plus en difficultés (chômeurs), ou entre génération (personnes âgées). La cotisation en effet n’augmente pas avec l’âge et un retraité sur 5 en est exonéré. De plus, depuis 1998, 8M d’euros ont été investis dans des actions de prévention (cancers et maladies cardiovasculaires). Bref une expérience très intéressante.

Une brèche dans la soi disante unicité de la République qui conduit au débat sur la question de l’évolution de la Constitution française vers plus de régionalisation, avec des droits différenciés selon l’histoire et les revendications des peuples : un véritable fédéralisme à inscrire dans la Constitution !

 

Régions et Économie

Autres débats très intéressants sur le thème d’abord de la régionalisation, avec Robert Hertzog, professeur émérite en Droit Public à l’Université de Strasbourg qui a plaidé pour « un désir de région » à promouvoir pour construire «une nouvelle Alsace ». Il déplore : « au lieu de regarder vers la Californie de l’Europe (outre Rhin), on regarde vers la Meuse»…

«Aucun parti politique gouvernemental ou institutionnel ne parle de régionalisation ». Celle-ci s’est faite par à coup dans l’Histoire. Il affirme encore : « il n’y a pas d’arguments en faveur du Grand Est », et prône la mise en œuvre d’un « système différencié » et d’une véritable « démocratie régionale ».

Autre grand débat de ces journées, l’économie des régions à l’aulne des dernières réformes territoriales. Nouveaux découpages, nouvelles compétences et leurs conséquences pour le développement économique, avec Jean Philippe Ztzenhoffer, docteur en Economie, membre du club Perspectives Alsaciennes qui déplore la faiblesse du budget des régions françaises par rapport à celui des landers allemands par exemple, et la taille démesurée du Grand Est, aussi grand que la Belgique !

Raphaël Schellenberger

Guillaume Duval, rédacteur en chef de Alternatives Économiques appuie lui aussi sur le déséquilibre des régions, de leur organisation et donc de leur poids de part et d’autre du Rhin, mais aussi sur l’importance des terres agricoles « principales richesses du XXIe siècle qu’il ne faut surtout pas gaspiller avec l’étalement urbain ». Il met en garde de « ne pas céder à la mode des métropoles ». Olivier Klotz, patron du Medef alsacien déclare sans complexe : « battons- nous pour donner envie d’Alsace aux alsaciens » ; Raphaël Schellenberger, député Les Républicains du Haut-Rhin annonce sa volonté de proposer « un nouveau statut territorial pour l’Alsace » dès 2021. «Régionaliser aujourd’hui c’est une question d’efficacité » déclare le député LR! Également intervenant, Jean Georges Trouillet, vice-président d’Unser Land, rappelle la volonté des alsaciens. Le parti a commandé un sondage CSA durant la campagne des législatives (échantillon de 1000 personnes) dont les résultats ne laissent aucune ambiguïté : 84% des sondés souhaitent une sortie de la région Grand Est, 73% veulent une fusion des départements en une région Alsace, 50 % veulent une coofficialité de l’alsacien avec le français, 58% veulent l’autonomie de l’Alsace et même 20% se déclarent pour l’indépendance !

Bref, interventions fort brillantes ponctuées par une table ronde entre Paul Molac, député de Bretagne, qui prône un « fédéralisme différencié » et Jean- Félix Acquaviva qui a expliqué comment l’Exécutif territorial en Corse a relevé le défi de ces questions fondamentales, notamment au travers des mesures prises dans les transports maritimes ou aériens. Il a appelé à l’organisation d’un « rapport de force» pour arracher le « pacte girondin » promis par le nouveau gouvernement, car « ça n’ira pas de soi » a-t-il dit, appelant encore une fois à « une solution globale à la question corse : dévolution d’un pouvoir législatif et règlementaire au travers d’un statut garanti pour la Corse dans la Constitution, transfert de ressources fiscales, règlement des questions linguistiques et foncières, consolidation de la paix par des mesures de rapprochement des prisonniers, prélude à l’amnistie. »

 

Régions et Europe

Dernier débat, celui co-animé par l’ALE : la place des régions en Europe, et notamment des régions et nations sans Etat : comment peuvent-elles participer aux processus de décision de l’Europe ? « L’Europe des Etats, c’est l’Europe en mauvais état » a déclaré Gustave Alirol, rappelant les «distorsions démocratiques d’une Europe qui ignore les territoires, niés jusque dans l’imagination de la démocratie citoyenne ». Il prône « l’élargissement interne de l’Europe » et propose de réfléchir à la création d’un « Sénat des Etats et des régions d’Europe ».

Roccu Colonna, vice-président de l’ALE Jeunes, rappelle que l’Europe est « fondée d’abord sur le droit à l’autodétermination des peuples » et fait une pédagogie de l’Europe, de ses grands principes, «paix, prospérité, diversité », et du rôle de chacune de ses institutions. Il prône une circonscription européenne pour la Corse et la mise en œuvre d’un « fédéralisme différencié ». Il appelle enfin nos régions à « sortir des coins où on les a mises ». La Corse n’est pas dans le coin en bas à droite, mais au cœur de la Méditerranée.

Enfin, Mikel Irujo Amezaga, représentant du gouvernement de Navarre au Comité des Régions explique les faiblesses mais aussi les atouts de l’Europe et l’influence sur nos économies. Plus concrètement, il développe la stratégie de spécialisation intelligente pour optimiser l’impact des fonds structurels européens en faveur de la recherche et de l’innovation, les collaborations à renforcer pour créer des synergies et comment le Comité des Régions apporte la démonstration que « une autre Europe est possible ».

Miser sur l’Europe, miser sur les régions : stratégie déterminante pour œuvrer au développement économique !

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