Alyn Smith est un des trois députés européens élus en mai dernier en Écosse. C’est un député expérimenté, et il a naturellement été désigné comme Président de notre groupe par les autres députés de l’ALE. Il représente à Bruxelles un Scottish National Party (SNP) en position de force en Écosse, et tout entier mobilisé pour faire échouer un Brexit que le peuple écossais refuse très majoritairement.
Les élections européennes ont été un grand succès pour le SNP en mai dernier ?
Absolument. Nous avons remporté une grande victoire en enlevant la moitié des sièges, trois députés sur les six qui sont élus en Écosse. Notre score est de 38% des voix, c’est-à-dire le meilleur jamais obtenu à cette élection. Réellement, l’Écosse refuse le Brexit et veut rester membre de l’Union Européenne.
Que penser de l’élection de Boris Johnson comme premier ministre du Royaume Uni ?
C’est un véritable désastre. Boris Johnson n’est en rien un homme politique britannique, c’est avant tout un nationaliste anglais. Il est très anti-écossais. Ce n’est qu’un homme de pouvoir.
Cependant, il s’appuie sur une majorité très étroite, seulement trois sièges, au Parlement à Westminster. Il n’est pas certain qu’il ait les moyens de sa politique.
Et nous ferons tout pour l’empêcher.
Comment peut évoluer la situation en Écosse ?
Nous sommes ceux qui, dans l’ensemble britannique, avec les Irlandais du Nord, allons subir les conséquences les plus dures du Brexit s’il devient effectif.
L’Écosse, physiquement, ne connaît qu’une seule frontière terrestre, celle avec le Royaume Uni. C’est un point crucial pour nous.
Si le Brexit échoue, et que Écosse et Angleterre restent membres de l’Union Européenne, cette frontière en cas d’indépendance de l’Écosse n’aurait pas de répercussions tellement fortes dans la vie quotidienne de ceux qui y vivent.
Un peu comme aujourd’hui entre la France et la Belgique par exemple. Si bien que le choix de l’indépendance est dans ce contexte plus facile à obtenir.
Par contre, si le Brexit réussit, l’indépendance de l’Écosse s’accompagnerait de la mise en place d’une frontière « hard» avec le reste du Royaume Uni, ce qui modifierait la vie quotidienne des hommes et des entreprises du sud de l’Écosse. Ce serait incontestablement une difficulté pour nous.
Mais je suis persuadé que le chaos sera alors tel à Londres que l’option d’indépendance sera acceptée quand même par le peuple écossais.
C’est une situation inverse de l’Irlande du Nord ?
Exactement. L’Irlande a évolué depuis vingt ans grâce à la levée des barrières douanières entre le Nord et le Sud, depuis les accords du vendredi saint.
C’est l’appartenance des deux États à l’Union Européenne qui a permis cette évolution qui a été très favorable pour tous.
Économiquement, Belfast en a largement profité car il est devenu le port principal pour toute l’Irlande.
Parallèlement, les crispations religieuses entre catholiques et protestants ont baissé d’intensité. Le retour d’une frontière dure n’incommodera pas que la partie catholique de la population, mais aussi beaucoup de protestants, et le rapprochement de l’Ulster avec le reste de l’Irlande soulève moins de réticences désormais. Le Brexit ne fera qu’accélérer ces tendances au détriment du Royaume Uni.
Quelle est la situation politique de l’Écosse aujourd’hui ?
Actuellement, le SNP gouverne l’autonomie écossaise avec 57 élus au Parlement d’Edimbourg, une majorité relative confortée par le soutien extérieur de 8 élus des Greens. Le SNP gouverne l’Écosse sans discontinuer depuis 2007, et depuis 2014 c’est Nicola Sturgeon qui est notre Premier Ministre.
Le SNP est crédité d’un bon bilan à la tête des institutions écossaises, et nous sommes en bonne situation dans les sondages.
Quels sont les principaux éléments de bilan de vos gouvernements ?
Le SNP a cherché à impulser en Écosse une politique sociale totalement différente de celle de Londres qui est dominée par les Conservateurs.
Nos compétences d’autonomie portent sur des domaines qui ont un fort impact sur les politiques sociales : santé, police, éducation, universités et transports. L’État britannique garde la main sur le régime de sécurité sociale et les allocations chômage, mais il garde aussi les bénéfices de l’exploitation pétrolière et gazière qui lui assure d’importants revenus au détriment de l’Écosse.
Dans le cadre de nos compétences, nous avons doté l’Écosse d’infrastructures de santé bien meilleures, notamment les hôpitaux, avec un coût des soins plus bas que dans le reste du Royaume Uni ; nous avons maintenu des coûts raisonnables pour l’accès à l’Université alors qu’ils se sont envolés dans le reste du Royaume Uni. L’écart est de 9.000 livres pour la scolarité d’un étudiant.
Pour l’énergie, nous avons fait le choix des ENR, hydroélectrique, éolienne et même solaire car n’oublions pas que dans le nord, l’été, les journées s’étirent sur vingt heures !