Pourquoi ce besoin de créer une telle association ?
Pour sauver notre peuple et notre terre. J’ai ressenti le besoin d’agir sur la diaspora, après un très long cheminement qui de facto remonte à 1960 – l’Etat voulait créer une station d’expérimentation nucléaire à l’Argentella, près de Calvi – où j’avais créé à Marseille une association des Etudiants corses des Bouches du Rhône et où la mobilisation de toute la Corse et de la diaspora a contraint l’Etat à reculer. La diaspora corse est une réalité objective qui regroupe, d’après des évaluations convergentes, 1 million de personnes, Porto Rico en a près de cinq cents mille, puis vient la France continentale, Marseille et Toulon : 200.000; Paris : 150.000 environ, Lyon et Rhône-Alpes : 100.000; le reste de la communauté vit, éparpillé dans le monde.
C’est pour vous «une richesse»?
Nul ne peut nier que ce terreau est une immense richesse tant sur le plan humain que culturel ; les Corses de la diaspora ont un potentiel exceptionnel de compétences, de moyens financiers, de relations sociales et politiques ; mais c’est sans doute le lien affectif avec l’île qui reste le trait dominant, en dépit de l’ancienneté du départ de l’île ou de l’éloignement géographique.
Que peut apporter la diaspora au peuple corse?
Depuis le début de la décennie 1970, notre mouvance – l’Arc à l’époque – a estimé que c’était une donnée essentielle de la «question corse» ; pour la raison simple qu’elle était partie intégrante du peuple corse, concernée par son devenir et représentative d’un capital humain important et d’une force majeure. Nous avons opté pour une stratégie d’échanges, de contacts avec d’innombrables déplacements sur le continent français. En 1970, nous rencontrions nos étudiants, nous nous sommes adressés à elle à travers les Amicales notamment et nous l’avons progressivement associée aux luttes et revendications insulaires : économiques, fiscales (Décret de 1811, Arrêtés Miot). Puis, elle participé, à nos côtés, au combat des Boues Rouges en 1973, à la lutte d’Aléria en 1975 où sa disponibilité, son engagement ont fait merveille dans l’expression de la solidarité et des demandes politiques concernant un Statut d’Autonomie Interne au sein de la République Française.
Nous l’avons intégrée dans nos instances et lors de premières élections territoriales de 1982, deux de ses représentants étaient élus sur notre liste avec 5 autres militants.
Comment a-t-elle pesé dans la vie des Corses?
La diaspora a été présente dans tous les combats de cette période cruciale de l’émancipation de la Corse, à travers les luttes pour les transports, pour la langue corse, l’Université, en particulier avec l’université d’Eté, l’Association des Etudiants Corses de Paris. Puis en 1981, avec l’élection de François Mitterrand à la Présidence de la République, elle a joué un rôle essentiel notamment parce que Bastien Leccia, Président de la Fédération des Groupements corses de Marseille, a été l’intermédiaire entre l’Etat, nous-mêmes et les forces de progrès pour préparer des réformes majeures (Statut Particulier, Université, dissolution de la Cour de Sûreté de l’Etat, arrêt des Barbouzes de Francia, libéralisation des médias, amnistie des prisonniers politiques…).
Dès lors, la diaspora est devenue partie intégrante et active de toutes les luttes du peuple Corse et il n’a jamais été fait appel en vain à sa solidarité ; des liens se sont tressés, des échanges se multiplient ; nombre de nos compatriotes retournent dans leur île, participent à son développement… En 2004, nous avons créé Corsica Diaspora et Amis de la Corse dont le travail est constant, en lien étroit avec les Associations des Corses à l’Extérieur.
De nos jours, que peut-elle apporter encore à la Corse?
Après des décennies de luttes, démocratiques avec toutes les forces de progrès de Corse, mais aussi violentes avec le FLNC – qui a renoncé aujourd’hui et de manière définitive aux actions armées – la Corse commence à s’apaiser mais croule sous les problèmes graves. À l’heure où son futur se dessine, avec des choix essentiels concernant le droit à la vie de son peuple, ses nouvelles institutions, le développement durable, l’insertion dans l’Union Européenne et dans la Méditerranée, notre diaspora peut-elle contribuer à la réflexion collective et à la réalisation du projet insulaire? Si oui, suivant quelles modalités et par quels moyens ? Voilà les questions que nous nous posons.
Comment pensez-vous qu’elle puisse s’impliquer dans l’avenir de l’île?
Un immense challenge attend la Corse: le rassemblement de toutes les forces de notre peuple, dans le respect de leur diversité, pour amorcer la naissance d’une Corse nouvelle, par le seul dialogue. Nous voulons institutionnaliser et organiser la participation de la Diaspora à la gestion des affaires de l’île. Dans cette optique, nous faisons des propositions :
– une très ancienne, la création d’une Agence du Retour qui doit permettre aux Corses, qui le souhaitent, de retourner dans leur Pays. Elle étudiera, en concertation, avec la diaspora, ses Amicales, la conception et le fonctionnement de cette institution dont le sens symbolique n’échappera à personne mais qui est sous-tendue aussi par une volonté de justice, de solidarité et surtout l’intérêt supérieur du peuple corse.
– un Comité consultatif des Corses de l’Extérieur qui est devenu aussi une revendication de la Fédération des Groupements Corses de Marseille. Comment la diaspora pourrait-elle être absente des décisions, sur les transports, les Arrêtés Miot, les projets politiques et économiques de l’île alors qu’elle est une composante essentielle du peuple corse ?
– Enfin, nous proposons une large concertation de l’Ile avec sa diaspora pour le choix des nouvelles institutions, et de leur contenu économique, social et culturel.
Rendez-vous le 7 juillet à Corti !