L’article 50 (début du Brexit) et les 60 ans du traité de Rome marqueront ce mois de mars 2017 qui pourrait s’avérer crucial pour l’avenir du projet européen. Sera-t-il une traversée du désert, un véritable calvaire ou la résurrection du projet européen ?
Le 23 juin 2016, 52% des Britanniques ont voté pour que le Royaume-Uni sorte de l’Union Européenne mais l’Ecosse (62 %) et l’Irlande du nord (56 %) ont voté pour rester dans l’UE. Depuis 8 mois, rien n’a (encore officiellement) commencé. La Première Ministre Britannique, Théresa May, croyait qu’elle pouvait activer seule l’article 50 (du traité de Lisbonne), celui qui lance la procédure de sortie d’un Etat membre de l’Union Européenne, mais la Cour suprême du Royaume-Uni en a décidé autrement. Le référendum étant consultatif, le pouvoir étant dans les mains du Parlement et non du gouvernement, elle a dû se résigner à présenter un texte à la Chambre des Communes (députés) et à la Chambre des Lords afin d’être autorisée à activer le fameux article 50.
L’humiliation du gouvernement – qui pensait agir sans avoir à passer devant le Parlement – couplée à celle des parlementaires –qui majoritairement étaient opposés au Brexit mais ont dû valider le vote des peuples du Royaume-Uni – a retardé le processus. Mais voilà, le 9 mars prochain, le Royaume-Uni devrait notifier son départ de l’UE lors du prochain Conseil européen, à moins que la Première Ministre ne retarde l’échéance et ne nargue les Européens en activant l’article 50 lors des festivités des 60 ans du traité de Rome, prévues le 25 mars dans la ville éternelle.
En tout cas, une période de 2 ans va s’ouvrir, durant laquelle des négociations formelles et tendues vont se tenir, avec des milliers de textes à négocier, des millions d’emplois à protéger, des milliards d’euros à payer. Et pour la première fois de l’Histoire, un État va quitter l’UE.
Légitime démocratiquement, cette décision aura des répercutions partout ailleurs en Europe. Un seul exemple : avec une contribution nette de 5 milliards d’euros par an, le départ du Royaume-Uni se traduira par un trou dans le budget européen qui devrait être compensé soit par une augmentation des contributions des États membres, soit par une coupe dans les budgets (soit un mix des deux) et les régions moyennement pauvres, comme la Corse, peuvent déjà s’inquiéter de leur sort.
De toute façon, cette négociation laissera des traces. Trop dures, elles seront jugées comme punitives et renforceront les europhobes qui ont le vent en poupe et qui sont souvent les plus jacobins, voire les plus xénophobes d’Europe. Trop tendres, elles ouvriront la porte à de multiples départs actant la fin du projet européen ! Si le Brexit est une opportunité historique de clarifier la relation des peuples au sein de l’Union, il pourrait aussi être le chemin de croix fatal au projet européen.
Les 60 ans du traité de Rome.
Le 25 mars 1957, à Rome, 6 pays ont signé le premier traité européen. En réalité, le second (Communauté économique européenne – CEE) et le troisième (Communauté européenne de l’énergie atomique – EURATOM), après la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) signé en 1951. En se lançant dans une union douanière puis monétaire, il y a 25 ans, à Maastrcitcht, les États membres ont décidé de lier leur destin. À Rome, ce 25 mars, les 27, qui veulent continuer l’aventure, vont souffler les 60 bougies européennes.
Pourtant, il n’y a pas de quoi pavoiser. Les 27 sont incapables de sortir de la crise économique et sociale.
Il y a ceux qui veulent des règles plus strictes (le nord), ceux qui veulent plus de solidarité (le sud), il y a ceux qui refusent la solidarité financière (l’ouest), il y a ceux qui refusent la solidarité migratoire (l’est), il y a ceux qui veulent approfondir l’Europe (le centre), il y a ceux qui se sentent exclus (la périphérie).
La ferveur, le rêve, l’utopie qui régnaient à Rome, il y a 60 ans, à laisser place à la critique, la peur, le scepticisme, car cette Europe n’a pas tenu ses promesses de paix, de prospérité partagée et de respect de la diversité.
Paradoxalement, c’est en crucifiant cette Europe des grandes capitales –qui décident pour tout le monde– ou du grand capital – qui spolie les peuples – que le projet européen peut retrouver une nouvelle vie, un nouvel élan, un nouvel espoir. Oui, le statu quo est morbide, le retour en arrière mortel ! Il nous faut aller de l’avant, ouvrir une nouvelle page, construire une autre Europe. Une Europe qui respecte les peuples et la démocratie. Une Europe qui soit juste et solidaire. Une Europe qui soit diverse et fédérale.
Oui, le Brexit –tout comme le statu quo institutionnel – peut être un véritable chemin de croix pour les peuples d’Europe mais il peut accoucher, via les exemples écossais et irlandais par exemple, d’une véritable résurrection du projet européen. Pour cela, cette Europe doit mourir pour que l’Europe des peuples puisse naître.
Roccu Garoby
Vice-Président de l’ALE Jeune